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Billet de blog 16 novembre 2010

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Haute tension - éléctricité générale. Hymme à la Resistance

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il disait. Tu le cherches.

Il a léché ta lèvre puis disparu, au matin

dans les brouillards et les pavillons tristes

gardés par des chiens à pelade.

Une goutte de sperme larme, glacée, sur ta cuisse.
Tu le cherches. Il disait :

« Invite moi au saber des plages de Gorée

au Tanaber du soir

à ton cul cerclé d’or comme une mandarine ».

Tu remontes les pistes comme on remonte l’ancre.

Tu le cherches dans l’argent de la mer, l’or pâle des bougies

au fond des bouges et des aurores sales,

fardée pour le dernier voyage.

Civita t’attendait.

Elle fait le signe de la croix sur tes paupières bleues

C ‘est une gitane des quartiers nord de Grenade

-Elle prend ta main pour y mettre sa joue et embrasser ta paume-

Princesse transylvane

Rackösi fut son père, Yourane sa mère qu’il viola d’amour en Ukraine.

Dans le taxi il a troussé ta robe de laine.

Fiancée à l’aubépine noire tu prenais nid

dessinant des chevaux sur le papier d’un ciel orange

tout crachotté de riz.

Il gèle à cœur fendre.

Il disait leur peau caramel, les boues jaunes de l’Amazone, ce bordel de Manaus,

un bas-flanc patiné, une table, une cuvette d’eau

et des chapelets de filles vanilles et caramels

seins pointus, cheveux noirs,

qui sentaient le suif, le musc, la mousse et dansaient

mimaient l’amour, se branlaient, pissaient debout, jouissaient , hennissaient de plaisir , de rire, de cachaça, gobaient son sexe,

lui donnaient leur miel d’acacia dans le ricanement des singes le piaillement des perruches qui passaient en bandes et les airs de samba et de bossa-nova qui venaient du dancing.

Tu respires dans ses châles l’odeur des fumées et des boues

du grand fleuve mystique où méditent les caïmans, logarto

Civita te guide par des couloirs de sable gris.

Il disait :

« C’est le vent qui forge nos racines

C’est le vent »

Sa voix s’écorchait de ronces

« Il faut lever le camp, il faut foutre la paix

comme une gueuse

debout

sans enlever ses bottes

dans le creux d’un fossé

là où boivent les loups

les dents plantés dans sa nuque grasse,

lui planter un bâtard comme on plante un arbre

avec toutes ses racines.

Il faut mettre le nez dans les étoiles comme dans la fourrure d’un chien

Il faut lever le camp sans porter sur son dos

La tente noire des shammars bédouins

Nos racines courent le long des chemins de fer

Paris-Vladivostok- Bonjour Blaise-

Ouaga-Abidjan ma gazelle et la Maria Fumaça.

Partir, enlever cette boue

qui colle à nos bottes cosaques »

Il sanglotait des larmes d’huile rance .

Il disait :

« Je hais ces terres pourricières qui fondent notre race

l’empreinte des galoches sur le limon du temps

cette trace qui nous hante, palpite au cœur de nos totems,

qui nous crucifie au passé

et nous livre, nus, aux lances centurionnes et aux larmes des femmes ».

Tu sentais fleurir en toi des perroquets siffleurs, des certitudes de chiendent.

Tu mangeais des cerises et lisais, étendue sur des peaux d’ours polaires, l’histoire d’Harral le viking et des lapons, de leurs femmes adultères, sorcières puant le poisson.

Il disait :

« Rasées sont les maisons de nos enfances

muettes nos guitares

La raison dégouline là où coulait le sang des taureaux noirs.

Nous sommes en exil des terres

Où dorment les chevaux sauvages

En exil d’un temps fleuri du cadavre d’ hommes

mutilés, empalés, torturés, noyés, guillotinés, brûlés

dont nous lorgnions les moissons prospères

et leurs filles aux gorges blanches et aux rires d’enfant »

Attachée nue à la misaine tu t’inventais des mantilles

et te savais sa Princesse sarmathe, sa koumane des hautes terres

Qsikal aux bleus parfums

Il disait. Tu le cherches

ton danseur sarawak

coupeur de têtes, semeur de rêves, moissonneur de lilas.

