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Billet de blog 11 mars 2011

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l'Afrique et les élections

Les élections ivoriennes mobilisent le peu d 'attention portée dans ces premiers mois de l'année à l'Afrique Noire. Afrique qui est entrée pourtant depuis plus de six mois dans une phase particulière de son histoire: plus d'une dizaines d élections présidentielles ont eu lieu et/ou vont avoir lieu.

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Les élections ivoriennes mobilisent le peu d 'attention portée dans ces premiers mois de l'année à l'Afrique Noire. Afrique qui est entrée pourtant depuis plus de six mois dans une phase particulière de son histoire: plus d'une dizaines d élections présidentielles ont eu lieu et/ou vont avoir lieu. Elles ont donné à chaque fois à la fois le spectacle de ce qu'elles sont , une mascarade. Mais aussi, et c 'est nouveau un espoir. En Guinée - où après quelques jours d 'émeutes- A. Conde fut élu, au Niger où un putsch militaire dirigé par Djibo Salou contre la tentative de Tandja de se maintenir au pouvoir a entrainé une série d 'élections municipales, régionales législatives et bientôt présidentielles ( deuxième tour le 12 Mars) , au Benin ou Boni Yayi,Président sortant , se représente avec quelques chances de l'emporter, en Centrafrique où Bozizé, vient d 'être, malgré les contestatations, déclaré vainqueur par le Conseil Constitutionnel, au Burkina où l'élection en fanfare de Campaoré s'accompagne depuis de soulévements multiples durement reprimés dans le sang dont la presse occidentale s'inquiète fort peu, ayant campé Campaoré dans le rôle de démocrate au service de ses voisins, médiateur par excellence alors qu'il est à l'origine des "ennuis " de la Cote d 'Ivoire en ayant soutenu les Forces Nouvelles rebelles dés les années 2000, au Sénégal enfin où Wade vient dêtre choisi par son Parti pour une troisième élection, inconstitutionnelle d'après Idrissa Seck son allié de toujours.

Nous l'avons, après d 'autres, -dont Soyinka qui, lui, parle de " farce"-dit souvent les élections dont Mitterand faisait le passage obligé du soutien politique et économique de la France sont une mascarade. Elles sont en Afrique ce que peut être une prothèse dentaire à un faisan cendré.Forme de la démocratie en Occident avec tous les doutes et les bémols que l'on peut mettre car à la merci des démagogues de la communication, de l'argent de campagne, et de la manipulation de la loi électorale qui veut, en France par exemple qu'un Parti qui obtient 15% des voix n'obtienne que 0,2% de sièges à la Chambre alors que dans la même élection un Parti qui en obtient 9% en obtient 6%, en France toujours où une élection qui ne sert pas le pouvoir en place est déclarée nulle et contournée ( Traité Européen) etc..elle est, en Afrique, une simple aberration.

Parce qu'elle repose sur un symbole fort et républicain : le bulletin. Mais que signifie un bulletin de papier dans une société orale? Bulletin rédigé dans une langue que l'on ne comprend pas, qui n'est pas la langue que l'on parle, bulletin que l'on ne sait pas lire et qui nomme des gens que l'on ne connait pas et sont si lointains qu'ils semblent vivre dans un autre monde.

Parce que le rapport entre ces gens dont le nom figure sur le papier et soi est un rapport vague. La notion d 'Etat et de Nation sont des concepts flous dans un environnement marqué d 'abord par la langue, la pratique rituelle et religieuse,les métiers et leur distribution selon les familles.L'espace mental dans lequel vivent une majorité d 'africains est marqué fortement par un système complexe de dépendances acquises et/ou rituelles qui construisent les familles dominantes et les familles dominées avec l'obligation pour les dominants d'être dans un rapport de protection et d 'obligations vis à vis de leurs "clientèles". Comment dans un système social aristocratique et/ou clienteliste aujourd'hui fortement urbanisé et d 'autant plus renforcé, construire une démocratie basée sur l'élection c est a dire le choix quand, par définition, il n'y a pas de choix mais des obligations sociales et séculaires qui sont aussi des parapets et des garde-fous contre les catastrophes naturelles et/ou physiques ou sociales..

Par ailleurs choisir c 'est connaitre c est à dire affirmer l'existence d'une altérité que l'on aurait loisir de parcourir et de s' approprier.

Or, cet autre, comment l'appréhender quand les moyens de sa connaissance sont refusés par l'illétrisme encore profond et s 'élargissant, et une éducation au rabais étant tout sauf une ouverture réelle sur le monde et l'autre? Quand la Presse est, demie-libre, indigente dans sa diffusion et sa qualité, loin de représenter même l'ombre d 'un quatrième pouvoir possible et/ou une occasion de s'informer.?Comment l'appréhender quand les distances sont si grandes, socialement, géographiquement, culturellement. Une nation- celle qui vote par l'entremise de l'Etat -ne se construit pas en une demi-décennie d 'inefficience manifeste. L''Etat non plus.

