Aujourd'hui, 31 Mai, s'ouvre à Nice en présence de nombreux chefs d'Etat africains, une réunion, où doivent se discuter et se négocier les termes du futur développement d'un continent présenté comme sortie de l'ornière et destiné au plus brillant avenir.
Un certain nombre de chiffres et de commentaires circulent dans les médias selon lesquels l'Afrique, mal partie, serait, depuis quelques années en voie de décollage. Pour preuve un taux de croissance voisin de 5% quand l'Europe peine à en atteindre 2. Ce chiffre, malheureusement, contrairement aux déclarations et aux optimismes se situe aux antipodes de la réalité.
D'abord parce qu'il est global et ne prend pas en compte la disparité entre les pays producteurs de matières premières, en particulier les pays pétroliers comme le Nigeria et l'Angola, dont les taux de croissance sont voisins de 12%, et les autres .
Ensuite par ce qu'il ne prend pas plus en compte le nouveau géant, l'Afrique du Sud, porté par sa taille, sa richesse, son endettement phénoménal et la prochaine coupe mondiale de Football.
Ensuite par ce que les chiffres sont peu fiables et surtout qu'un raisonnement en terme de PIB dissimule les disparités de plus en plus fortes entre les différentes couches de la population. En termes d'Indice de Développement humain (IDH) il est clair que l'Afrique régresse et que même les pays qui s'en sortiraient plutôt bien comme le Nigéria en terme de richesse nationale sombrent dans la guerre, les famines à répétition, la misère, la déstructuration sociale et nationale.
Entre 1975 et 2000, le revenu net par habitant à diminué de 0, 5 % par an soit une régression de plus de 12 % quand l'Europe pendant la même période voyait son revenu croitre dans les mêmes proportions. Il est vrai que le revenu moyen semble progresser depuis 2000 mais, loin de créer une classe moyenne, il indique au contraire et stigmatise une césure sociale profonde entre les 10 % - les déciles- les plus riches et les déciles les plus bas, les premiers accumulant de plus en plus de richesse nationale quand les derniers vivent de plus en plus nombreux sous le seuil de pauvreté - 1 dollar par jour ; cela étant particulièrement vrai pour les pays producteurs de pétrole où à coté des groupes extrêmement riches vit une population de plus en plus misérable et de plus en plus en proie aux exactions et à la rébellion ( cf Nigéria)
Enfin ce taux de 5% est aussi alimenté par la croissance kenyane voire tanzanienne soutenue par des cultures de traite ( symbolisées par les roses du Kenya) qui sont toujours des développements entre parenthèses à la merci de la solvabilité et des modes des pays du centre.
Enfin il est clair aussi que la poussée démographique( quasi 3%) qui peut être un atout de développement, dans le contexte actuel de sous -éducation est plus un facteur de déstabilisation de fragilisation que d'embellie et de développement.
On a pu croire il y a dix ans l'Afrique sortie des crises qui la traversaient. En Sierra Leone, au Nigéria, au Rwanda. La libération de Nelson Mandela devenant le symbole d'une Afrique retrouvant avec sa dignité son essor économique. Mais les conflits du Zaïre (Kivu) n'ont pas cessé alors que se rallument en Guinée, au Niger, au Tchad, en Mauritanie, en Cote d'Ivoire, en République Centrafricaine, des feux mal éteints et que dans les 12 pays qui formaient autrefois l'AEF+ l'AOF les ¾ sont aujourd'hui au cœur de troubles politiques graves dont l'assassinat de quasi 200 personnes lors d'une manifestation pacifique à Conakry il a six mois demeure dans toutes les mémoires.
Croire que l'Afrique va mieux comme on l entend ( et pour que, l'Afrique allant mieux, s'évanouisse cette image de vautours tournant autour d'un quasi cadavre) et le lit un peu partout est un contre-sens total. L'Afrique va de plus en plus mal. Il eut été à l'occasion des anniversaires des indépendances intéressant de faire un bilan, de voir et les échecs et les réussites. De confronter les points de vue. Il n'en a rien été.
Certes on sait mieux aujourd'hui ce que nous essayions de démontrer il y a 30 ans à savoir que l'aide était une concurrence et un handicap. Tibor Mende nous l'avait appris dés les années 70.Mais les politiques suivies par l'Agence Française de Développement ( AFD)continuent à être le grand n'importe quoi et on continue de payer des matières premières minières ou agricoles à des prix extrêmement bas quoiqu'on en dise. Certes les prix ont augmenté de 40 % en moins de deux ans. Mais ce sont les prix du marché pas les prix payés aux Etats. Certes les prix aux Etats ont augmenté mais dans des proportions non seulement nettement moindre mais surtout après une baisse de 40 %entre 2007 et 2009.
Surtout l'économie de traite et de pillage perdure. L'industrialisation de l'Afrique est à la traîne . La Chine reprend sans hésitations ni états d'âme la posture coloniale ou post coloniale. L'Afrique s'enfonce.
Mais l'on sait mieux aussi que les Compagnies minières ne paient pas en Zambie, En Indonésie , en Bolivie, les taxes qu'elles se sont engagées à payer. Celles-ci sont évaluées a environ 15 % alors qu'elles devraient être de 50. Les pays qui ont fait comme la Zambie le choix de rentabiliser dénationaliser leurs mines ont tous vu leurs recettes baisser et les extractions croitre.
On connait mieux également les rapports entre les gouvernements africains et les Compagnies. Nombre de dirigeants sont appelés tant par leurs compatriotes que par les Compagnies elles-mêmes Monsieur 10%, Monsieur 20% etc...
Mais surtout ,sans même vouloir parler des spéculations, qui pèsent plus sur le prix des Matières Premières que les augmentations de prix à l'extraction, il convient surtout de noter que les Compagnies possédant à la fois mines et usine (transformation) peuvent , à volonté, réaliser leurs plus-values là où elles en tirent le meilleur bénéfice c'est-à-dire là où la fiscalité leur est le plus favorable, les prix de marché restant égaux par ailleurs.
« Bon appétit, Messieurs »