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Billet de blog 25 janvier 2025

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Cultiver la Gratitude : Vers un Nouvel Art de Vivre avec la Terre"

Dans son livre Tresser les herbes sacrées, Robin Wall Kimmerer, chercheuse et écrivaine amérindienne, rend compte d’un rituel de gratitude profondément ancré dans la culture amérindienne.Ce rituel illustre une alliance remarquable entre la poésie, l'émotion et la science, tissant des liens profonds entre ces dimensions souvent perçues comme distinctes.

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  Cultiver la Gratitude : Vers un Nouvel Art de Vivre avec la Terre"

Dans son livre Tresser les herbes sacrées, Robin Wall Kimmerer, chercheuse et écrivaine amérindienne, rend compte d’un rituel de gratitude profondément ancré dans la culture amérindienne. Dans le chapitre « Cultiver la gratitude », elle décrit un moment dans une école située sur le territoire d'Onondaga, où les enfants récitent un hymne à la vie. Ce rituel, qui rappelle le respect au drapeau américain, est ici centré sur l'honneur à la nature. Elle partage cette citation : « Nous portons notre attention sur la vie de tous les poissons dans l'eau. Ils ont été chargés de nettoyer et de purifier l'eau. Ils se donnent aussi à nous comme nourriture. Nous sommes reconnaissants de pouvoir encore trouver de l'eau pure. Alors, nous nous tournons vers les poissons, nous les saluons et les remercions. Maintenant, nos esprits ne font qu'un. »

Ce rituel illustre une alliance remarquable entre la poésie, l'émotion et la science, tissant des liens profonds entre ces dimensions souvent perçues comme distinctes. Les enfants y apprennent à voir la nature non seulement comme une source de beauté et d'inspiration émotionnelle, mais aussi comme un système interconnecté où chaque élément joue un rôle essentiel. À travers la récitation de cet hymne, ils explorent le cycle de vie des poissons, qui purifient l'eau tout en assurant leur propre survie, soulignant ainsi les relations d'interdépendance qui sous-tendent les écosystèmes. Cette approche, qui mêle observation scientifique et célébration spirituelle, offre un puissant outil éducatif pour ancrer chez les plus jeunes un respect profond pour la nature et une compréhension de sa complexité.

Transposer ce rituel dans notre culture occidentale pourrait se manifester par une multitude de gestes concrets de respect et de gratitude envers la nature. Avant de profiter d'un repas issu de la mer, nous pourrions, par exemple, non seulement remercier les océans et les créatures marines, mais également prendre l’habitude de consommer des produits locaux et issus de pratiques durables pour préserver les écosystèmes marins.

Nous pourrions aussi organiser des journées de gratitude collective, où des groupes de citoyens se rassembleraient pour des activités variées et significatives. Par exemple, des campagnes massives de nettoyage des plages pourraient être suivies d'ateliers éducatifs sur la gestion des déchets plastiques et leur impact sur la vie marine. Sur les dunes, les participants pourraient non seulement planter des arbres adaptés à leur écosystème, mais aussi apprendre à restaurer les habitats naturels des espèces locales en danger.

De même, la restauration des récifs coralliens artificiels pourrait inclure des sessions d'initiation à la biologie marine, où les volontaires comprendraient mieux comment leurs efforts contribuent à protéger des écosystèmes entiers. Ces initiatives ne se limiteraient pas à des actions locales, mais pourraient s'étendre à des collaborations internationales visant à sensibiliser et à mobiliser un maximum de personnes. Par exemple, des jumelages entre villes côtières permettraient d'échanger des bonnes pratiques pour protéger les littoraux dans différents contextes géographiques et climatiques.

Ces activités, en favorisant une implication directe et participative, créeraient non seulement un lien émotionnel et physique renforcé avec la nature, mais également une meilleure compréhension collective des défis écologiques. Elles pourraient également intégrer des moments de célébration, tels que des repas partagés ou des concerts en plein air, pour réaffirmer la joie d'œuvrer ensemble pour le bien commun. Ainsi, ces journées deviendraient des occasions d'inspirer et d'éduquer tout en renforçant le tissu social au service de la planète.

Dans les villes, de nouveaux rituels pourraient être inventés, comme des cérémonies d'ouverture dans les écoles ou les entreprises, où chaque semaine débuterait par une courte réflexion ou un hommage à un élément naturel local, qu'il s'agisse d'une rivière, d'un parc ou d'une espèce emblématique. Les écoles pourraient encourager des projets tels que des potagers communautaires, où les élèves cultiveraient leurs propres légumes et apprendraient ainsi à respecter les cycles de la terre.

Les rituels de gratitude pourraient également inclure des moments de silence collectif en pleine nature, organisés dans des espaces protégés, où les participants se reconnecteraient au rythme des saisons et aux sons du vivant. Ce genre d'activité ne serait pas seulement spirituel, mais aussi éducatif, en mettant en lumière les interdépendances dans les écosystèmes.