Car le vote est d 'abord concrètement une incroyable machinerie mise en oeuvre par l'Etat.
A commencer par l'Etat-Civil, les registres, le cadastre, l'adresse, les cartes d 'électeurs, les listes électorales,sans parler des urnes, des bulletins, des locaux, de l'isoloir, de la compilation, du compte de la transmission etc... bref un quadrillage rigoureux de l'espace national, quand il manque et de l'argent, des camions qui n'ont pas de gas-oil ( Niger-déclaration du Président de la CENI, Benin, la CENI est au coeur d 'un débat houleux sur les listes électorales" voir l'excellent article que " Jeune Afrique" y consacre),des agents formés et compétents et surtoutdes moyens et des urnes et des cartes et des routes ....alors que partie du territoire national est souvent aux mains d 'un Parti rebelle ( Congo, Angola, Niger,Cameroun, Sénégal, Cote d 'Ivoire...)?.
Sans même parler de volonté manifeste de "bourrer les urnes" comme traditionnellement la Corse et/ou le Parti Socialiste dans ses votes internes il y a impossibilité technique de répondre même à un semblant de consultation "réelle".

Et c 'est le problème qui se pose aujourd'hui.

Car aujourd'hui de façon manifeste nombre de citoyens pensent que les élections peuvent être un moyen de changer les choses.Quoique je ne me fasse pas d'illlusion sur le chiffre élevé de la participation.

A la fatalité, aux combines, aux compromis et compromissions, magouilles et luttes intestines pour receuillir quelques miettes de pouvoir et de représentativité, commence à poindre l'idée que ces élections toujours truquées, frustrantes, mise en scène par les pouvoirs avec l'appui des militaires et des forces dites de sécurité, pouvaient peut-être devenir autre chose. Bref une espérance est née. Et avec cet espoir, volonté de transparence, de propreté, de probité; le combat change d 'âme.L'égalité devant la Loi devient un possible, alors que chacun sait, dans son quotidien, que tel n'est pas le cas, nulle part.
Les déçus du suffrange universel ne crient plus au mensonge en espérant négocier contre leur silence quelques prébendes discrètes mais, poussés, en appellent, non aux résultats mais aux conditions du résultat.

La grande instance politique depuis six mois en Afrique c'est la CENI.
Elle est nigerienne, beninoise, ivoirienne, sénégalaise, guinéenne, centrafricaine etc... elle est partout.

Comite Electoral National Indépendant.

Il est chargé de mettre en oeuvre les élections, de gérer la machine et de garantir la fiabilité des résulats.

Las! On vient de s 'apercevoir qu'ils ne peuvent pas.

Non seulement au nom des pressions dont ils sont les jouets ( ils sont dénoncés, jetés aux orties sinon en prison, comme en Guinée aprés que l'un mourût à Paris) et les acccusations de préférence ( cote d 'Ivoire, Niger etc..) mais surtout pour leur incapacité à gerer concrètement la machine.

A tel point que des agences de notation des systèmes et organisations sont nées.

Et que Alpha Condé en voyage récemment au Sénégal a lancé l'idée d'une chartre des CENI, de leur formation ,de leur mise en oeuvre..bref dans le grand silence de l'analyse politique africaine une voix, forte , s 'est élevée qui semble dire "Basta et jouons le jeu".
Ajoutant et c 'est là l'autre bombe, rappelant l'effet bénéfique qu'avait eu pour la CENI guinéene la nomination d 'un Directeur indépendant choisi par la Francophonie -que dirige Monsieur Diouf, Ancien Président sénégalais- de faire jouer à celle-ci un rôle moteur...et technique.

Le chantier est immense.
Il n'est qu'incidemment politique

Il est coûteux.Fort coûteux. Il exige une méthodologie encore mal maitrisée.La mise sur fiche finalement d 'une société dont beaucoup d éléments n'en finissent pas de se déplacer, de naitre, grandir, mourir,éléments non ou mal enregistrés ou enregistrés dans dans registres disparus ou mal remplis. Aprés un travail harasant portant sur une partie de la population ivoirienne il y avait un million de réclamations pour erreurs -plus de 10%-

Les critiques qui fusent actuellement en Afrique -au Niger par exemple, mais aussi en RCA etc..-portent avec "des luxes de détails plus vrais que nature" sur ces conditions concrètes de l'exercice, et partant sur le temps et le coût d'une opération qui permettrait que s'installent dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest les conditions d 'une démocratie électorale qui serait, par rapport aux modèles européens, à I0% près, équivalente en terme de fiabilité.
Qui gagnera t -on?

Une plus juste représentativité des élus et des Présidents? Certes.

Elus avec plus de transparence en seront ils pour autant plus aptes à répondre aux défis du développement? En seront -ils plus probes et honnêtes? L'Europe - et l'Occident en général-est elle du point de vue démocratique un modèle pour l'Afrique? N'est-ce pas l'Occident qui a refusé lors d 'élections algériennes le succés, transparent, du FIS? L'aval occcidental démocratique est donné au Mexique qui tue par an plus de 30 journalistes.Hitler fut élu. Démocratiquement. S Touré n'avait pas besoin de bourrer les urnes.

Si la CENI est garante de la transparence des votes elle n'est pas garante de la démocratie. Transparence et Démocratie ne sont pas synomymes. Peut-être aidera t elle à assoir l'idée d'un Etat.Mais de là à affirmer que la construction d'un Etat est un gage de Démocratie il y a un pas immense.

POurquoi ne pas se pencher sur une démocratie plus participative que Dia avait commencé à mettre en place dés 1960, bref d 'affirmer un désir de Démocratie africaine, originale, plus conforme à ses traditions et surtout loin des modèles dont la copie conforme a conduit l'Afrique là où elle est, dans les égouts.? C'est dans le sens là qu'il conviendrait d 'aller, car je crains, encore une fois, que la copie d'un modèle à prétention universelle mais en fait, comme système, uniquement adapté aux sociétés riches, et qui par ailleurs montre ses limites ne conduise l'Afrique, encore, à des echecs qui seront sans remission.

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