Tu sais les terres dont il se voulait potier, les ciels que l’alouette fait trembler

et sous ta jupe d’épines la mûre noire du roncier.

Civita embrassait tes lèvres, caressait tes cheveux

« C’est le grand réfugié dit-elle

Il ne se reconnaît plus dans les miroirs »

Elle boulangeait tes bonheurs et chantait

« le Danube est bleu comme une orange amère

bleu comme les veines méandres à ton poignet

Noir est le Danube

comme un nuage bu par les oiseaux »

Elle te couvrait de bijoux, t’huilait de parfums

T’agenouillait docile sur un prie-dieu ponceau

joignait tes mains, léchait ton cou

priait à voix haute

-je te salue mon père-

pleurait des larmes d’amour, caressait tes seins

suppliait

« je voudrais qu’il me pisse en la bouche »

craignait les sacrilèges, s’agrippait à toi, cherchait ta bouche

s’offrait, dansait, t’allaitait enfin.

Elle disait « Au nom du père »

Elle disait « Au nom du fils »

Te baptisait des jus de sa folie, te mordait

et crachait en ta bouche l’hostie de son amour.

Le vent pleut dans tes feuilles.

Tu sombres, maritime, bois, le cherches,

hérissée de mottes,

conjugues au présent ce passé de marécages et de soleil chauve

Il a déterré tes haches de guerre

Ta faux de cueilleuse d’ans

Tu as peur.

De ces pays de quartz

Tremblante, tu viens, te courbes, vénères le feu

Secouée comme un arbre

Tu branles les idoles, l’ergot des coq blancs

Tu mets ta robe andalouse, tes souliers de satin

Tu sais qu’il est en dedans de toi-même

Cancer de vie

Tu sais qu’il est l’écumeur de lune

Tu as fermé ta porte.

Les cigales chantaient

Tu sais qu’il faut te taire. Tu as tant et si mal aimé.

Tu écoutes la mer, le vol des comètes aux cheveux d’orchidées

Il est là, immobile

Comme un livre d’images et de boues gercées

Sanglier bleu au flanc percé

Il disait les tyrans bègues et taciturnes

Les jardins embuissonnés de roses, les mousses violettes

Il disait

« Quel désordre inventer qui ne soit ces jappements de chiens tenus en laisse ?

Où est Marduk

Qui prit sa mère en son filet, la tua et créa l’univers de son sang ?

Où sont les salamandres, les dogues furieux, les hommes béliers

mangeurs de mandragore, les eunuques à voix de filles, les apsaras à taille fine, aux ongles longs et aux lèvres charnues ? »

Ils se parlent

front contre front

accoudés à la table où les verres s’entrechoquent

Civita presse encore en ses mains tes deux pommes jumelles

T’appelle loutre marmotte colibri baise-fleur

Tu les sais nourris de chair humaine

Une lune noire baigne l’eau pure de la kora

Awa dort sculptée de lumière

Tu hais leurs rires, leur complicité d’anguilles

Le cheval qu’il partage.
Tu les sais debout dans les poussières

Priant des shamanes en cheveux ivres et fous

hurlant à la lueur des villes en flamme

les noms pluriels et rauques de leurs dieux sangliers

Tu veux fuir

retrouver les pins et ton village

l’angelus percheronne

le vol de 19heures..

Tu n’es que ce que tu as aimé.

Sur sa bouche, à ses doigts la graisse des plaisirs vendangés

Tu t’enracines dans ses mots samoyèdes

Les brouillards de Loire et les terres lapones qu’il dessinait pour toi.
Tu fermes les yeux à son odeur de cendres, te cogne à son absence.

Tu fumes comme terre retournée.

Civita te sourit et s’éloigne

Drakkar flamenco tout cabossé de lys

Mouchoir rouge de larmes

Il est là

Le soleil a une odeur de paille et de pollen

Il est là

Au présent de sa mort

Paré pour le dernier exil, le dernier voyage

Pelant de sa dernière peau

Le regard en dedans de lui-même. Les yeux fermés

sur les steppes kirghizes où il voulait faire paître tes chevaux

1993/96

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