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Billet de blog 9 mars 2013

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"La Réunion du silence" (commentaire de l'article de J-B Bicep du 08.03.2013)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La situation humaine à la Réunion est à mon sens tragique. Les indicateurs économiques et sociaux n'en sont que les pâles reflets. Les causes en sont nombreuses et profondes. J'ai commencé à en parler un peu sur mon blog mais pas autant que je le souhaite en raison de mes disponibilités. Pour faire vite je dirais que le fond du problème provient de notre aliénation originelle qui concerne les trois quarts d'entre nous. La responsabilité de l'Etat et celle des forces économiques et sociales néo-coloniales vient s'installer à demeure sur ce lit accueillant. L'exemple de la télé Freedom est à cet égard caricatural. Les Réunionnais ont eu l'illusion de la liberté et de la considération. La meilleure illustration que c'était une illusion c'est que les exclus sont restés exclus mais les promoteurs de cette affaire sont devenus des notables , directeurs de conscience de notre société. Cela rappelle outrageusement Sarda Garriga qui est venu "octroyer" la liberté à nos ancêtres mais qui n'a pas manqué de leur faire la leçon sur la bonne façon d'en user , pour le bien-être des anciens maîtres , bien entendu. Le résultat à long terme est la situation que nous connaissons aujourd'hui. Nous n'élaborons rien par nous-mêmes. Nous sommes prêts à suivre n'importe quel "sauveur" qui débarque. Et cela dans tous les domaines. Celui-ci s'épanouit à nos dépens. Nous nous contentons des miettes qu'on veut bien nous laisser et des grands mots mystificateurs qui nous donnent l'illusion d'exister.

Tout cela fait partie , selon mon analyse , de l'héritage dévastateur de la colonisation , un héritage qui n'a jamais été correctement étudié. Cet aspect des choses concerne toutes les anciennes colonies mais celles qui sont issues de l'empire français semblent être globalement les plus mal loties. A cela s'ajoutent bien entendu les facteurs spécifiques à La Réunion et qui sont relatifs à l'histoire de sa population.

Les questions primordiales qui se posent aujourd'hui sont les suivantes. Les Réunionnais ont-ils conscience d'une identité? Quelle est-elle? Ont-ils conscience de leurs besoins spécifiques? Si oui sont-ils prêts à réclamer une évolution de leur statut pour promouvoir un développement adapté , cohérent et "libérateur" en terme de dignité , sans chercher à imiter systématiquement l'Europe? L'Etat est-il prêt à l'accepter? Les réseaux occultes qui verrouillent notre île et qui profitent du système peuvent-ils toujours s'y opposer?

Tant que ces questions de base n'auront pas reçu de réponse humainement satisfaisante nous serons condamnés à répéter ces épisodes de violences , apaisées par un dosage plus ou moins habile de répression et de concertation mystificatrice.Il en serai ainsi jusqu'à la disparition de cette humanité qui a été exclue de la société réunionnaise après l'abolition de l'esclavage. Cette société n'a eu de cesse de s'en débarrasser , que ce soit par une exclusion mortifère ou par un exil souvent destructeur. Deux livres parus récemment , celui de Laurent Médéa sur la délinquance juvénile à La Réunion et celui de Camille Gérard sur les "famiy maron" fournissent des pistes de réflexion très intéressantes sur le déterminisme historique de notre présent. Alors!....

Le diagnostic de M. Bicep est juste mais le salut , s'il est encore possible , ne peut venir que de nous-mêmes ,si nous avons la capacité de comprendre la nature de nos entraves , si nous avons la capacité nous rassembler , si nous avons le courage de dépasser la peur de prendre nos responsabilités , si nous finissons par nous convaincre enfin que la "libération" octroyée par les autres est celle qui les arrange mais pas forcément celle qui nous libère et nous rend notre dignité.

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