Un professeur « professe », fait une leçon, explique, corrige. Même en considérant que, à l’école primaire, « le professeur des écoles » organise des cours avec différents supports, différentes formes de regroupements d’élèves et différentes modalités de travail, il est toujours perçu d’abord comme un enseignant, non comme un éducateur. Son ministère de tutelle s’appelle pourtant « ministère de l’Education nationale » et non plus depuis longtemps « ministère de l’instruction publique ». Les recherches développées en sciences de l’éducation ont montré par ailleurs que les savoirs des enfants doivent être construits et qu’il ne suffit pas de les transmettre ; le socio- constructivisme dont les étudiants pouvaient prendre connaissance à l’IUFM insiste notamment sur le rôle de la confrontation des représentations dans l’ évolution de celles-ci (« conflit didactique ») et, partant, sur l’importance des interactions entre élèves pour la construction des apprentissages.
Malgré tout, les « professeurs des écoles » semblent pouvoir s’appuyer sur un cadre éducatif tel qu’ils n’auraient pas à exercer eux-mêmes une fonction éducative, si ce n’est en rappelant à l’ordre « l’élève perturbateur » . On peut dire que, dans la perception la plus commune, c’est l’institution en tant que telle qui établit le cadre éducatif, par l’intermédiaire du carnet de correspondance, des convocations de parents, des convocations chez la directrice,….
Le « professeur des écoles » a pour mission d’élaborer ses cours en référence aux programmes officiels et d’évaluer l’acquisition des compétences de ses élèves. L’élève a, pour sa part, le devoir de faire ce que l’enseignant lui demande. Ce dernier prend des sanctions lorsque l’élève ne remplit pas son « contrat » (implicite), ces sanctions s’inscrivant dans un cadre institutionnel moins défini par le législateur que par les normes intériorisées par la communauté éducative dans son ensemble (enseignants et parents d’élèves). Ainsi n’est-il pas rare de voir des élèves copier des lignes pendant la récréation alors que la privation de récréation et la copie de lignes sont officiellement interdites depuis longtemps (de même que les devoirs écrits à la maison).
La fonction éducative du professeur des écoles fait référence à première vue à la nécessité de garantir un cadre propice aux apprentissages.
L’enseignant doit avoir de l’autorité pour cadrer les élèves qui ont besoin de limites claires et pour éviter le désordre qui viendrait rendre impossible l’acquisition des savoirs. Le professeur des écoles n’a pas pour mission de faire évoluer la personnalité des enfants qui lui sont confiés, mission dévolue à d’autres acteurs rattachés directement ou indirectement au système scolaire : psychologues scolaires, rééducateurs (« maîtres G »), psychomotriciens, psychologues cliniciens ou pédopsychiatres des CMPP, éducateurs des SESSAD.
Le référentiel de compétences du professeur des écoles (Bulletin officiel de l'Éducation nationale n° 43 du 24 novembre 1994
pages 3140 à 3143) mentionne toutefois, outre la capacité à « élaborer, faire comprendre et faire respecter, en fonction de l'âge des enfants, les consignes de travail et les règles de vie collective dans la classe », la capacité à « développer une écoute mutuelle dans la classe » et à « responsabiliser » les élèves.
Je voudrais ici montrer comment une prise en compte effective de ces objectifs conduit à penser le professeur des écoles comme un éducateur et pas seulement comme un enseignant. Je m’appuierai pour ce faire sur une relation de ma prise de conscience progressive de cette question, au cours de mes expériences successives en tant que « professeur des écoles ».
Animer un groupe
L’enseignant a, certes, pour mission de faire acquérir à ses élèves un certain nombre de connaissances. Toutefois, il n’est pas un précepteur : il travaille toujours avec un groupe- classe et se trouve, de ce fait, confronté à la difficulté première de « gérer le groupe », et cela dans des situations très variées, de la salle de classe au gymnase ou au parc, en ville ou dans des musées.
Le professeur des écoles ne fait pas cours comme un professeur de lycée ou d’université. En réalité, s’il y a bien des moments où il explique, voire il dicte, il donne surtout des consignes de travail et ces consignes, souvent, amènent les élèves à interagir. Les temps d’exercice individuel (et dans le silence), existent évidemment mais ne représentent pas la totalité du temps scolaire.
