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Billet de blog 14 décembre 2010

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Lettre ouverte à Roland Colin

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Te dire, d'abord, Roland,

combien la lecture tardive ( je bouge encore beaucoup là où il n'y a pas forcément des moyens d'information performant) de " Notre pirogue", 2007, me replongeant dans une aventure que j'ai, à un moment, dans une séquence, vécu, près de toi,

m'a, non seulement replongé dans des années de braise,

mais permis de donner un sens à tout cela.
Car , indéniablement, ce livre est livre référence non seulement par rapport à l'histoire du Sénégal ( les années 58/62 et le portrait des hommes politiques qui marquèrent durablement le Sénégal ) mais aussi par rapport à l'histoire de l'Afrique ....et du monde. Dans ce compte rendu minutieux et brûlant de la mise en place forcenée, large, généreuse, inspirée, réaliste, organisée, d'un "socialisme africain" d'essence auto-gestionnaire comme rarement dans l'histoire des socialismes il n'y eut, il y a place pour s'interroger sur les raisons d'un tel effacement, d'un tel oubli.

Te remerciant pour, en ravivant nos mémoires, nous permettre de comprendre differemment le monde - et sa problématique -d 'aujourd'hui, je tiens cependant à faire deux remarques qui n'enlèvent rien à l'importance de l'ensemble.

La première porte sur le portrait trés chaleureux que tu dresses d'un des personnages- phare de ton livre et de la vie du Sénégal, Senghor. Tu l'as souvent et longtemps approché. Il te considèrait comme un proche et un ami et te portait une estime que, au cours de ces longues années où vous fûtes opposés, tu lui rendis bien en mêlant à ton estime quelques bonnes onces d'admiration.

Le personnage mérite effectivement respect, estime, admiration.Mais je ne sais pourquoi tu t 'emploies à chercher des clefs explicatives de ses comportements humains, littéraires et politiques dans un dualité conflictuelle entre son enfance ruralo-féodale et son hellénisme distingué, entre père et mère, entre la Raison des blancs et l'emotion nègre, etc...une fragilité structurelle qui lui faisait toujours rechercher l'équilibre.. alors que Senghor est d 'abord un personnage de forme plus que de fonds.C'est pour cela même un mauvais poète mais un grammairien hors pair.La forme présidentielle d'une Constitution à Parti Unique le statufiat.

Mais là n'est pas l'important.
Mais, beauccoup plus, ce silence de" l'extériorité" dans ces années cruciales de la mise en place de la Communauté Française puis de l'Indépendance ! Il n'est rien dit des pressions, des enjeux, des conflits économiques ( problème arachidier, coton etc..) et surtout politiques que posait, à cette époque, après Sekou Touré, la mise en place d'un "socialisme à l'africaine" clairement défini. L'expérience , la fabuleuse expérience sénégalaise est minieusement décrite mais parait se développer dans un univers clos sur lui-même sans que les compagnies de rente et de grands commerces, comme la CFAO, le secteur cotonier, les secteurs militaires, religieux ( tu rappelles que l'évêque de Dakar était Monseigneur Lebfèvre de triste mémoire) ne mettent en oeuvre des pressions et des moyens pour influer sur le cours de l'histoire.

D'autant, en ces années là, que se mettait en place ce qu'il est banal aujourd'hui d 'appeler "les réseaux Foccard " autrement dit l'organisation des basses oeuvres du Général.

D'autant, en ces années là, que le FLN, en Algérie, transformait la pacification en guerre

D'autant, en ces années là, que les guerres portuguaises s'amplifiaient et que les armées coloniales françaises ( 6ème RIAOM ) à partir de l'Oubangui Chari- Bouar- n'avaient pas encore maté dands le sang la guerlla de l'Est camerounais et la barbouzerie nationale, assassiné Mounié comme la barbouzerie internationale assassina et assasinera à peu près tout ce que l'Afrique comptait de leaders charismatiques et compétents.

Quid alors des rapports que la France à travers ses administrateurs mais surtout ses réseaux économiques et mafieux entretenait avec le Sénégal en devenir et en devenir ambitieux?

Mais la politique étrangère sénégalo-française fera peut-être l'objet d'un opus ultérieur.

A moins que ce ne soit le récit des expériences concrètes vécues partout dans le monde d'un socialisme auto-gestionnaire dont tu nous restitue magistralement la génèse et la vie au Sénégal, notre pirogue.

Merci.

PS : ( rédigé le 19 Décembre)

Je viens de voir, au Sénégal et sur Antenne 2, un fort beau documentaire " Afrique(s)" où il est question, de façon fort rapide, de cette période -58/62- au Sénégal. Elle nous est contée par Abdou Diouf qui "enfonce " ( le mot n'est pas trop fort) Dia, et le présente, à l'inverse de ce que tu fis tout au long de ton ouvrage, comme autoritaire, ne tenant pas Senghor au courant de ce qui se passait dans le pays et faisant de celui-ci un Président sans autorité face à son chef de Gouvernement responsable, pour Diouf, à part entière de l'échec de la Fédération du Mali, mais aussi d'un coup d 'Etat qui, à juste titre, semble dire Diouf, l'envoya en prison. Or tout le monde sait que le coup d 'Etat est une construction politique senglorienne que tu décris et expliques trés bien. Pourquoi ce retro-retournement de Diouf?

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