Un article du Soir d'Algérie de Ammar Belhimer analyse le phénomène de binationalité algéro-française vu à travers le livre de S. LABAT,
Séverine Labat, La France réinventée, Les nouveaux bi-nationaux franco-algériens, Editions Koukou, Alger 2011, 272 pages
Elle considère le phénomène de la bi-nationalité franco-algérienne «à tous égards exemplaire du nouvel ordre colonial», d’un «cordon ombilical colonial» et de la «mise en cause de la validité du lien national» algérien. Elle y voit par ailleurs l’expression d’un «malaise identitaire», d’un «délitement du sentiment d’appartenance national», «d’une absence d’espoir de populations qui cherchent travail, refuge, envie d’ailleurs et réalisation de soi». Nous sommes en présence d’un phénomène peu visible, d’une «situation inédite d’une double nationalité qui se traduit généralement sous la forme de l’obtention de deux titres d’identité ou du moins de passeports émis par chacun des deux Etats sans que l’autre en soit en règle générale informé». En réalité les 2 Etats sont informés à chaque passage de frontières et adoptent une politique de l'autruche.
Les conséquences de ce phénomène sont à analyser différemment de part et d'autre de la Méditerranée.
En France à ma connaissance Jean Luc Melenchon est le seul homme politique à avoir pris conscience de l'ampleur des conséquences de la binationalité franco maghrébine (même si elle est symboliquement significative surtout pour les Algériens); il a osé en parler librement au cours des campagnes électorales présidentielle et legislative (ce qui lui a coûté probablement quelques voix). Au point d'envisager son premier voyage s'il était élu...à Alger. Cette situation crée un réel malaise en raison de la nostalgie d'une Algérie française de 132 ans, et d'une visibilité de l'Islam en France accentuèe par les médias, les "révolutions arabes" et à chaque inauguration d'une nouvelle mosquée française. Manifestement l'identité française a besoin d'être maintenant revisitée hors du champ exclusif de la chrétienté. Le travail préliminaire devrait être l'oeuvre des sociologues, des démographes et d'une manière générale des intellectuels.
En Algérie l'aricle d'Ammar Belhimeur résume assez bien le sentiment général des Algériens qui ne sont pas sortis de la mémoire de la "glorieuse" guerre de libération et accompagnés maintenant des islamistes plus ou moins tolérants et dont beaucoup considèrent qu'il s'agissait d'une "guerre de religion qui a bouté l'Infidèle d'une terre d'Islam". La société algérienne tente maintenant de faire une synthèse "national-islamiste", hypothétique car porteuse de dangers politiques de rupture brutale du consensus national.
Parmi ceux qui ont 2 passeports, il y a ceux qui vivent et pensent en citoyens français, ceux qui vivent et pensent en citoyens algériens, et puis il y a ceux qui se sentent Français quand ils sont en France et Algériens quand ils sont en Algérie, vivant ainsi sans complexes avec 2 passeports leur binationalité sinon leur double identité.
Cette situation a été accentuée par la politique des visas de Shengen car seuls ceux qui ont une double nationalité peuvent voyager sans visa. Et l'obtention d'un visa n'est aisée ni pour les Algériens ni pour les Français tant les rancoeurs "historiques" sont tenaces.
Le sujet devrait susciter un débat approfondi sur le plan social politique et culturel suscptible d'ouvrir de nouvelles perspectives en Méditerranée.
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/08/14/article.php?sid=137938&cid=8