Il y a certes de bonnes raisons pour ne pas inviter Mme Le Pen à un débat réputé démocratique. Elles ont été maintes fois avancées et elles restent tout à fait compréhensibles. Je reste cependant persuadé qu'en l'ostracisant de la sorte on en fait une martyre , ce qui est tout de même un comble. J'ai la faiblesse de penser que la Démocratie est une exigence de progrès humain qui nous dépasse. Si nous voulons la faire vivre nous nous devons de passer outre nos propres réticences et laisser , au nom de nos principes , cette personne s'exprimer dans ce cadre , même si nous savons que nous ne pouvons rien attendre de satifaisant pour nos valeurs. A titre personnel je n'ai rien à dire à cette candidate. Elle fait partie d'un monde qui n'est pas le mien, elle est d'une "humanité" qui n'est pas la mienne. C'est clair.
Les raisons du succès du FN auprès des classes populaires et autres sont complexes et ne sont pas forcément toutes exprimées dans les analyses multiples qui sont publiées depuis des mois. Ces raisons , quelles qu'elles soient, ne sont cependant pas assez fortes pour justifier une entorse aussi fondamentale aux valeurs démocratiques. Je ne sous-estime pas le courage de Médiapart et de ses animateurs (je n'y suis pas abonné sans raison) mais je persiste à croire que cette décision est un aveu de faiblesse , une facilité. Ce n'est pas être naïf que de croire que dans toute société il y a des valeurs structurantes sur lesquelles il ne faut pas transiger. Le pluralisme politique est une donnée incontournable de la démocratie. Cette règle doit d'autant plus plus être respectée qu'il s'agit de l'échéance électorale la plus importante de notre système politique qui doit aboutir à la désignation d'un quasi-monarque avec sa cour. Je suis de ceux qui pensent qu'on doit combattre les idées par les idées , l'épée par l'épée. L'utilisation de la force pour combattre une idéologie c'est la porte ouverte à la justification de toute atteinte à la liberté d'expression , donc à la démocratie.
Cette décision me trouble aussi par son aspect (involontaire sans doute) "chape de plomb" qui recouvrirait d'un voile pudique certains aspects peu exhaltants de la société française mais qui n'en demeurent pas moins bien réels , aujourd'hui comme hier. Est-ce vraiment une bonne idée que de casser le thermomètre? Faut-il briser son miroir parce qu'on n'aime pas son image? Je pense au contraire que pour traiter un mal il est important de bien le connaitre et de bien le cerner , afin de ne pas se tromper sur l'ampleur de l'effort à accomplir. Exclure du débat quelqu'un qui a manifestement un certain poids dans l'opinion ce n'est pas une bonne idée.
Mon billet ne changera rien au cours des choses mais je me devais de dire ces choses. C'est dit.