Qui n' a pas été ébranlé par les assassinats du 11 Janvier?
Touchés au cœur de leurs angoisses beaucoup se sont jetés dans les eaux bienfaitrices d'un Peuple de France retrouvée communiant dans le partage de Voltaire et des droits de l'Homme. l'hostie républicaine
D'autres, touchés également mais se voulant moins candide et moins naïf, plus blasé peut-être et suspicieux, boudant leur plaisir certainement, l'ont été surtout dans leurs idées, ne retrouvant plus soudain midi à leur porte.
Ce fut mon cas.
Je ne m'y reconnaissais pas dans tout ce qui se racontait. Je ne comprenais plus rien. Non que mes valeurs vacillaient mais j'avais surtout conscience que nous ne parlions pas des mêmes choses .
A commencer par le slogan, stupéfait qu'en si peu de temps des millions voire des dizaines de millions dans la monde, "Je suis Charlie" le reprennent à leur compte.
Qui est ce Charlie dont tout un chacun est?
Le Charlie que j' ai connu et aimé pendant plus de trente ans, ne m'en séparant peu à peu, qu'à regret, question d 'âge, peut-être, la moutarde forte est moins agréable au fil des ans, question du renouvellement des équipes aussi, Vall n'ayant jamais été ma tasse de thé. Bref, quoiqu'il en soit, je suis ce Charlie-là, celui de Fournier,Cabu, de Reiser, de Wolinski, de Gébé, de Choron, de Cavanna et de tant d 'autres. Celui de la démesure, du mauvais goût, de la plaisanterie grasse, du "no-limit", de l'ivresse toute adolescente d'un tout est permis et surtout l'héritier de la tradition anti-cureton, faisant de l'athéisme une religion ultime. Mais ce Charlie là n'était que ce qu'était son audience. Moins de cent mille personnes. Pas cent millions.
S'agit-il alors du Charlie comme emblème de la victime, raccourci métonymique qui permet d' englober les morts de Vincennes qui n'avaient rien à voir avec Charlie, de la même manière qu'en 68 nous fumes tous des juifs allemands. Ainsi du Manifeste des salopes signé par celles qui s'accusaient d'un crime sans être inquiétées alors qu'on en punissait d 'autres pour le même forfait. Alors je suis aussi ce Charlie-là - je me sens victime d'un crime contre la liberté d’expression, touché dans ma chair -symboliquement- comme ils le furent sans la leur ( mais à Vincennes, s'ils furent victimes ils ne le furent pas de la liberté d'expression mais de la connerie d'un loubard paumé).
Ambiguïté donc, et curieuse appropriation spontanée mondialisée d'un slogan obscur et, sous sa simplicité, complexe.
D'autant que l'on s'aperçut bien vite qu'il y avait finalement moins de Charlie que de charlots. La nouvelle mouture du journal est interdite dans de nombreux pays dont le Sénégal et de partout les imans, curés et rabbins montent au créneau dénonçant l'interdiction du blasphème.
Car sous le slogan liberté d'expression il y a aussi beaucoup à boire et peu à manger. Disons les choses le plus clairement possible. Il ne peut y avoir d'impunité à l'expression. L'injure personnel, la désinformation, le mensonge, l'apologie de la guerre par exemple doivent être sanctionnés. Encore faut-il faire la différence entre un tweet et une thèse, un essai ou un roman. Quand Zemmour construit un essai odieux sur l'islam, bourré de contre-vérités, il est reçu dans toutes les rédactions. Quand Dieudonné sort un tweet de deux lignes non seulement personne ne le lit, mais, en plus il est placé en garde à vue. Par ailleurs la contre-vérité n'est pas condamnable. Une célèbre émission de Arte tous les jours essaie de remettre les pendules de la vérité à l'heure sans que jamais les fautifs ne soient réprimandés. Quant à l'apologie du crime elle est facilement contrôlable : plus des trois-quarts des séries télévisées et films les gens sont armés et se tirent dessus et une série célèbre également ,"24 heures", était l'apologie du droit à la torture; Sans que bien sûr nos censeurs y trouvent à redire; ce sont eux qui sont aux commandes passant de la manette à la menotte avec une souplesse d 'échine bien surprenante..
Mais pourquoi dans le cadre de la limite à la liberté d'expression ne pas faire place aux religions?
Par ce qu'elles ne sont pas respectables en elles-mêmes.
Autant j'aime les hommes, qu'ils soient blancs, noirs, rouges, ou bleus, ce sont mes frères autant je déteste les religions tant la chrétienne que la judaïque ou que l'islam.
