On nous répète que la justice est la même pour tous. On nous ressasse la belle phrase : "un justiciable comme un autre". Mais dès qu’on gratte un peu, le vernis craque. Un ancien Président, placé sous bracelet électronique, demande une libération conditionnelle. Le juge dit fait droit à sa demande. Le parquet se fend d’un communiqué : tout est normal, tout est légal, circulez. Un justiciable "comme un autre", paraît-il.
Vraiment ?
Parce que dans les prisons de ce pays, la réalité est tout autre. Pour le détenu anonyme, celui qui n’a ni micro tendu ni avocat célèbre, ni d'ami ministres, la musique change.
On ne lui parle pas de droit. On ne lui parle pas d’égalité. On lui explique, d’un ton moralisateur, qu’un aménagement de peine, "c’est une faveur", "un cadeau". Un privilège qu’il faut mériter en baissant la tête.
Et ce décalage ne se limite pas aux discours. Il s’observe aussi dans les gestes les plus concrets. Dès le premier jour de son incarcération, l’épouse de l’ancien Président a pu obtenir un permis de visite et voire son cher et tendre mari. Rapidement, sans attente, sans obstacle. Pendant ce temps, dans les autres cellules du pays, des familles patientent des semaines, parfois des mois, pour obtenir le même droit : voir un mari, un fils, maintenir un lien, ne pas laisser la détention détruire ce qui reste de vie familiale. On leur répond que la procédure est longue, que l’administration est débordée, que "c’est comme ça".
Là encore, une question s’impose : pourquoi ce qui est simple pour certains devient-il un chemin de croix pour d’autres ?
Le lien familial, pourtant, n’est pas un luxe. C’est un repère, un soutien, parfois la seule bouée qui empêche de couler. Il devrait être protégé avec la même attention pour tous.
Une même loi, mais 2 discours.
Ce décalage est insupportable. Pas parce que des hommes connus obtiennent une mesure prévue par la loi. Cà, personne ne le conteste. Ce qui indigne, c’est la différence de regard, de ton, d'attention, de respect. En somme de traitement,.
Quand il s’agit d’un puissant, on prend des gants : on parle de droit, de mesure prévue par la loi, de dignité.
Quand il s’agit d’un détenu ordinaire, on infantilise : "soyez sages, soyez méritants, et peut-être…"
La justice ne se mesure pas seulement aux décisions qu’elle rend. Elle se mesure à la façon dont elle parle aux gens. A la dignité qu’elle leur accorde. A l’humanité qu’elle reconnaît, ou qu’elle refuse.
Tant que la loi demeurera protectrice pour les uns et moralisatrice pour les autres, notre République ne sera qu’un décor, une apparence, où certains sont plus égaux que les autres.
Il est temps que l’égalité devant la loi quitte les communiqués et entre enfin dans les faits.
Karim