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Billet de blog 8 septembre 2013

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Mexique : un peu d 'histoire récente; la campagne 2006

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Les régimes autoritaires de Parti Unique ont bien tort de ne pas jouer le jeu démocratique. Ils y gagneraient la reconnaissance internationale, soucieuse avant tout de l’oint des urnes, sans rien avoir à perdre ni céder de leur arrogance. La teinture démocratique est parfaitement soluble dans la dictature.

Le Mexique est là pour nous le rappeler. Un parti qui avait tout du Parti Unique, le PRI, y a régné pendant quasi tout le XX ème siécle.. Devenu habile dans l’art de maquiller les résultats, expert en fraudes électorales, en bastonnades, assassinats et menaces envers les journalistes ( plus de 20 journalistes assassinés dans les 10 dernières années ce qui place le Mexique loin devant Cuba dans le rang mondial de l’abject) voire en assassinats politiques ( où il détient également quelques records), il a su, avec la bénédiction et l’amitié de la planète démocratique- à commencer bien sur par son voisin les USA avec lequel en 1994 il signa l’ ALENA - faire bonne figure. Il n’y eut jamais, à Paris, de réunions d’intellectuels médiatiques offusqués quand, au détour d’une campagne une journaliste fut bastonnée, une autre assassinée, un candidat porté disparu et plus de votes pour le PRI qu’il y avait de votants.

La farce électorale qui tient tout de la messe à usage externe a pourtant, il y a six ans, tourné court. Le PRI, bien qu’ayant conservé la majorité au Congrès, a perdu la Présidence.

Après une pré-campagne, primaires, pour désigner les candidats les présidentielles ont commencé au début de cette année 2006 avec cet enjeu majeur de savoir si le PRI va une nouvelle fois morde la poussière bien qu’il ait sous son drapeau une large majorité de gouverneurs, de sénateurs et de maires, mais surtout des militants qui ont l’habitude de ce genre d’événements et savent où et comment détourner le sens du vote malgré la création récente d’un Comité de Vigilance Electorale destiné à lutter contre les détournements et les fraudes ? Bien qu’il régnât plus longtemps que le PC de l’Union Soviétique il ne se relèverait pas de ses cendres.

Il se trouve confronté à une perte de crédibilité grave, plus grave que celle qui touche les autres partis ; ses gouverneurs sont pour la plupart des caciques plus férus d’autoritarisme que de démocratie, mouillés par delà les cheveux dans de sordides histoires de pots de vin, de « dîmes », de passe-droits et toute combine que leur position permet. Mais surtout il y a cette année des concurrents redoutables.

A commencer par le PAN qui déjà il y a six ans avait défait le PRI et qui compte bien, en s’appuyant sur le patronat et les catholiques, soutenu publiquement par Aznar, ex-président espagnol lors d’une visite privée au Mexique il y a quelques semaines, et bien sur par le Président sortant, remettre le couvert. Son héros, Felipe Calderon, apparaît sans tâche. Il est jeune. Il apparaît aussi bien frêle.

Autre candidat qui pourrait également l’emporter et qui est largement en tête des sondages : Andrés Manuel Lopez Obrador du PRD ( Parti de la Révolution Démocratique ) Il a déjà un sobriquet issu de ses initiales, AMLO, une aura médiatique acquise comme Maire de Mexico, un charisme certain, le soutien de la gauche internationale et de ce que l’on peut appeler, pour autant que cela ait un sens, la gauche nationale qui jusqu’alors n’a jamais dépassé 20 % des voix et, comme Lula au Brésil, semble pratiquer un gauchisme bien tempéré qui met dans le rouge du Parti des Travailleurs beaucoup d’eau libérale.

Mais la société mexicaine est une société bloquée. La masse des travailleurs n’a jamais sous la férule d’un syndicat prosélyte acquit même en un siècle ne serait-ce qu’un début de sentiment de classe et l’idée qu’elle représente une force avec laquelle le pouvoir se doit de discuter. Les secrétaires généraux syndicaux sont nommés par le gouvernement.( 1)). Ils ont pour mission de faire voter les syndiqués dans « le bon sens », et de réprimer toute action revendicatrice. Les ouvriers, qui ne travaillent que grâce au syndicat, qui a le monopole de l’embauche, obéissent. Cependant les « maquilladoras » entreprises de sous-traitance, à capital étranger, installées à la frontière américaine bénéficiant de nombreux avantages fiscaux commencent à déserter le pays. Le chômage guette d’autant moins visible qu’il n’est pas rémunéré. Enfin la masse, en expansion, des emplois informels laisse hors de portée de la bonne parole gouvernementale et syndicale une partie de la masse travailleuse dont la détermination obéissant à d’autres critères demeure parfaitement inconnue

Le jeu politique semble ainsi être entre les mains d’une petite bourgeoisie qui commence à s’inquiéter et voit peu à peu les portes se fermer devant elle. Un petit vent d’inquiétude traverse pour la première fois les universités, privées pour la plupart et aptes à se situer dans le droit fil des besoins patronaux ( en terme de communication, d’informatique et de technique entre autres). Elle aspire à comprendre. Le spectacle politique qu’on lui offre, l’absence d’analyse et de propositions, de probité voire d’intelligence (2) la troublent. Elle n’est pas habituée au débat politique. A penser politique par elle-même mais à s’immiscer dans des réseaux portés par des compagnons d’université, la famille et ses alliés. La vie économique est en effet rythmée et encadrée par mille dérogations, facilités, passe-droits qui la rendent plus rapide efficace et rentable et le vide politique rempli le plus souvent de connivences et de connaissances plus que d’idées.