Le professeur des écoles joue parfois un rôle qui se rapproche beaucoup d’un rôle d’animateur : par exemple, lorsqu’il met à disposition du matériel pour réaliser une production plastique ou une expérience, ou lorsqu’il met en place au gymnase ou dans la cour des jeux coopératifs pour favoriser une meilleure ambiance ou pour préparer des jeux collectifs au programme. Mais aussi lorsqu’une séance d’histoire, de géographie ou même de lecture ou d’écriture a été définie avec un temps de travail en petit groupe ! Il faut avoir prévu le matériel et l’organisation de l’espace, expliquer ce que l’on va faire, indiquer les modalités de regroupement, la durée, le signal d’arrêt. Si l’activité ne se passe pas comme prévu, il faut intervenir, recadrer (éventuellement mettre de côté un élève pour un moment). Le professeur des écoles doit être capable de s’expliquer clairement, de se faire écouter, d’organiser les différents temps et les différents rôles, d’interrompre l’activité si besoin, de surveiller le temps qui passe, de faire respecter les règles, d’arbitrer les différends, d’aider un groupe qui serait bloqué...
L’organisation de la journée de classe, en tant que telle, relève de compétences éducatives, pour autant que l’enseignant souhaite prendre en compte les différents besoins des enfants... Une journée de classe, à l’école élémentaire, ce n’est pas nécessairement une succession de leçons dont seul le sujet changerait ! Comment accueillir les enfants le matin, surtout le lundi et le jeudi, pour qu’ils puissent « se poser » ? Quels rituels mettre en place pour apaiser, sécuriser ? Il faut adapter la durée de chaque séance, penser la succession des différentes séances et les transitions entre elles.
Etre responsable d’un groupe
Les professeurs des écoles et leurs élèves ne sont pas enfermés chaque jour de l’année scolaire dans leur classe ! Les occasions de sortie sont nombreuses, même si l’enseignant n’organise pas lui-même de projets. Et les déplacements en cadre scolaire sont souvent perçus par les élèves comme des occasions de décompression… D’où des débordements possibles innombrables : cris, bousculades, disputes, coups de pied dans les poubelles… Le professeur des écoles est responsable de la sécurité de ses élèves mais aussi du respect des lieux et des personnes (chauffeurs de bus, autres usagers de la voie publique, animateurs). Il en est de même évidemment dans la classe, par rapport au matériel et au mobilier, par rapport au respect des autres classes ou du personnel d’entretien de la salle.
Les sorties (mais aussi bien les activités scientifiques ou artistiques en classe avec du matériel fragile ou salissant) se préparent : que va-t-on faire ? Comment cela va t-il se passer ? Quelles seront les règles à respecter ?
Connaissant les élèves, l’enseignant peut prendre des mesures préventives : séparer untel et untel, garder celui-ci à côté de lui, écrire avec celui-là un contrat prévoyant les règles à respecter et les sanctions qui seront prises le cas échéant.
Tout cela concerne aussi bien d’ailleurs la gestion quotidienne de la classe !
Il est vrai que la situation scolaire traditionnelle (bureaux en autobus face au tableau) permet d’isoler les individus et de « dissoudre » en quelque sorte le groupe. Pourtant, il y a toujours des relations entre les élèves ! En SEGPA, il arrive que chaque adolescent ait son propre bureau individuel… Comme s’il était possible d’éviter que les élèves se touchent, se sentent, se regardent ou se parlent !
La définition préalable des règles ne suffit évidemment pas toujours à éviter les incidents. Et c’est bien en tant qu’éducateur que l’enseignant agit lorsqu’il intervient pour permettre une réparation : il y a eu dégradation de matériel, sifflets dans la salle de concert, coup ou insulte ; ce n’est pas possible de « faire comme si rien ne s’était passé ». La classe est réunie suite à l’incident. Il y a deux cas de figure. Premier cas de figure : un élève ou quelques-uns seulement sont concernés et il n’y a rien à élucider. Les élèves qui ne sont pas concernés se mettent alors au travail selon les modalités prévues ou indiquées dans l’instant par l’enseignant. Pendant ce temps, celui-ci prend à part le ou les responsables pour leur faire verbaliser ce qui s’est passé et définir avec eux les modalités possibles de réparation (lettre d’excuse, nettoyage de la salle,…). L’enseignant est aussi responsable de l’application des règles de fonctionnement définies par l’institution : avertissement de la direction, des parents, privation d’un droit (de participer à la prochaine sortie, par exemple). Cela fait aussi partie du rôle éducatif de l’enseignant de le rappeler au(x) fautif(s).
