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Billet de blog 1 septembre 2022

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Dépasser les violences et rhétoriques anti-trans

Les luttes entre anti-trans et personnes concernées, prennent chaque jour un tour nouveau, souvent pathétique et désespérant chez les antis, aveugles aux études et savoirs, choisissant ce qui les arrange dans les sciences et rejetant le reste. Le temps de l’argument est révolu. On n’échange pas avec ceux et celles qui, non seulement se complaisent dans l’ignorance, mais l’entretiennent.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Billet d’humeur ou lettre ouverte [C’est à votre convenance] Je ne m’appuierai sur aucune autrice ou auteur, sur aucun chiffre, sur aucune des études, bien qu’elles contredisent les tenantes de la panique morale en cours. Je parlerai en mon nom, avec mes pensées et émotions. Rien de plus, rien de moins.

Je vous aime, parce que j’ai le pouvoir de vous faire souffrir (anonyme du XXIe siècle)

Le « transactivisme » n’existe pas, pas plus que le « lobby trans ». Ces deux idées, font entités et déshumanisent un groupe déjà mis en mal par le simple fait de vivre au quotidien dans une société ou déjà un corps androgyne trouble l’ordre public et le passant, prompte à s’esclaffer, « c’est un homme ou une femme ?». En général, cette personne, se croit intelligente, supérieure. Elle cherche à croiser le regard d’autres passant.es, recherchant approbations, voire complicités. Après avoir moqué une personne cis au physique androgyne ou une personne trans, de retour au travail ou au domicile, elle va conter sa petite histoire, qui passe pour aventure et puis pour victoire, pour finir en bonne blague à l’heure de l’apéro.

Cette personne ignorera probablement toute sa vie que la personne dont elle s’est moquée, lui infligeant gratuitement une humiliation publique, s’est suicidée. Pour elle, ce n’était pas la petite victoire du jour, mais la violence de trop, arrivant après une série de maltraitances, déroulée sur des années, se répétant jour après jour, parfois heure après heure, de lieux en lieux, de transports en transports, de l’espace public à l’espace privé. La résilience, même comprise comme la plus dure des carapaces, finie par s’user, par céder. L’expression écorché vif ou écorchée vive est une parfaite illustration de cette condition. Sans peau, on ne peut que souffrir et on accepte la mort comme une alternative.

Les personnes ***phobes, combien d’« estime de soi » avez-vous réduites à néant ? A combien de suicides avez-vous concourus ? A combien de renoncements au bonheur avez-vous participé ? Vous l’ignorez. Vous le réfuteriez. Pourtant les personnes trans, pour ne parler que d’elles aujourd’hui, meurent. Elles meurent sous des coups et on mutile leurs corps, comme pour détruire ce qui fascine et/ou dégoute. Elles se suicident ou leur santé se dégrade sous les effets de vos rejets, moqueries et insultes. Toutefois, il faut bien convenir du fait que nous sommes toutes et tous, à un moment ou un autre de la vie, responsables de la blessure d’une autre personne. Mais pour autant, nous ne sommes pas obligé.es de nous complaire dans l’exclusion et la discrimination. Si 1+1 = 2, sachez qu’humain = humain, quelle que soit la couleur de sa peau, sa sexualité, sa capacité, son genre, etc. Facile non ? 

Longtemps, j’ai cru que nous avions tous et toutes ces aptitudes. Lourde erreur de jeunesse. C’est Voltaire qui avait raison, et non pas Rousseau. 
Est-ce si difficile que d’être humain et de se comporter comme tel ?  Est-ce si difficile de ne pas se croire supérieur aux autres au point de vouloir les éradiquer ? Est-ce si compliqué que d’apprendre à se défaire de ses idées reçues quand l’enjeu est la vie ?  On ne parle pas sa nouvelle télé ou dernier ordi, de sa promotion ou de sa dernière coupe de cheveu. Ici, on parle d’une personne qui vit, respire, pense, agit, aime et est aimée. Rien de moins. Ça va ? On réalise, ou alors on reste bloqué sur le smartphone en panne ?

Trans et fier/fière, trans = vie (vieux slogan des années 2000)

Les rhétoriques et actions anti-trans, ne visent pas que les personnes trans. Elles visent une certaine vision de la société, fermée sur elle-même et où la pensée se flétrirait, tant le vivant serait réduit à sa plus simple expression. Des politiques, pourtant censé.es représenter l’ensemble des personnes qui composent la société, cèdent à des chants nés de peurs, de mépris et de haines, mais se dissimulant plus ou moins habilement, sous des couverts, a priori louables : intérêt de l’enfant, principe de précaution, dérives, influences, etc. Mais qui portent ces messages ? Sous quels termes ? Dans quelles conditions ? Et, quels sont les intentions et objectifs ? Qui doit être sacrifié sur l’autel de leur petit confort personnel ou sectaire ? Ou bien, doit-on envisager que sont ces sinistres voix qui recherchent reconnaissance, voire sanctification ? Ne pas apprendre, ne pas comprendre devient la seule loi. Croisade oblige probablement.

Je parle ici spécifiquement pour mes camarades femmes, hommes trans et whatever, mais je n’oublie pas les autres. Je souhaite dire que je vous aime, que vous êtes beaux et belles, que vous méritez de vivre et d’accéder au bonheur. Vos parents, conjoint.es et ami.es, ne doivent pas être discriminé.es, stigmatisé.es, voire psychiatrisé.es, parce qu’iels vous aiment et vous soutiennent ou autrement dit parce qu’ils ne vous rejettent pas, ou pire, parce qu’ils ne tentent pas de vous reconvertir de force. Ce n’est pas à vous d’avoir honte.

Vous ne creusez « le trou de la sécu » que dans les petits esprits qui ne connaissant rien aux conditions de la prise en charge. Vous n’influencez personne quand vous vous entraidez et vous informez. Ceux et celles qui retransitionnent, sous la pression ou par la prise conscience que la transitude ne les concernait pas finalement, méritent encouragements et soutiens, et non pas de malsaines instrumentalisations, à d’obscures fins politiques et/ou religieuses.

Je sais qu’il y a autant de transitudes que de personnes trans, mais vous pouvez être fières et fiers de vous réaliser malgré les violences et découragements. Vous n’êtes pas des ombres grises et inquiétantes, mais de réjouissantes silhouettes se dessinant à chaque pas, et rayonnant chacune à leur façon. Vous êtes même parvenues à faire entendre votre droit à faire famille et à enfanter en tant qu’homme parce que vous vous êtes défendu de l’injonction à être stérilisé.es. Oui certain.es tombent de leur chaise, n’ayant pas perçu le cours du temps ni l’évolution du monde et des groupes humains. Vous n’avez pas à porter ce fardeau qui est en réalité le leur : s’ouvrir et évoluer, ou s’enfermer et s’immobiliser.

Tenez bon, et ne lâchez rien en ce temps où on veut vous réduire à de simples fonctions biologiques, alors que la pensée humaine avance parce qu’elle sait se dépasser et s’enrichir de diversité. Nous ne sommes pas de ceux et de celles qui refusent de voir et de vivre avec l’ensemble des couleurs qui les entourent. 

Une femme trans féministe

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