Depuis, dans les années 70, les analyses de Pierre Jalée et de Samir Amin, beaucoup d'eaux ont coulé sous le pont du neo-colonialisme rendant évidente chaque jour la justesse de leur vision des choses. Beauoup d'analyses sont venues parachever et parfaire le tableau dressé. Un point est resté cependant, comme le loch ness et l'arlésienne, souvent évoqué, toujours pourfendu, mais toujours oublié, celui de l'incidence dans le développement et l'essor des économies africaines de leur rattachement, pour les ex-colonies françaises, à l' Euro sous la forme d'un Franc CFA à parité fixe.
C'est tout l'intérêt de l'article de Sanou Mbaye, intellectuel, politologue et économiste sénégalais, ancien haut fonctionnaire à la Banque Africaine de Développement ( BAD), dans "le Monde Diplomatique" de Novembre.
Sanou Mbaye appartient à cette frange d 'intellectuel africain critique dont la pensée s'est nourri pendant longtemps au Panfricanisme, aussi lui revenait -il de parler, avant les autres, et mieux que les autres , de cette première avancée panafricaine qu'est le fait de partager, du moins pour les dix pays de l'ancien empire français, une monnaie unique.
Les critiques contre cet "anachronisme" sont partout sévères.
Nous ne les partageons pas.
A commencer par le constat d'une Afrique en plein boom surfant sur un taux de croissance de 4% - mais dans un autre de ses articles, et à la suite de beaucoup de commentateurs, il va jusqu'a parler de 7% - croissance qui dit-il "semble délaisser la zone franc".
Ce sont des chiffres en trompe-l'oeil. S'il est vrai que l'Angola a des taux de croissance vertigineux - plus de 12 %- et que le Nigéria et l'Afrique du Sud et les producteurs de pétrrole ont des taux de croissance de 6 à 7 % cela n'est pas vrai pour la plupart des pays et au contraire pour beaucoup comme le Mali, la Cote d 'Ivoire, la RCA , la RDC, le Burkina et beauccoup d 'autres les taux de croissance sont en récession, et plus faible en tout cas que le taux de croissance démographique ( évalué à 3 % ) . En d 'autre terme, la pauvreté progresse, une classe moyenne a du mal à se constituer, et les infrastructures sociales ont plus tendance à s 'effondrer qu'à se fortifier alors que paralellement le taux d'analphatisme est en hausse. Parler dans ces conditions d'un taux de croissance qui laisse augurer des lendemains merveilleux est une erreur de jugement grave d'une part mais attribuer une différence de croissance au fait d'être ou non dans la zone franc n'a pas de sens. Pas de sens non plus le fait de penser que les conflits qui ont ensanglanté et ensanglantent encore aujourd'hui l'Afrique soient liés d'une façon ou d'une autre "au maintien du franc CFA". Que dire du Nigéria, de la Sierra Leone et du Liberia qui étaient, il y a peu,des terres de massacres et de sang? Que dire du Rwanda, de la RDC, du Kenya et du Soudan pour ne pas parler de la RDC et de Boko-Haram ?
Cependant, il est vrai que la parité oblige les pays d'Afrique et l'Europe a pratiquer une politique monétaire commune qui, ne leur est pas toujours favorable. Il y aurait tout intérêt, c'est certain, aujourd'hui, en France et en Afrique, à dévaluer : cela ne se peut, c 'est regretable mais on ne peut avancer sans que l'on puisse dire que cette politique favorise les grands groupes français comme le suggère Sanou Mbaye.
Enfin critiquer la politique de l'AFD ( Agence Française de Développement) et dénoncer les prêts consentis au Sénégal pour la construction de la route d 'accès à Diammiadio est juste. Mais nous savons tous que l'AFD développe depuis longtemps une politique souvent imbécile et stérile sans que cela soit lié a la présence d'une zone euro mais plutôt à la pregnance des oripeaux de la françafrique.
De même la critique des taux d'intérêt demandé aux Etats n'est pas liè à l'usage de l'euro.
Bref on ne voit pas pourquoi," l'abolition de la convertibilté du franc CFA soit nécessaire au décollage économique "...
En d' autres termes nous ne sommes pas convaincus et tout nous porte à croire que l'économie africaine étant une économie externalisée elle ait tout intérêt à avoir, dans ses échanges, une monnaie forte même si elle doit en payer le prix par une rigidité souvent difficile