Mais aucun des thèmes qui la troublent ne reçoit de réponse.

Face à l’émigration et au chômage les candidats surfent sans élégance. « Si quelqu’un veut s’en aller vers le « rêve américain » dites –lui qu’il reste que je vais, moi Roberto, lui trouver un emploi » s’exclame le candidat du PRI, Roberto Madrazo content de lui et de sa sortie.

Face à la corruption, en chœur ils la condamnent. Mais ils en profitent tous largement. Surtout le PRI qui en a fait un art de vivre et de survivre et, en quasi un siècle de pouvoir, l’a structurée, encadrée, développée, organisée. Tant à des fins personnelles que publicitaires ( 3). Car il s’agit en fait d’un système de redistribution qui ne se tranche plus entre Capital et Travail mais entre légal et illégal

Assez semblable en fait à l’économie mondiale dont la face cachée selon Denis Robert est plus importante que la face apparente, ( il y aurait un « inconscient économique » aussi puissant dans les décisions et les choix politiques et économiques que l’ inconscient individuel ) l’économie mexicaine vit comme un voile agité chargé de masquer l’essentiel c ‘est à dire le narcotrafic qui par sa puissance consolide et structure les réseaux politiques les transformant en « familles », placées sous la protection d’un « capo ». Quand un Président( Zedillo) nomme, avec l’aval des USA, un Général commandant en chef de la lutte anti-narco et que ce même général ( Gutierrez Rebollo ) dans les deux années qui suivent sa nomination devient lui-même un trafiquant notoire à tel point qu’il utilise les camions de l’armée, les terrains d’aviation militaires, le personnel de l’armée, les avions de l’armée etc.. pour le transport de la « marchandise », on se dit qu’il ne s’agit pas là d’un fait isolé, d’une dérive personnelle mais d’une constante, d’un élément de structure plus que de conjoncture.

Malgré plusieurs centaines de morts violentes par an, ( qui font du Mexique l’un des pays les plus « insecure » du monde), les séquestrations en fort hausse ( estimées à plus de 2000 par an), la multiplication des zones de non-droit dans des mégapoles ingérables ( Mexico 25 millions d’habitants), la violence quotidienne faite aux journalistes, aux représentants politiques des petits partis auxquels on refuse salles, affichages, électricité, une grande misère en augmentation, une redistribution telle que les 10 % les plus riches obtiennent chaque année une part plus importante du PIB national, c’est sous les défroques du caciquisme, du népotisme, d’une démagogie récurrente et d’un néo-stalinisme sous perfusion d’argent sale que se dessine, de façon bien imprécise et floue, le débat politique, pour autant qu’on puisse parler de débat, pour autant qu’on puisse parler de politique. Quant au Sub-commandante Marcos, abandonnant les armes, il s’est lancé dans une « autre campagne » répondant aux débauches télévisuelles et aux placards publicitaires par, romantisme échevelé, une virée promotionnelle en vieille moto. Personne n’en parle sinon pour déplorer des injures et une violence qui n’a rien à voir avec celui qui écrivait en parlant des indiens du Chiapas et des autres régions mexicaines et de la terrible insignifiance dans laquelle la classe politique les tiens « «  Pour eux, nos histoires sont des mythes, nos doctrines, légendes, notre science, magie, nos croyances, superstitions, notre art, artisanat, nos jeux, danses, nos vêtements, folklore, notre gouvernement, anarchie, notre langue, dialecte, notre amour, péché, notre démarche, traînante, notre taille, petite, notre physique, laid, et nos manières incompréhensibles ».

L’arrivée au pouvoir d’AMLO qui semble se dessiner, peut-il changer grand chose, pour autant qu’il triomphe des fraudes et détournements électoraux  alors que ses deux conseillers les plus proches viennent d’être filmés –oui filmés- recevant et ouvrant des mallettes pleine d’un argent qui fait ici cruellement défaut à une population comptant parmi les plus pauvres du monde alors que le Mexique compte cinq représentants dans les 100 plus grandes fortunes du monde ? Le demi-échec de Lula au Brésil fait craindre le pire.

EP 3/2006

(1)-en1997 le leader syndical du syndicat le plus important du pays, Fidel Velasquez, est à agonie et passe la main. Né en 1900, Il avait 97 ans. Aveugle depuis plus de 10 ans il ne se déplaçait qu’en fauteuil à roulettes et avait beaucoup de difficultés à parler. Mais il continuait, serviteur zélé, à interdire toute manifestation syndicale au Ier Mai et à apparaître en ce même jour, pour la photo, à coté du Président accompagné de quelques ouvriers.

En Février 2006 à la suite d’un « coup de grisou » qui tua plus de 30 mineurs le leader syndical demande des comptes à l’entreprise sur la sécurité dans les mines. Le gouvernement lui répond en révélant qu’il a succédé à son père dans la gestion du syndicat avec l’accord du gouvernement antérieur et détourné rien que moins que 8 millions d’euros payés au syndicat comme primes de licenciement , primes dont aucun ouvrier n a jamais vu la couleur.

(2)- la blague à la mode est de repèrer-répéter les slogans publicitaires dont usent les candidats : ils relèvent en effet de la caricature, du mauvais goût et de l’insignifiance stupide. Exemple : Sur des panneaux immenses «  Dis, Roberto, qu’il n’y ait plus de femmes battues. Si tu peux.» «  Dis Roberto, plus de séquestration hein, si tu peux »

(3)- la débauche d’affiches grand format et de spots télévisés qui pleuvent sur les spectateurs-citoyens n’a pas fait l’objet et ne fera pas l’objet d’une évaluation chiffrée entrant dans le cadre des frais de campagne

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