Sur le thème de la sécurité alimentaire vient de se tenir à Dakar, en cette fin Janvier, un colloque auquel étaient conviés les Régions. Outre le fait que le Président Sénégalais Wade dans la déclaration d’ouverture s’est dit content de son action alors que les faits le contredisent –il n’y a aucune sécurité alimentaire au Sénégal qui importe plus de 50% de son alimentation et dont la ressource halieutique est gravement menacée-il ne s’est, à notre connaissance ,rien énoncé que des vœux pieux et des généralités généreuses qui font planer sur la réalité, c'est-à-dire la faim dans le monde, quelques nuages d’effroi.
Ces craintes viennent de s’aggraver face aux mesures envisagées à Haïti après l’effroyable séisme qui vient de frapper l’île. Alors que des milliers d’haïtiens, traumatisés, envisagent de fuir la capitale sinistrée et de regagner leur province il n’est rien dit des raisons qui leur firent la quitter il y a deux, trois, cinq, dix ans et qui risquent de se renouveler. Tant que l’avenir d’Haïti, et le désir de se sortir du gouffre ne sera pas posé en termes de développement agricole durable capable de fixer les gens sur la terre et de les nourrir on court fort le risque, malgré les soutiens, l’aide et la bonne volonté, de voir se renouveler sinon le traumatisme ce qui l’a rendu si cruel : l’exode et la corruption.
Les haïtiens, comme beaucoup de paysans de par le monde, avaient effectivement à faire face sur leur terre à la brutalité climatique où sécheresses et inondations se succèdent dans une même année lavant et érodant les sols, à la disparition des faire-valoir et savoir-faire agricoles, à la disparition orchestrée sous couvert sanitaire par les Etats-Unis de races animales locales, comme le cochon noir, qui fournissait et engrais et protéines, à la mise sous dépendance technologique des intrants.
En d’autres termes le retour massif des habitants de la capitale haïtienne vers la campagne et le travail agricole doit s’accompagner , comme en Afrique où la faim rôde, d’’une révolution verte dont les maîtres- mots sont autosubsistance et indépendance.
Il importe -apparemment cela ne semble pas être la voie qui a été choisie -que Haïti renonce clairement et dés aujourd’hui à des pratiques agricoles qui la conduisirent à sa perte. Il ne saurait y avoir de reconstruction de l’économie et de la société de l’Ile sur la base d’intrants – engrais et insecticides- et de techniques agricoles « venant de l’étranger ». Il ne saurait y avoir de sécurité alimentaire, là et ailleurs, sans réfléchir aux complémentarités animal et culture ( retour du cochon noir), aux composts, aux engrais naturels abondants…et gratuits ( comme le margousier par exemple), aux semences ( abandonnés aux mains de semenciers sans scrupules), aux séchages ( solaires) aux stockages et aux transports ( traction animale lequel fournit aussi des fertilisants)) bref il ne saurait y avoir de sécurité alimentaire et de fixation des populations à la campagne sans revoir en profondeur -à partir des expériences menées un peu partout en Afrique, à partir des nouvelles recherches et savoirs sur les conditions de production en zones tropicales et équatoriales- des modes de maraichage et de cultures qui doivent impérativement tourner le dos aux diktats criminogènes des grandes sociétés occidentales lesquelles privilégient labours profonds, mécanisation, semences inadaptées, recours aux engrais et aux insecticides chimiques qu’il faut leur acheter comme elles privilégient par ailleurs le soutien de leurs produits alimentaires à l’exportation créant ainsi – PAC et « farm bill » -des conditions truquées et mortifères de concurrence.
Il importe de prévoir que dans chaque village une coopérative soit aidée, soutenue dont le rôle serait de permettre l’accès des paysans, anciens et nouveaux, à des semences adaptées, à des formations aux techniques de préservation des sols, de gestion de l’eau et de production agricole. Le cercle ailleurs vertueux qui consiste, sous couvert de rentabilité, à enlever des hommes du sol pour les remplacer par des machines, à retirer, sous couvert d’avantages comparatifs, techniques, intrants et produits est ici, à Haïti, comme en Afrique, un cercle particulièrement vicieux. Il appauvrit les sols au lieu de les enrichir, il favorise un exode rural et la mégapolisation des villes alors qu’il n’y a pas d’industries transformatrices laissant ainsi à une armée de laisser- pour -comptes que l’option mafieuse pour s’en sortir.
C ’est à une véritable révolution à laquelle nous convions les Régions – et les Région Centre et Poitou-Charentes en particulier- afin qu’elles soutiennent, en dehors des aides et soutiens décidés par l’Etat , dans le cadre des subventions et d’actions décentralisées, des projets visant à la réappropriation par les paysans, haïtiens ou africains, de techniques adaptées à leur climat, leur sol, et leur financement. Tout autre solution conduirait à ce à quoi nous assistons depuis des décennies : l’approfondissement de la faim dans le monde, l’exode rural, l’abandon des savoirs faire ancestraux bref la dépendance et la misère.
Erick PESSIOT, socio-économiste,
Président de ASAS-France ( AutoSubsistance Alimentaire et Sanitaire)37390 Chanceaux sur choisille.