Le 8 mars prochain, comme tous les ans, la femme sera une fois de plus installée, reléguée à la place que les hommes daignent lui offrir : un strapontin aux côtés des grands fléaux de ce monde…
Car après les journées mondiales du SIDA, de la Lèpre, des cancers en tout genre et du diabète… le 8 mars, un dimanche en plus, sera «le jour SANS TELEFOOT et SANS TURBO » pleureront certains.
« Ca part d’un bon sentiment non ? »
Pas sur...
Ce type de palliatif est LA fausse bonne idée par excellence car, instaurer cette journée ne fait que mettre un peu plus en exergue les différences criantes entre hommes et femmes qui subsistent dans notre pays et qu’il serait pourtant si simple de faire disparaître, pour peu qu’une vraie volonté politique en termes d’égalité soit mise en œuvre.
Le 8 mars, c’est la minute de silence qu’on impose pour ne pas oublier, la journée de commémoration, le devoir de mémoire…
Le 8 mars, c’est ce jour où l’on se souvient douloureusement que l’égalité des sexes dans notre pays n’est pas à la moitié de ce qu’il devrait être.
Le 8 mars…une attitude et des pensées qu’on impose ce jour-là car, tout comme il semble qu’il faille revenir en permanence sur des moments graves de notre histoire pour contrer les négationnistes ou théoriciens du complot, il faut rappeler aux illuminés qui souhaiteraient revisiter les droits durement acquis par nos sœurs et nos mères, que la femme est un Homme comme un autre.
Mais le monde est mâle et, même si quelques mesures coercitives existent pour imposer un peu plus de parité, on voit bien que les décideurs sont ceux qui pissent debout et que les punitions qu’ils s’auto infligent sont suffisamment supportables, permettant ainsi de faire durer la jouissance d’un pouvoir qu’on ne veut fondamentalement pas partager.
Car en effet :
- Faire une loi sur l’égalité des salaires est simple : il faut la décider, la voter et accompagner ces décisions de contreparties financières suffisamment dissuasives pour qu'elles soient respectées.
- Imposer la parité dans les postes à responsabilités des grands groupes : idem
- Réprimer encore plus sévèrement les violences faites aux femmes : enfantin.
- Compenser une perte de revenus consécutif à un accident de la vie (Divorce, veuvage) : pareil
Mais ce serait, pour les hommes, accepter de perdre un peu de leadership et pour ça, « la société n’est pas prête ma bonne dame ! ».
Comme il est détestable de penser que seule la coercition réussira à imposer ce qui devrait être naturel !
« Mais on pense à vous, ne vous inquiétez pas, les choses avancent…mais il faut du temps »
Du temps ? Quelle blague ! N’en a-t-on pas eu assez depuis toutes ces décennies ?
Nous sommes tous abasourdis de constater que le droit (pour les femmes) d’ouvrir un compte bancaire sans l’accord de leur mari ne date que de…1965 mais acceptons en 2015 qu’une femme soit moins payée qu’un homme…et ce n’est pas le moindre des paradoxes.
Et pour patienter, vous en voulez des gadgets mesdames ?
En voilà :
Boris Vian a écrit en son temps « la complainte du progrès », il pourrait la chanter aujourd’hui pour vous mesdames.
Un ministère,
Une journée « mémère »,
Une loi pas claire
Appliquée à l’envers
Des amendes peu sévères
Pour le patron myso…
et dans le genre condescendant : le concept de « marketing genré ».
En voilà une belle invention des publicitaires pour tenter de vous faire oublier votre condition ! Toute une armada de jolis produits spécialement conçus pour vous mesdames.
