kalaora.bernard

Abonné·e de Mediapart

6 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 janvier 2025

kalaora.bernard

Abonné·e de Mediapart

Trump et Musk , un duo burlesque aux allures dystopiques

Dans le théâtre absurde de notre époque, Donald Trump et Elon Mussk forment un duo improbable, une sorte de Laurel et Hardy du 21e siècle, où l’absurdité et la tragédie se confondent

kalaora.bernard

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans le théâtre absurde de notre époque, Donald Trump et Elon Mussk forment un duo improbable, une sorte de Laurel et Hardy du 21e siècle, où l’absurdité et la tragédie se confondent.

Trump, avec son conservatisme rigide, se tourne vers des figures comme William McKinley. Ce choix n’est pas anodin : McKinley, président à la fin du XIXe siècle, symbolisait un âge d’or de l’expansion américaine, un retour à une époque de prospérité industrielle et d’impérialisme. Trump y puise une inspiration, cherchant à restaurer une vision de la grandeur américaine, où l'ordre et la tradition régnaient en maîtres. Cependant, cette vision qui nous est proposée de l'Amérique est bien éloignée des valeurs de Montesquieu sur la vertu démocratique, qui prônent un équilibre et un respect mutuel entre les citoyens.

Musk, en revanche, se projette vers un futur débridé, mais ses références inquiètent profondément. Sa gestuelle, parfois marquée par des saluts fascistes, évoque des totalitarismes inquiétants. Il est l’incarnation d’un progrès technologique sans limites, mais aussi d’une hubris qui nous interroge sur la direction que prend notre société. Ce qui le rend particulièrement déroutant, c’est son caractère insaisissable, presque artificiel, comme s’il était une créature, une production de l’intelligence artificielle dont il serait à la fois l’ingénieur et le produit. L’angoisse monte davantage quand on se rappelle ses choix excentriques, comme celui de nommer son fils "X", un symbole qui semble déshumaniser et coder l’existence même. Ce mélange de mystère et de froideur technologique nourrit une inquiétude existentielle sur l’avenir qu’il propose.

Le choix de comparer ce duo à Laurel et Hardy n’est pas fortuit. Il y a en Trump cette présence imposante, un peu grotesque, presque burlesque, tandis que Musk, élancé comme une fusée, incarne cette figure de l’innovateur effréné. Mais cette drôlerie apparente masque une tragédie bien plus sombre. Ces deux personnages, par leurs ambitions respectives, semblent avoir pactisé avec le diable, incarnant une vision inquiétante d’un futur dystopique. Trump, en se tournant vers un passé idéalisé, et Musk, en projetant un futur incertain, brouillent les repères. N’est-il pas terrifiant que Musk, cet innovateur en apparence déconnecté des réalités terrestres, aille jusqu’à appeler son fils "X", un symbole presque robotique et déshumanisant ? Ce couple burlesque devient ainsi l’incarnation d’un monde en perte de sens, où la technologie et la nostalgie conspirent pour créer un avenir profondément angoissant.

Ce duo incarne l’époque actuelle, où les repères s’effondrent, où le passé et l’avenir se confrontent dans une danse chaotique. Ils nous interrogent : quel monde cherchent-ils à créer ? Cette alliance entre un passé idéalisé et un futur incertain esquisse un tableau troublant de notre époque. Peut-être sont-ils les architectes d’un monde où les certitudes s’effacent, où l’absurdité devient la norme, et où l’humanité cherche encore ses repères dans un univers en mutation perpétuelle.

Dans ce duo improbable et futuriste que forment Donald Trump et Elon Musk, on peut discerner des trajectoires concrètes et alarmantes pour l’avenir. Trump, par ses discours et décisions, a souvent promu une vision d’un retour à une Amérique industrielle et nationaliste. Par exemple, sa décision de sortir des accords de Paris sur le climat illustre cette volonté de privilégier une croissance économique immédiate, au détriment de la durabilité environnementale. En prônant un retour massif aux énergies fossiles, comme le pétrole et le charbon, et en encourageant la déréglementation environnementale, il dessine un futur où les crises climatiques s’intensifieraient, menaçant la planète. D’un autre côté, Musk, avec ses ambitions spatiales, rêve de coloniser Mars, promettant un avenir où l’humanité pourrait échapper à ses propres ravages. Sa vision d’une colonie martienne n’est pas seulement un rêve futuriste, mais aussi une sorte de plan B pour l’humanité, laissant entendre que notre planète pourrait ne plus être habitable à terme.

.Ensemble, ils proposent un futur où la Terre serait épuisée par une exploitation sans bornes, tandis que seuls les plus méritants et fortunés pourraient se tourner vers de nouveaux horizons. En somme, ce duo incarne un futur où les crises climatiques s’intensifient et où la survie devient un privilège, nous confrontant à des choix cruciaux sur la direction que nous voulons réellement prendre.

Bruno Latour, dans Où atterrir ? et d'autres œuvres, nous mettait en garde contre une tentation dangereuse : celle de s’abstraire de la planète Terre. Il prophétisait un futur où les élites, face aux ravages qu’elles-mêmes auraient contribué à causer, choisiraient de ne pas réparer, mais de fuir. En quête d’un ailleurs, ces élites construiraient une arche de Noé moderne, réservée aux plus riches et aux plus compétents, pour régénérer le monde ailleurs, sur une autre planète, laissant la majorité de l’humanité et le vivant périr sur une Terre sacrifiée.

Cette dystopie, que Latour dénonçait comme un "récit de fuite", prend forme aujourd’hui sous nos yeux avec des figures comme Donald Trump et Elon Musk. Trump, en refusant toute prise en compte des limites planétaires au nom d’une croissance immédiate, et Musk, en rêvant d’un exode vers Mars, incarnent politiquement et symboliquement cette fiction devenue possible. Ils représentent deux facettes de cette arche imaginaire : l’un aggrave le chaos terrestre, tandis que l’autre dessine un futur exclusif pour une élite spatiale.

Latour voyait dans ce projet une démission face à l’urgence terrestre, un refus de reconnaître que nous ne pouvons vivre qu’en symbiose avec notre planète. Il dénonçait la croyance technophile et démiurgique selon laquelle nous pourrions recommencer ailleurs, sur un autre sol, comme si la Terre n’était qu’une ressource interchangeable. Cette logique, écrivait-il, non seulement ignore la fragilité des écosystèmes terrestres, mais prépare également un génocide écologique et humain, où l’écrasante majorité serait abandonnée sur une planète réduite à l’état de décharge.

Avec Trump et Musk, ce "récit de fuite" devient une manifestation politique tangible, une idéologie qui associe exploitation maximale de la Terre et promesse d’évasion pour une poignée de privilégiés. Mais Latour nous invitait à refuser ce récit. "Atterrir", disait-il, c’est reconnaître que la Terre n’est pas qu’un décor ou un moyen, mais notre seul et véritable foyer, une maison commune que nous devons reconstruire ensemble, avec ses limites et ses promesses.

En ce sens, le projet d'une "arche" n'est pas une solution, mais une déroute morale et politique. En nous mettant face à ces récits dystopiques incarnés par des figures comme Trump et Musk, Latour nous rappelle l'urgence d'un autre imaginaire : celui d'une humanité qui choisit la réparation et la solidarité plutôt que l'évasion et l'exclusion. La Terre ne peut être sauvée par quelques-uns ; elle ne peut l’être que par tous, ensemble.

                                                              Kalaora ( Janvier 20025)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.