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Billet de blog 8 août 2024

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MARIA

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sa date de naissance ? On ne sait plus exactement, elle même, qui n'avait pourtant pas sa langue dans sa poche, répugnait à le dire. Elle est morte dans les années 2000,dans son sommeil à 99 ans. Quelle plus belle mort peut-on souhaiter ? Un an de plus ? Elle n' était pas joueuse.

Maria était une femme adulte pendant la seconde guerre mondiale, elle était couturière et brodeuse, d'histoires probablement, mais de fils de coton, de satin et de soie, assurément.

Elle vivait dans un petit village du nord de la Dordogne, célèbre pour ses couteaux. Elle avait sympathisé avec monsieur S. qui lui était tailleur. Monsieur S était de confession juive , mais Maria s'en foutait, jusqu'à ce qu'elle prenne conscience de ce que cela impliquait en terme de déshumanisation, lorsqu'il fut décrété que les juifs étaient des « untermenschen », sous Pétain .

André, le mari de Maria , lui était maçon, déclaré inapte au service, il se contenta quand cela lui était possible, en fonction de son grammage de jaja, de saboter les moyens de communication des allemands. A l'époque pas de hackers, il suffisait de balancer les machines à écrire et les poste télégraphiques dans la rivière...

Pétain arriva au donc au pouvoir dans ce pays de haute résistance, passive. On reconnaît bien là l’âme française, que des déclarations, d'intention, rarement suivie d'effets. Ainsi est le coq, les deux pieds dans le fumier de ses morts, il continue de chanter.

Maria proposa à monsieur S et sa famille de se réfugier à son domicile. Avec André, roublard comme pas deux quand il s’agissait de berner les Fritz, Ils protégèrent cette famille trois mois durant, envers et contre tout, de manière à mettre en place les moyens de leur fuite vers la Palestine, la Terre promise. C'est eux même qui parlaient de la Palestine...

Maria et monsieur S profitèrent de ce temps pour se transmettre leurs pratiques professionnelles. Maria apprit le métier de tailleur, et monsieur S. la broderie... Ce dernier a pu fuir avec sa famille. Maria leur confia des draps brodés de ses initiales, M. V. pour leur donner un peu de chaleur, durant ce périple.

Maria avait deux enfants, La fille aînée Jacqueline, se maria avec Henri, fils de Pierre, le fou, qui était connu dans le village comme celui qui refusait de crever, trois fois envoyé sur le front, à Verdun , lors de la der des der, malgré un corps criblé de balles, il refusait de crever, obstinément et il y retournait, inlassablement.

Jacques, le fils de Maria, à la libération n'avait que 10 ans et fut tué dans un camion américain en dégoupillant une grenade qui se trouvait là. Une famille sauvée, un fils perdu. Par la suite, Il fut fortement déconseillé à quiconque de venir parler de Dieu avec Maria et André.

Dans les années 2000, les petits enfants de Monsieur S ont fait le voyage de Tel Aviv jusqu'à ce petit village, pour remettre à Maria les draps brodés de ses initiales qu'elle avait donné à leurs grands parents, pour un peu de chaleur. C'était un témoignage de leur reconnaissance, très simple, pudique et tellement fort.

Tellement fort.

Les larmes furent de mise, après tout on ne contient que ce que l'on peut contenir. La pudeur verbale une règle tacite, car comment s'enorgueillir d'avoir sauvé des humains ? Pourquoi est-ce nécessaire de protéger des humains ? Pour Maria et André, cette question était un non sens. Ils ont fait ce qu'il fallait faire.

Pierre, le fou qui refusait de mourir, une mauvaise herbe décidément, et sa femme enfantèrent d'Henri, qui fut affecté en Syrie lors de la seconde der des der...

Jamais il n'en a parlé. Son visage se fermait mais pas ses yeux et son regard noir, habituellement pénétrant se teintait d'un voile qui nous incitait à la pudeur et au respect. Henri avait visiblement  vu et fait des sales trucs.

Ce qui a été transmis de génération en génération, dans cette famille c'est qu'un homme vaut un homme, d’où qu'il vienne, quelle que soit son origine ou son appartenance religieuse et un homme en danger, opprimé, on le protège, envers et contre tout, parce que c 'est ce qu'il faut faire.