Lorsque les responsabilités ne sont pas clairement établies, l’enseignant ne peut pas sanctionner au hasard ni non plus toute la classe sans distinction (ce qui serait contraire au règlement qui interdit les sanctions collectives). Il y a alors plusieurs modalités possibles. L’enseignant peut organiser une réunion exceptionnelle pour que chacun expose sa version des faits. Ce sera à lui, quoi qu’il en soit d’assumer la responsabilité du jugement qu’il rendra, in fine (et qu’il n’est pas obligé de rendre immédiatement). Si la classe est très énervée, il aura tout intérêt à demander une rédaction individuelle (si les compétences des élèves le permettent), chacun racontant sa propre version des faits.
Il n’est pas impossible qu’il ait besoin d’interroger individuellement l’un ou l’autre, et/ou de prendre conseil auprès d’un collègue ou de la hiérarchie. La difficulté pour lui pourra être de ne pas se sentir lui-même coupable : après tout, c’est lui, le responsable du groupe ! Il se peut qu’il ait mal préparé la sortie ou l’activité, ou qu’il ne soit pas intervenu assez rapidement. Cette mauvaise conscience éventuelle n’excuse toutefois en rien les fautifs et ne doit évidemment pas l’amener à passer l’affaire sous silence ! L’important est que chacun comprenne ce qui s’est passé, pour réparer ce qui peut l’être et en tirer les leçons pour l’avenir.
Il se peut d’ailleurs que l’incident ne soit pas si dramatique et relève surtout d’une méconnaissance de certaines règles sociales : au théâtre, on ne fait pas de commentaires comme on peut en faire chez soi devant la télé ! Le rôle de l’enseignant est alors simplement de faire prendre conscience de l’existence de règles différentes, selon les lieux et les personnes.
Donner des responsabilités
Il est habituel dans les classes d’école élémentaire de donner aux élèves ce qu’on appelle parfois des « responsabilités » ou des « métiers ». En réalité, il s’agit le plus souvent d’une simple délégation de tâches : distribuer les cahiers, effacer le tableau, allumer et éteindre les lumières…. Lorsque les enfants concernés exécutent ces tâches sous l’injonction de l’enseignant (qui éventuellement le fait lui-même tel ou tel jour parce que ça va plus vite ou parce qu’il a oublié), la responsabilité est, en fait inexistante. Pourtant, la multitude de choses à faire pour organiser le travail en commun rend possible à l’école une réelle responsabilisation des élèves.
La difficulté pour l ‘enseignant, comme pour tout éducateur, est d’accepter une moindre efficacité . De même que le parent pressé préfère nouer lui-même les lacets des chaussures de son enfant pour qu’il n’arrive pas en retard, l’enseignant pourra préférer ranger lui-même le matériel ou surveiller lui-même le temps qui passe, pour ne pas se faire critiquer par les collègues qui trouveront le placard en désordre ou par les parents qui se plaindront que la classe est sortie en retard.
Le fait de laisser les élèves à tour de rôle arbitrer les matchs de hand-ball (ou d’un autre sport collectif) est un exemple courant de responsabilisation. Une autre occasion est la réalisation de travaux de groupe : chaque groupe peut être responsable du rangement et du nettoyage de son espace et de son matériel. Il peut y avoir aussi au sein de chaque groupe un partage des responsabilités : celui-ci donne la parole, celle-là propose la phrase qui mettra tout le monde d’accord, celle-ci l’écrit sur l’affiche, untel surveille l’horloge, tel autre présentera à la classe les conclusions du groupe.
Les élèves sont souvent peu responsabilisés dans leur travail scolaire parce qu’on considère que, de toute façon, ils doivent faire ceci et cela et qu’ils seront sanctionnés plus tard, au moment de l’examen par exemple, s’ils ne le font pas : la réalisation du programme est le souci de l’enseignant, pas celui des élèves ! Pourtant, il est possible d’engager les élèves dans un travail réel dont ils seront responsables : ainsi, en CP, lorsqu’on fixe un rendez-vous avec une classe de maternelle pour aller lire des albums. Mais aussi bien en CM2, si l’autre classe attend la dernière série de questions pour le défi mathématique.
