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Billet de blog 12 juillet 2009

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Chinafrique, Françafrique même combat

Au départ de Bruxelles pour Luanda les avions sont pleins et les porte-bagages, à l'intérieur, au dessus des sièges sont, à la réprobation affichée des hôtesses, surtout occupés par des casques de chantier. La clientèle est majoritairement chinoise.

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Au départ de Bruxelles pour Luanda les avions sont pleins et les porte-bagages, à l'intérieur, au dessus des sièges sont, à la réprobation affichée des hôtesses, surtout occupés par des casques de chantier. La clientèle est majoritairement chinoise. Il s 'agit d'une main d 'oeuvre qui va travailler dans la construction d'hotels, d'immeubles, de routes.A l'arrivée ils seront pris en charge par des camarades chinois qui leur assigneront à l'intérieur d'un campement-caserne une cabane de chantier qu'ils n'auront pas le droit de quitter pendant toute la durée de leur contrat. Chaque matin, souvent, comme à l'armée, après l'appel et le lever du drapeau, ils revêtiront la tenue de l'entreprise pour laquelle il travaille, casaque bleue gapette blanche, pour gagner , collectivement, le chantier sur lequel ne travaille qu'une main d'oeuvre chinoise drivée par des contre-maitres chinois travaillant sur les plans d'architecte chinois avant que le soir, indépendamment du temps travaillé, ils ne regagnent, toujours ensemble, ces baraquements où des cuisiniers chinois leur serviront un repas chinois. Sur certains gros chantiers les prostituées chinoises suivent. Autour du campement un service d' ordre chinois interdit toute intrusion ..et toute sortie.

L'immeuble, la route, l'hopital se construit en un temps record à Luanda, à Alger, et là, en Afrique, où les entreprises chinoises gagnent des appels d 'offres c 'est à dire quasi partout. Aucune entreprise européenne employant une main d'oeuvre locale et respectant les droits du travail local ne peut concurencer les entreprises chinoises. En Afrique la Chinafrique c est d'abord la directive Bokelstein qui permet à toute entreprise étrangère de s'affranchir des règles et contraintes du pays.

Mais les dirigeants africains n'y regardent pas si près. La Chine sait remercier leur aveuglement d'une part mais surtout ils voient et montrent ce qui est réalisé et construit au prix d'une aide généreuse et d'un crédit non mégoté, non conditionné en termes de respect de la démocratie et autres colifichets symboliques dont l'Occident s'est entiché.

Ils doivent, ces dirigeants africains, par ailleurs renoncer à soutenir Taiwan mais qu'est Taïwan pour eux et à ne pas recevoir le Dalaï Lama qui est comme chacun le sait une des idoles de Soweto, d'Alger ou d'Apapa où il est à peu près aussi méconnu que Pierre Michon et/ou le Maire de Nice.

Le prix politique est donc léger et les prêts fort lourds. Il permet surtout symboliquement de s'affranchir d'un Occident ( en gros Paris Bruxelles Londres et Washington -la ville du consensus de 2006-) dont les ingérences internes, sous couvert de droits de l'Homme et autres balivernes, sont mal vécues tant par les gouvernants que leurs oppositions . Le procès des Biens Mal Acquis fait à Bongo, Nguessou et Consorts en est le dernier exemple, mal venu et surtout mal vécu sur place où chacun se demande pourquoi la France se permet d'attaquer les corrompus et non les corrupteurs et surtout semble chercher des poux dans la calotte d un Président qui, en plus de 40 ans n'amassa que quelques dizaines de millions d 'euros alors que Total affichait avec orgueil plus d'un milliard de bénéfices sur une seule annnée. Deux poids deux mesures, voila qui passe de plus en plus mal. L'arrogance occidentale est devenue de plus en plus insupportable, la gentilesse chinoise de plus en plus souhaitable et bienvenue.Cette gentillesse permet par ailleurs de faire monter les enchères. Il y a un plaisir évident à éconduire diplomates et hommes d'affaires en sachant que les chinois sont eux preneurs à des prix et des conditions plus attractive, à demander plus, à demander mieux.En se vautrant dans l 'offre chinoise il semble qu'on acquiert un peu plus de dignité.

Ainsi la Chine peu à peu évince les occidentaux. En RDC, en Angola, surtout dans les pays riches dans un gagnant-gagnant où chacun se frotte les mains...

