Il est vrai que la disparition des modes de production et d 'être produisent toute une phraséologie qu'il serait bien téméraire d'appeler idéologie qui tendent toutes à voiler la réalité, vantant et folklorisant les charmes de ce qui vient de mourir et d'être tué pour mieux ne pas voir, dissimuler, les auteurs du crime.
La France des 365 fromages est née avec le chemin de fer outil de désenclavement mais surtout d'universalisation du monde et d'unification et création du marché national.
La choix pour l'Arabie Saoudite du chameau et du palmier comme emblème national se fait au moment même où la société se sédentarise c 'est à dire quand le chameau n'a plus qu'une valeur symbolique .
De même la globalisation conduit à l'effervescence de concepts pour le moins obscurs comme ces " parcs naturels " dont tout écologique se fait volontiers le défenseur sans voir qu'il manie là un oxymore quasi parfait.
Mais peut-on pousser le raisonnement encore plus loin et voir dans les États-nations considérés comme défendant en dernier ressort leurs entreprises et citoyens contre la normalisation en marche des tenants de la globalisation universalisation, les outils et les enfants de cette globalisation ?
"L'Etat-nation n'est pas la victime de la globalisation, il en est l'enfant" . C'est ce qu'affirme Bayart dans un récent entretien de haute tenue stylistique ici même avec Géraldine Delacroix.
Bayart est certes un politologue du tout premier cercle dont les travaux sur l'Afrique font autorité. Comme Lordon , économiste, il manie une langue alerte et volontiers iconoclaste qui fait mouche et explore souvent des territoires en friche n'hésitant jamais à jeter, avec délectation, pavés dans la mare de nos habitudes.
Tel est bien ici l'intention car l'Etat-nation est bien vécu et décrit à travers mille combats comme étant ce qui nous protège d'un tsunami libéral . Que ce soit du bœuf aux hormones, de l'utilisation des OGM, des " avantages acquis par les luttes syndicales " c 'est à dire, retraite, salaire, représentation syndicale, congés payés, assurance maladie ..., il semble bien que cela soit l’État qui empêche le capital financier de dicter sa loi .
.Le capital rappelle Lordon .. logique générale et groupe social . est une puissance... ( qui) poursuit son élan affirmatif tant qu'elle ne rencontre pas une puissance plus forte et opposée" . Ajoutant " sans douter que le capital n'ait autre chose en vue que la mise en coupe réglée de la société toute entière soit une tyrannie sans doute douce, sucrée à la consommation et au divertissement, mais une tyrannie quand même.
Et, précise-t-il dans cet article du "Le Monde Diplomatique" de septembre, c 'est bien là la raison d'être de la gauche que de s'opposer à cette volonté de puissance du capital ( ce que Poulantzas appelait "l'hégémonie"), en ce sens " la gauche ne peut mourir" même si "les trois petits cochons" ( Hollande, Moscovici, Sapin) ne sont que des démissionnaires et des collaborateurs .
Mais réarmer la gauche, ne plus la mettre au service du capital c 'est à dire ne plus faire de l'état l'outil qui permet à l 'imperium de s'implanter et de dominer, comme le dit Bayart c'est aussi développer une politique toujours possible , une vision, une stratégie et une tactique qui, toujours d 'après Lordon, demande, exige une " densité politique, d'interactions concrètes, de débats, de réunions, d'actions organisées dont on voit mal que, reposant sur une communauté de langue, elle ne trouve son lieu privilégié dans l'espace national" .Et, pour enfoncer le clou, il poursuit plus loin, " il n'y a que les postures d'universitaires, inconscients de la particularité de leur position sociale pour ignorer à ce point les conditions concrètes de l'action concrète... et pour renvoyer d'un mouvement de mépris tout ce qui s 'élabore dans l'espace national soit, en passant,la quasi totalité des luttes effectives .
Car il y a luttes, effectivement, relayées ou non par l’État, le gouvernements et sa représentation bruxelloise, relayées ou non par les syndicats, les associations, les partis, les groupes autonomes qui tous agissent dans un cadre national.
On peut également répondre que les luttes ne signent pas la victoire et que la rue et les syndicats n'ont plus les forces nécessaires pour faire plier un gouvernement qui n'aura pas tort de dire et redire pour sa défense qu'il n'y peut rien que tout est dans l' Europe ou dans une mondialisation applaudie par l'Europe contre laquelle il ne peut rien.
Mais la réponse sera celle justement que donnait Hollande quand lors de la campagne on lui parlait de la faible marge de manoeuvre laissé aux forces nationales que l'Europe bouge justement y compris en Allemagne et que les mouvements nationaux peuvent s'etendre plus radidement que l'on en le pense.