Jacqueline, la fille de Maria, la femme d'Henri, a 96 ans aujourd'hui, le physique est atteint par l'âge, mais pas la mémoire. Un coin de cheminée avec Jacqueline, les yeux fermés elle vous retrace cette période, cliniquement, elle a déjà trop pleuré... Et le visiteur ne peut que fermer les yeux à son tour et , avec un once d'empathie, ressentir, la douleur, les cicatrices, non fermées, les meurtrissures de l'âme qui émanent de son discours, pourtant dénué de haine ou de rancœur.

Mais la conviction reste intacte, sa famille a fait ce qu'il fallait, sans plus se poser de questions métaphysiques ou autres. Une vie est une vie.

Maria, c'est mon arrière grand mère  et Jacqueline et Henri mes grands parents.

Jacqueline, que je rencontre régulièrement,  pleure aujourd'hui de ce qu'il se passe à Gaza, je ne sais pas ce que pense la famille de monsieur S. mais je veux croire qu'elle descend chaque soir dans la rue à Tel Aviv ou ailleurs en Israël pour manifester contre le Génocide en cours.

L'éducation et les valeurs restent les mêmes, de génération en génération, on fait ce qu'il y a a faire dès qu'il s’agit de protéger un être humain opprimé, sans se poser de questions..

Certains ici font des tribunes, contre l'antisémitisme et le racisme, mais le racisme ne mérite pas de figurer dans le titre ou dans le chapeau. Ces gens sont ils conscients de la violence symbolique qu'ils infligent à la minorité réellement opprimée en France ?  On leur pose la question, il ne répondent pas.

D'autres encore,  un dessinateur, de gôche qui  chouine à travers un  texte confus, malhonnête, mais avec le ton, chaste et mesuré qui sied à Médiapart. J'invite le lecteur, à prendre connaissance de sa prose sur X, le ton n'est plus le même, c'est autrement plus violent et nettement moins "Charlie". 

D'autres encore vous somment de faire la liste de ceux qui hurlent à l'antisémitisme dès que l'on critique le gouvernement génocidaire d'Israël, comme  sils ne savaient pas que cette accusation n'est pas le fait exclusif des juifs. Il suffit d'allumer la télé.

Il en est tant qui sont dans le déni, je peux comprendre pour certains, pour d'autres, non.

Cela me donne envie d' apporter la violence crue de X sur Médiapart (la charte permet beaucoup de choses, finalement), avec un peu plus de caractères autorisés.

Vous, les négationnistes 2.0, malhonnêtes et  hautement dégueulasses  qui hurlent à l'antisémitisme à la moindre occasion ,les tribunards obséquieux, à l'humanité partielle et partiale,  vous faites chialer ma grand mère (qui a vu et vécu 39-45 et qui a le droit de partir en paix, la famille a suffisamment payé son tribut)  rien que pour cela je suis en colère. 

Elle pensait naïvement que pareille chose ne se reproduirait pas, alors venant des victimes...Elle est également consciente que l'"arabe" aujourd'hui est le "juif" d'hier, n'en déplaise à certains  malgré tous les artifices qu'ils déploient,  totalement dépouillés des oripeaux de la décence, de façade, du moins. Le "noir" aussi mais dans un moindre mesure, il est bon en sport...

Je vous en veux mais je n'ai pas de haine, la haine consume, la colère correctement maîtrisée, ce n'est rien d'autre que de l'énergie. L'addition des colères sera toujours plus forte que la haine qui vous anime, vous,  les marchands de mort et vos complices. Seule votre suffisance vous autorise à croire le contraire.

Perso c'est pour mes gosses que j'ouvre ma gueule, ici,  je vis dans un endroit suffisamment reculé de la civilisation, parmi les animaux, qui ont des conversations autrement plus intéressantes,(les ragondins ne sont pas des nuisibles, sont très sociaux, et eux non plus n'ont pas demandé à être là) pour vivre bien et ne plus me mêler de tout ça. De jour en jour, je constate amèrement à quel point nous,  humains, nous nous sommes oubliés et reniés.

C'est écrit une fois de plus, à l'arrache, avec les tripes, pas la « raison » alors les  tatillons du Bescherelle et du Bled, je vous emmerde, à titre préventif.

Pour conclure sur une note positive :

https://youtu.be/ymsxozFNvw4?si=ZuNv0EhMKsEq7mtj

A. Nibal, j'ai négligé de te répondre ou de relancer la conversation du mois de juillet, je te te prie de m'en excuser.

Monsieur Najmi, j'ai une pensée pour vous et je vous dédie ce billet ainsi que les maladresses qui vont avec.

A quelques autres aussi, qui comprendront ma  difficulté à rester posé, devant l'abjection. Les mots me manquent cruellement, parfois.

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