De La voiture en voulez-vous ? En voilà ! Et aux couleurs des marques qui vous font briller les yeux : série limitée « ELLE », « VUITTON », « GUCCI » avec les portières qui s’adaptent au ton des sacs à mains ou des stilettos …
Et avec ça je lui mets quoi à la p’tite dame ? J’ai des APERICUBES « soirée filles », des rasoirs jetables BIC roses (plus cher que ceux des hommes…mais ce sont les mêmes lames, à croire que le poil féminin s’adoucit en fonction de la couleur), le GPS GARMIN « spécial filles » (vous noterez l’allusion à votre soit disant non-sens de l’orientation), des romans exprès pour vous avec des princes rois de la finance et des stagiaires cendrillon qui les mettent à genoux…les produits dérivés et l’adaptation-navet qui sort dans 1 an !
Mais le top du top pour payer tout ça, c’est l’objet collector et girly à souhait : la carte de paiement VISA que la CAISSE D’EPARGNE vous propose en série limitée tous les ans à l’occasion de la journée de la femme.
Il y a deux ans, elle était incrustée de petits brillants Swarovski, Kenzo a dessiné l’édition 2014 et cette année, c’est Chantal Thomass, la reine du frou-frou «pupute haut de gamme et branchouille» qui s’y colle avec, en toile de fond, une soit disant bonne action car elle est vendue 2 €uros qui sont intégralement reversés à l’association RUBAN ROSE qui lutte contre le cancer du sein.
Je laisse à l’appréciation de chacun le visuel choisi qui donne une très haute image de la femme : tous les clichés y sont intégrés : goût pour le futile, look un peu provoc juste ce qu’il faut pour ne pas verser trop dans le bling bling, codes couleurs que l’on retrouve sur les bouteilles de Contrex, les céréales minceurs et les parfums féminins.
Quel cynisme de la part d’un établissement – et d’un secteur - où la parité dans les postes à responsabilité et stratégiques sont trustés le plus souvent par des vieux messieurs. Quelle obscénité de n’être capable de générosité autrement qu’en faisant payer ses clients et en se faisant au passage une publicité et un coup marketing relayé par la quasi intégralité des journaux féminins…
Quelle rigolade lorsque l’on sait que, sur le prix de toutes les autres cartes bancaires, le taux de marge est situé entre 50 et 70%....et que cette opération est largement financée par les profits indignes générés par des produits bancaires aussi inutiles que générateurs de marges.
Mais surtout, un beau coup de pub à pas cher qui utilise les ressorts nauséabonds de la communication d’une époque où l’on « améliorait » la condition de la femme en lui offrant le « confort ménager ».
Car en effet, Il y a un vrai danger de régression rampante à travers ce type de business qui n'est rien d'autre qu'une variante de la publicité pour l'électro-ménager des années 50 : ces réclames où l'on présentait une ménagère "épanouie, coquette et moderne », parce qu'elle avait, enfin, à portée de main le dernier robot, l’aspirateur dernier cri et la machine à laver grand format. Cette soit disant "modernité" qui la clouait un peu plus dans sa cuisine...
Le «marketing genré» c’est la version moderne de ces réclames, c’est l’opium de la femme moderne que l'on veut consommatrice à souhait : on l’amuse et la flatte pour qu’elle ne nous emmerde pas trop…nous les hommes.
Des gadgets dont le seul objectif est de la conserver dans le formol de l’inégalité d’un autre âge et indigne d’une grande démocratie.
Car en 2015, ce sont en grande majorité des femmes qui meurent sous les coups de leurs compagnons,
Ce sont majoritairement des femmes que l’on prostitue et qui hantent nos trottoirs sous le joug de tortionnaires modernes.
Les femmes subissent plus souvent une grande précarité consécutive à un accident de la vie (divorce veuvage)
Elles sont plus que nous capables de sacrifices pour la carrière de leur compagnon.
Elles sont de nos jours encore «punies» professionnellement lorsqu’elles ont des enfants, ne retrouvant pas leur poste dans nombre de cas ou obligées de mettre leurs ambitions sous cloches car incompatibles avec leur condition de mère.
Alors, leur offrir une journée sur le calendrier et une carte pour qu’elles puissent faire leurs emplettes en crânant devant les copines, c’est bien mal considérer nos égales.
Même si cela part d’un bon sentiment.