On est responsable lorsque d’autres comptent sur nous pour quelque chose. Ces autres ne sont pas forcément extérieurs à la classe ! Si la classe édite un journal mensuel, chaque équipe devra rendre à temps son article.
Permettre à chacun de trouver sa place
N’importe quel enseignant est confronté non à une masse anonyme mais à un regroupement hétéroclite d’enfants (ou d’adolescents) fort différents les uns des autres : l’agité qui tombe de sa chaise et renverse sa trousse, l’endormi, le rêveur, celui qui a besoin d’être en permanence au centre de l’attention, la petite fille sage comme une image qui n’ouvre jamais la bouche…
L’enseignant travaille généralement avec des élèves qui se connaissent depuis plusieurs années et ont des relations en dehors de l’établissement scolaire. Il existe de ce fait des inimitiés, des rivalités, des jalousies voire des relations de domination dont l’enseignant n’a pas nécessairement conscience mais qui peuvent se manifester, en classe même, par des paroles, des gestes, des regards plus ou moins agressifs .
L’enseignant n’a pas pour objectif de désinhiber un enfant trop inhibé ou de calmer les angoisses d’un autre dont les troubles du comportement traduisent une pathologie psychiatrique ! Pourtant, il doit permettre à l’un comme à l’autre de pouvoir s’investir dans le travail scolaire… Les élèves les plus en difficulté (comme ceux de segpa) sont souvent aussi ceux qui ont la plus mauvaise image d’eux-mêmes : cause ou conséquence ?!
« Développer une écoute mutuelle » est une compétence que doit avoir le professeur des écoles : ainsi, il doit tempérer l’impatience de celui-ci qui s’énerve parce que sa camarade a besoin de chercher ses mots ou parle à voix trop basse, comme il doit l’obliger à reconnaître qu’il ne peut pas occuper constamment toute la place.
Pourtant, lorsque c’est l’enseignant qui « donne la parole » ou qui fait venir au tableau, sur l’estrade, tel ou tel élève, il est difficile de ne pas créer, à son insu, des jeux relationnels piégés : involontairement, certains sont favorisés au détriment d’autres (comme si l’enseignant avait des préférences)…Plusieurs études ont montré, par exemple, l’indulgence plus grande de tous les enseignants (y compris femmes) vis-à-vis des garçons.
Un certain nombre de techniques et de règles visent précisément à réduire ces problèmes autant que possible, étant bien entendu qu’il vaut mieux pour commencer que la classe soit organisée autour du travail et des apprentissages plutôt qu’autour de la représentation (mise en scène) des uns et des autres…
Les élèves se comparent souvent entre eux et, partant, se dévalorisent ou au contraire se valorisent parfois de façon exagérée parce qu’ils font la même chose : tel exercice, telle recherche, telle production plastique ou corporelle, telle expérience qui a été demandé par l’enseignant.
Nécessairement, il y en a qui réussissent mieux que d’autres.
Or, il est possible de fonctionner tout à fait autrement, de façon telle que les élèves ne sont plus en compétition !
Lorsque les heures de français sont organisées autour de la rédaction de lettres aux correspondants, d’histoires et d’articles pour le journal de classe, chacun écrit des textes différents, qui ont du sens pour lui et qui ne peuvent pas être comparés avec ceux écrits par les autres.
Evidemment, les histoires seront plus ou moins développées, plus ou moins originales, produisant plus ou moins d’effet : cependant, c’est son histoire à lui ou à elle; chacun peut, à tour de rôle, faire ou recevoir des remarques pour améliorer un texte sans que ne se créent des sentiments de dévalorisation .
Il en est de même lorsque les points du programme en histoire ou en géographie sont traités par les uns ou les autres, selon les affinités de chacun, par des conférences ou des exposés. Ou lorsque les élèves peuvent s’engager dans des recherches ou des créations mathématiques qui enrichissent celles des autres. A chaque fois, ce que fait l’un ne menace pas l’autre parce que ce n’est pas le même sujet et , du coup, chacun est intéressé à la réussite de l’autre, parce que c’est plus intéressant pour tout le monde si c’est plus réussi. En plus, ça peut donner des idées…
Les apprentissages deviennent ici un outil d’éducation, parce qu’ils apprennent à mieux se connaître soi-même, à reconnaître les différences et à les accepter sans y mêler des sentiments d’inégalité.