Mais la co-habitation n'est pas aussi heureuse qu'on veut bien le dire. Si dans un premier temps les intellectuels apprécièrent comme il se doit les croupières que la politique chinoise taillait aux basques et prétentions européennes, ils durent vite déchanter. C'est en France, ou à Londres, qu'ils trouvaient et continuent à trouver journaux et revues, tribunes et maisons d 'édition pas en Chine. C'est en Occident qu'ils trouvent encore les universités où ils peuvent à se former sans s 'embrigader. C'est en Occicdent qu'ils trouvent les aliments de leur combat, de leur opposition et de leur avenir. Il n'y a, et pour cause, aucun intellectuel chinois,d'opposition, à l'Université, qui soit l'équivalent de ce qu'une bonne centaine de chercheurs, intellectuels et professeurs occidentaux sont pour comprendre et transformer l 'Afrique dans le sens d'une plus grande justice et d'un développement équitable.

D'autant que le vernis du sourire s'étiole. Personne, en Afrique, n 'a oublié ce bateau d'armes à destination d'un Mugabe qui, reçu en triomphe, "standing ovation", à Lisbonne ( lors de ce même sommet auquel Gordon Brown refusa de venir because Mugabe justement) n'en est pas moins, Brown ayant reçu sa lecon, fort mal vu en Afrique, hormis un quarteron de vieux briscards blanchis sous le harnois et les privilèges.Personne n'oublie non plus que la destabiliation de Idriss au Tchad est aussi un fait chinois et que Bechir n 'est peut-être pas, non plus, le type de personne, malgré ses soutiens arabes, à fréquenter.

Enfin chacun se demande quelle différence il y a ,en dehors des apparences, entre la Françafrique et la Chinafrique. Ne s 'agit-il pas dans un cas comme dans l 'autre d'acheter au moins cher possible des matières premières et de vendre le plus cher possible des biens de consommation? Bref de continuer le contrat colonial type que l'on croyait obsolette depuis quelques decennies.? A ceci près que les biens de consommation vendus par la Chine, fort bon marché, sont d'une tres mauvaise qualité.

Certes l'arrogance en moins, certes la conditionalité en moins qu'elle soit politique ( une démocratie limitée à un théatre où une fois tous les cinq ans on convie la population à mettre un bout de papier écrit dans une boite avec un trou) ou économique ( type FMI : on vous prête de l'argent à condition de laisser les marchandises du monde venir sans frais chez vous – DSK dixit depuis longtemps) mais avec une nouvelle arrogance ( l'enfermement sanitaire des ouvriers immigrés chinois, la concurrence déloyale, de type européen ( PAC) ,sur les denrées alimentaire mais aussi sur les produits artisanaux) et une façon de ne regarder ni avant ni après, ni à drroite ni à gauche,d'avoir les yeux uniquement tournés vers l'objet même de la présence, l'exploitation des minerais, du pétrole des sols c 'est à dire sur eux-mêmes.

D'autant, en ce qui concerne le sols, qu'il s'agit, pour les sociètés chinoises, de produire avec des techniques chinoises, des ingénieurs et agronomes chinois, des végétaux qui seront consommés en Chine c est à dire que le Sénégal, ou tout autre pays, ne fait que louer son sol et un peu sa mai n d'oeuvre sans rien retirer de l'expérience qui puisse l'aider et lui permettre de se développer. Les sols se fatiguent, se stérilisent alors que l'eau vient à manquer.

Bref la Chinafrique n a pas que de beaux jours devant elle surtout si l'Occident, également menacé par la déferlante émigrée, comprend que sur le terrain de la seule exploitation assortie de pratiques fétichistes dépassés elle ne peut que perdre la partie..et son âme. Surtout si l'Occident accepte de penser que les Droits de l Homme ne sont que le cache-sexe dérisoire de ses propres appétits prédateurs, cache-sexe, tue-mouche ou cache misère qu'elle a tout lieu avec sa bonne conscience de relèguer aux oubliettes de l Histoire pour se pencher, par delà ses intérêts immédiats, sur la necessité d'en finir avec l aide ( et surtout avec cet aide qui inclut, sans vergogne, dans ses comptes, les vacances et les frais de scolarité des enfants des coopérants et diplomates ) directe et indirecte ( rapetissage de la dette)pour s'ouvrir vers l'installation d'entreprises et d'industries ouvertes sur le monde africain répondant aux besoins africains en utilisant les produits africains à l'aide de l'énergie et de la main d'oeuvre africaines et surtout en développant une recherche et une formation universitaire qui prennent elles aussi à bras le corps le devenir africain ( par rapport à l'énergie, à l'eau à l'agriculture au développement artisanal ...) dans un monde où, répétons-le, l'accés aux sources d'énergie et minerai sera de plus en plus difficile.

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