Membre du Groupe,
sa carte professionnelle mentionne
ses titres ès Clowneries,
à la fois Funambule, Avocat.e,
Policier.e, Prostitué.e,
Vendeur.euse de parfum trop maquillé.e,
ou d’autres fonctions encore.
La photo d’identité montre
des pommettes roses et lèvres ourlées,
une même blouse :
celle de l’Esthéticien.ne
pour les gardes de l’hôpital.
C’est dans les toilettes Chevalier.e
des Galeries Lafayette
qu’il est permis de se changer
avant chaque mission.
La Société Artistique Libérale
convoque d’un BIP sur leur Bi-Bop,
les démuni.es, sans-emplois-fixe, chaque matin.
Le Groupe leur attribue
un remplacement rémunéré– de quoi ne pas mourir de faim et investir
dans des costumes de qualité pour garantir
si possible les bonnes affectations –.
Les menottes sont gratuites.
Panoplies, péplums et burnous :
nouvelles peaux
enfilées en un laps et souvent moins,
puis on les conduit.
« On » ? D’autres démuni.es formé.es la veille
par d’autres « on » plus élevé.es
dans la hiérarchie
parce qu’arrivé.es l’avant-veille.
On cherche un temps la caméra
puis se résigne, on joue bel et bien sa vie,
la vie, des vies.
Les vies des autres devenues siennes.
Chaque fois, on se force à aimer son rôle.
Aimer est une obligation.
C’est dans son contrat. On se doit d’aimer.
On se force à aimer.
On se force aussi en retour à ne pas aimer
pour de vrai.
Non plus. On a l’habitude
puisqu’on s’était forcé.e à aimer
une mère qui n'aime pas.
Ou ne sait pas qu'elle aime.
Alternativement, elle n’aime personne
puis tout le monde.
Elle aime qui la hait. Amère. A privatif.
On retourne la voir, se prend un coup de bâton
et repart pour un temps.
Juste ce qu’il faut pour oublier
le mauvais traitement et enfin croire
que tout va s’arranger.
Trop souvent la ritournelle s’installe.
Tout dépend de ses horaires
mais il lui arrive de chanter en exagérant,
on voudrait taire les relents du passé,
en faisant plus de bruit,
en apprenant à jouer de la musique.
C’est pour cela qu’on fait glisser les menottes
sur la cuvette dorée des toilettes Chevalier.e
des Galeries Lafayette
au rythme des mélodies et percussions
qui résonnent.
Croit-on.
Seuls échos d'aboiements rauques
et de toux
Kaat