En intégrant ces gestes et pratiques dans notre quotidien, nous pourrions retrouver un lien plus fort avec la nature et cultiver une relation harmonieuse avec notre environnement. Chaque geste, si petit soit-il, devient une déclaration collective que la nature est essentielle à notre bien-être et mérite une attention constante.

Si l’éducation nationale intégrait de tels rituels de gratitude, où la reconnaissance envers la nature serait non seulement une priorité, mais une véritable pierre angulaire du parcours éducatif, nous pourrions transformer en profondeur notre société. Une telle démarche éthique, ancrée dans les principes du "care" ou du soin, permettrait de replacer la Terre au centre de nos préoccupations collectives et personnelles.

Imaginez des écoles où chaque journée commencerait par une reconnaissance symbolique envers la nature : un moment de réflexion collective pour remercier la lumière du soleil, la pluie qui nourrit les sols, ou encore les arbres qui purifient l’air que nous respirons. Ces rituels ne seraient pas seulement symboliques, mais intégreraient également des enseignements pratiques, comme la gestion durable des ressources locales, la compréhension des écosystèmes, et même la culture de jardins communautaires où les élèves participeraient activement.

L’éducation nationale pourrait également développer des programmes interdisciplinaires axés sur la "science du care", où biologie, géographie, et philosophie se mêleraient pour enseigner les interdépendances entre l’humain et son environnement. Par exemple, des cours de biologie pourraient inclure des études de cas sur la régénération des sols ou l’importance des pollinisateurs, tandis que des cours de philosophie exploreraient les concepts de respect et de responsabilité éthique envers les êtres vivants.

Cette transformation s’étendrait aussi aux infrastructures scolaires. Les écoles elles-mêmes deviendraient des lieux de vie durable : bâtiments alimentés en énergie renouvelable, espaces verts pédagogiques, et systèmes de récupération de l’eau de pluie. Ces initiatives offriraient aux élèves un cadre concret pour expérimenter les bienfaits d’un mode de vie en harmonie avec la Terre.

Sur le plan éthique, intégrer une telle approche dans l’éducation renforcerait la sensibilité des jeunes générations à l’égard de la fragilité de notre planète et de leur responsabilité collective. En valorisant des notions telles que la gratitude, le don, et l’interconnexion, l’éducation contribuerait à contrer les valeurs dominantes d’accumulation et de consommation caractéristiques du capitalisme. Ce changement serait d’autant plus puissant qu’il ne se limiterait pas aux écoles, mais influencerait également les familles et les communautés.

Une telle transformation, inspirée des idées de Bruno Latour, nous inviterait à repenser notre rapport à la Terre non plus comme un simple décor ou une ressource inépuisable, mais comme une partenaire essentielle de notre existence. Cette vision pourrait être enrichie par l'éthique de la sollicitude développée par Sandra Laugier, qui place le soin et l'attention au cœur des relations humaines et non humaines. En reconnaissant les liens de dépendance mutuelle avec la Terre, cette perspective souligne que notre responsabilité ne se limite pas à protéger la planète, mais aussi à en prendre soin activement.

Cette approche éthique pourrait particulièrement inspirer notre relation à l’océan, en tant que milieu essentiel à l’équilibre de la vie sur Terre. Par exemple, cultiver une gratitude active envers les océans pourrait inclure des pratiques de restauration des écosystèmes marins, des efforts de dépollution, ou encore des initiatives éducatives visant à sensibiliser aux impacts du changement climatique sur les zones littorales. Ces actions ne seraient pas simplement utilitaires, mais incarneraient une forme de soin attentif et continu, renforçant notre connexion avec cet élément vital.

En réintroduisant la gratitude, le respect et le soin dans nos institutions éducatives, nous ouvririons la voie à une nouvelle génération d’individus conscients, responsables, et profondément connectés à leur environnement, capables de considérer l’océan, et plus largement la Terre, comme des partenaires de notre existence plutôt que comme de simples ressources exploitables.

Les Dix Commandements de Gaïa".

  1. Tu honoreras la Terre comme ta mère nourricière, même si elle ne demande ni bouquets ni chocolats.
  2. Tu ne prendras pas ses ressources pour acquises, car même une planète a ses limites.
  3. Tu te souviendras que l'eau est précieuse, et non un produit illimité comme l'air climatisé.
  4. Tu respecteras toutes formes de vie, même celles qui ne sont pas mignonnes ou instagrammables.
  5. Tu limiteras tes déchets, car la Terre n'est pas une poubelle infinie.
  6. Tu préserveras les océans comme des trésors, et non comme des dépotoirs.
  7. Tu éviteras de surexploiter, car même la Terre a besoin de repos.
  8. Tu favoriseras la biodiversité, car chaque espèce a sa place, même celles qui n'ont pas encore été découvertes.
  9. Tu éduqueras les générations futures, pour qu'elles comprennent qu'il n'y a pas de planète B.
  10. Tu célébreras la beauté de la Terre, car c'est en l'aimant qu'on apprend à la protéger.

                                                  B.Kalaora , Janvier 2025

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