Je suis athégriste.
Ce qui signifie clairement que je tiens tous les curés, imans, rabbins pour des charlatans. C'est en ça que je suis Charlie. Qu’ils ne m'inspirent aucun respect et que je ne vois pas au nom de quoi on puisse m'empêcher de dire que je chie sur toutes les religions que je considère comme une maladie, une pathologie obscène, un cancer, une lèpre, un sida mental et affectif, une schizophrénie hystérique dont les prosélytes m'exaspèrent surtout quant ils tuent.
Qu'il y ait des croyants ne me gêne en rien. Chacun a, en sa conscience, une spiritualité qu'il peut nommer Dieu. Mais le rapport avec Dieu est un rapport direct qui se passe de prêtres et d'intercesseurs et surtout d'obligations et d'interdits sociaux qui n'ont rien à voir avec cette spiritualité. Fameuse opposition entre séculaire et régulier- Je ne vois pas Dieu intéressé- pour tant qu'il existe- par savoir si la femme doit ou pas porter le voile, manger du cochon, se ganter les mains, se raser la tête, porter des pendeloques et un chapeau pointu etc..etc... Broutilles et tout simplement conneries. Les prophètes ne sont pas plus prophètes que ma guenon est tchèque . Ce furent des hommes à un moment donné de l'histoire et c 'est à l'Histoire d'en parler. Dire que parfois Mahomet ou Jésus ont du se gratter le cul ne relève pas du blasphème - qui ne veut rien dire dans un pays laïc- mais de l'histoire - et celle là ne m’intéresse pas.
Si je blesse les mahométans en le disant et l'écrivant c'est leur problème pas le mien, c 'est surtout qu'ils entendent être blessés, qu'ils y trouvent quelque part un avantage, une posture, une attitude victimaire confortable car je suis certain que pour beaucoup de musulmans la lecture du Coran et le regard de leur Dieu suffit à leur rectitude morale et a droit à mon respect.
Blasphémons. J'appelle au blasphème pour que jamais je ne puisse mettre en doute mon droit à blesser et attaquer la bêtise des autres. Car si je décidais que manger de l'oignon était un crime blasphématoire que ferait-on? Les pratiquants n'ont qu'un devoir et un seul que leur pratique les rendent heureux et justes et non crétins, pinailleurs, agressifs et meurtriers. Aucun droit. Je dis aucun. Ils n'ont que le droit de voir reconnaître à leur juste place leurs mérites.
C'est alors que l'on s'approche d'un des socles des errances : l'identité.
L'identité que chacun veut voir dans les origines. Je suis d'où je viens. Je me nourris de la terre de mon sang et de ma race. Tout ce discours sur les racines est d'une bêtise non seulement crasse mais dangereuse. Mon identité ce sont mes feuilles, le vent qui les traverse et les essaime. Mon identité c'est ce que je décide et choisis d 'être avec toutes les expériences - vécues- que je peux avoir. Mon identité est donc nécessairement sociale. Elle s 'inscrit dans les lois et principes et moteurs de l'histoire dont, entre autres, la stratification en classes et la contradiction capital / travail. Je ne suis pas musulman, juif ou chrétien mais appartenant aux camps de dominés ou des dominateurs et vivant dans une société où mes actes productifs s'inscrivent dans un cadre général que je trouve bien absent du discours d'aujourd'hui. "ON" dit-il est musulman ou juif mais pourquoi ne dit-on pas qu'il est d'abord manœuvre, chômeur, médecin ou paysan?
Enfin on se demande si l'islam est soluble dans la République.
Mais bien sur que non pas plus que le sida n'est soluble dans la santé.
Toute religion n'est soluble dans la République que morte. Que redevenue spiritualité, que rapport personnel avec l'immanent. Tout le reste est baratin. La chrétienne en est, en France l'exemple. La loi de 1905 l'a tuée elle n'en est pas vivante pour autant; elle s 'est intériorisée.
Dernier point à quoi reconnait-on un raciste?
A son discours? J'en doute alors qu'on n'entend museler la liberté d'expression au nom de la lutte contre le racisme.
Le racisme c'est d'envoyer ses enfants dans des écoles confessionnelles, de ne manger que ce qu'ordonne les rites religieux et raciaux, de n'épouser que ceux de sa race - endogamie- et enfin dernier avatar, d'accepter d'être enterré sur un sol qui n'est pas sacré, avec les autres.