Les élèves qui travaillent de cette façon deviennent progressivement capables de faire des propositions, de définir eux-mêmes des projets et de les organiser. L’enseignant a réussi son travail d’éducateur lorsque les élèves n’ont plus besoin de lui pour poursuivre leurs apprentissages !
Rendre possible la mise en projet des élèves
Les « projets de classe » sont généralement les projets des enseignants… Ainsi le projet « golf » d’une Segpa, motivé par la pratique personnelle du directeur et d’un collègue ! L’institution ne reconnaissant pas le droit des élèves à donner leur point de vue sur ce qui les concerne (articles 12 et 13 de la Convention internationale des droits de l’enfant), la mise en cause de ce projet par les élèves n’a donné lieu à aucune modification.
La construction de leurs propres projets par les enfants et les jeunes est pourtant un outil éducatif fondamental qui permet de travailler à la fois l’estime de soi et les relations aux autres. Un professeur des écoles devrait savoir accepter de ne pas avoir prise sur tout…
Il n’est pas si difficile de mettre en place un temps de travail individuel, à partir du moment où l’on a investi par exemple dans un nombre suffisant de fichiers autocorrectifs : le matériel à disposition, s’il est suffisamment varié et adapté aux capacités des élèves, permet de créer un espace de liberté qui est, en même temps, sécurisant. Chacun peut alors, progressivement, choisir son activité : ne plus s’entraîner chaque jour avec le même fichier de lecture ou de calcul mais aller choisir un livre au coin bibliothèque, écrire un texte ou un article pour le journal de classe ou un courrier pour la classe avec qui le maître a ouvert une correspondance, préparer un exposé ou écrire une pièce de théâtre avec un ou deux camarades, apprendre à d’autres à faire des origamis ou à construire des boîtes en papier…
Une telle pédagogie nécessite évidemment de rompre avec un certain nombre de représentations : chacun ne fait plus la même chose en même temps ; ce n’est plus le maître qui dit ce qu’il faut faire ; les élèves ont le droit de se déplacer dans la classe et de se parler…
Les avantages sont pourtant indéniables : l’hétérogénéité n’est plus un casse-tête mais une ressource ; l’enseignant est disponible pour l’ accompagnement de ceux qui ont le plus besoin de son étayage ; chacun progresse à son rythme sans stigmatisation des élèves « en difficulté ». En fait, dans un tel fonctionnement, les étiquettes qui ont pu être collées sur l’un ou l’autre s’envolent.
Organiser un groupe coopératif
La difficulté pour l’enseignant qui veut faire de sa classe un lieu de travail créateur est de gérer le fourmillement de cette vie de classe vraiment vivante. Il y a un aspect affectif (ne pas paniquer face à tout ce qui surgit ; assumer vis-à-vis de l’institution). Il y a aussi la nécessité d’avoir un sens certain de l’organisation et de maîtriser un certain nombre d’outils ou de techniques, comme le Plan de travail collectif ou le Conseil qui se révèle vite indispensable pour régler les problèmes qui ne manquent pas de se poser : six élèves ont trouvé une pièce de théâtre qu’ils veulent mettre en scène : quand et où vont-ils pouvoir répéter ? Les livres et les classeurs/fichiers sont tout mélangés et certains ne sont même pas rangés où ils devraient : qui va les remettre en ordre ? Comment faire pour que cela ne se reproduise plus ?
Untel doit saisir un texte à l’ordinateur mais les machines ne sont jamais libres : quelle règle instituer pour que chacun puisse accéder au traitement de texte ? Deux élèves « s’accrochent » à chaque fois qu ‘ils passent l’un à côté de l’autre : que faut-il faire pour que cela ne s’envenime pas plus, voire pour régler le différend ? Qui doit se charger d’un rôle de médiation ? Quand et où ? Faut-il faire intervenir d’autres personnes ?
Le professeur des écoles/éducateur (on disait autrefois instituteur) est évidemment responsable de l’acquisition des connaissances scolaires et il doit « suivre » où en est chacun et où en est le groupe vis-à-vis du programme ; il doit aussi en rendre compte aux familles.
Toutefois, il serait bon que le temps scolaire soit aussi reconnu comme un temps d’éducation, un temps où chacun peut grandir en apprenant à se connaître, connaître ses émotions, acquérir une certaine distance à soi, exprimer ses besoins, ses opinions et ses désirs tout en apprenant à tenir compte de ceux des autres, tenir compte aussi des contraintes du réel.