Pour la thématique liée à des embarcations aux projets singuliers, au lieu de nommer celle-ci #Bateaux d’exception j’aurai pu mettre #oiseaux rares ou mieux,
#Rara Avis
(en latin). Mais qu’importe, puisque je l’ai trouvé cet oiseau. Je l’ai rencontré à travers le récit d’un marin naviguant sur la goélette Mahayana, un film documentaire et une coincidence, mais j’espère bien un jour pouvoir le voir voler de mes propres yeux, en sentant son battement d’ailes sur la mer.

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Été 2017 - Lunenburg, Nouvelle Écosse, Canada.
À travers les persiennes de la brume ayant envahie ce port aux embarcations historiques, un voilier s'amarre, discrètement, épuisé par les mers agitées et la visibilité réduite que procure parfois la région. Ce bateau se nomme Rara Avis. Son équipage ne semble pas fait de marins aguerris, non pas que cela soit un reproche, c’est simplement qu’au milieu d’un port d’une telle renommée, d’où naissent, passent et partent, depuis des siècles, des voiliers historiques, cela ne passe pas inaperçu. En effet, ce bateau fait partie de la flotte de l’association Bel espoir et ouvre son bord à qui veut, à commencer par les toxicomanes. Ce récit, me revient aux oreilles, à la suite d’une traversée réalisée par le jeune Schooner Mahayana, que j’ai suivi pendant sa traversée et rencontré dans les mers italiennes.

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Mai 2020 - Alpes, Italie - Confinement.
À travers la plateforme du festival de cinéma en ligne - Visions du Réel - le titre d’un film se détache de la sélection; Rara Avis. Le souvenir remonte alors à la surface. Je prends cette belle opportunité de visionner ce long-métrage réalisé par Mirjam Landolt. Ce film documente la vie à bord d’un voilier - un ketch, gréement marconi (un deux mâts, dont le grand mât est situé à l’avant) - naviguant sur les océans, avec à son bord un équipage composé de cinq adolescent(e)s et d’adultes d’âges et d’horizons différents.
L'intimité d'un espace recréé à travers un cadrage bien particulier, qui nous fait sentir les tensions d'un visage, la présence de la mer, la solitude, la complicité et l'émotion. Sans être intrusive, on sent la caméra présente, se laissant emporter. Des gestes du quotidien d'un marin et des questionnements de terriens, le poids du passé et la légèreté d'un bref instant. Les images sont belles, sans pour autant décrire une carte postale. Elles dévoilent les détails mais laissent une échappatoire à la pensée. C'est juste et profond.
“ Au large de côtes inconnues, le temps semble suspendu, et l’espace du bateau forme un huis clos où chacun est mis à l’épreuve du vivre-ensemble.
La caméra de Mirjam Landolt se focalise sur les moments de latence, les gestes et les silences, sur l’eau qui les entoure et conditionne leur (dés)équilibre, mais aussi – surtout – sur les tâches quotidiennes confiées aux adolescent.e.s
. Peu à peu, on comprend que la violence et la diffculté de leurs parcours et de leur passé sont la raison de leur présence à bord. Tour à tour, ils/elles se confrontent au plaisir d’être ensemble, à l’attente et l’ennui, à leurs peurs et leurs espoirs, mais aussi aux manœuvres de la navigation, à l’Océan et ses remous – jusqu’à l’arrivée à terre où une nouvelle réalité les attend. Rara Avis est un film à la cinématographie remarquable qui dresse le portrait de ces adolescent.e.s en pleine traversée et des adultes qui les entourent avec bienveillance”. - Camille Kaiser, Visions du Réel -

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Le film se nomme ainsi, mais c’est en faisant une recherche plus approfondie et surtout en entrant en contact avec la réalisatrice Mirjam Landolt, que je découvre une histoire plus complexe et différents acteurs. Le voilier du film n’est pas en réalité Rara Avis, mais se nomme
Fleur de Passion
.
Il fait partie de la flotte de l’association Pacifique - Ensemble sur les océans - (Suisse) et accueille à son bord un bel éventail de personnes, allant du capitaine à des jeunes en réinsertion, en passant par des scientifiques étudiant la pollution sonore et les micro-plastiques de la mer (Fondation Pacifique).
La réalisatrice est entrée en contact avec eux, à la suite d'une expérience vécue grâce à une autre organisation; l'association Bel espoir - A.J.D (Amis du Jeudi Dimanche), créée par le père Michel Jaouen (Aumônerie de la Jeunesse Délinquante, France), qui comporte une dizaine de bateaux dans sa flotte, dont Rara Avis et Bel espoir. C’est sur ce dernier, une goélette à trois mâts, que Mirjam a réalisé sa première navigation - la traversée de l’Atlantique en 2008 - bateau qu'elle avait rencontré par le biais du frère d'une amie, s'étant lui-même embarqué sur le Bel espoir. Au cours de cette traversée: "sentir et observer le vent dans les cheveux, sentir les distances, la mer...c’était pour moi la naissance de l’envie de faire du cinéma”. C'est également pendant cette expérience qu'elle prend connaissance de l’existence de Rara Avis, et choisi de donner ce titre au film comme un clin d’oeil à l’association A.J.D et aussi, me confie-t-elle: ''oiseau rare, comme image pour ces beaux jeunes sensibles et uniques”!

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Le tournage de ce film s'est déroulé durant l’été 2017, pendant un voyage de deux mois. À l'époque, alors que l’association Pacifique s’est embarquée pour un tour du monde de 4 ans, avec des roulements d'équipage allant en général de 2 à 4 mois, Mirjam apprend qu’ils recherchent des réalisateurs, afin de pouvoir faire bénévolement des images des expéditions, tout comme se sont embarqués, au fil des mois, des dessinateurs, des scientifiques… C’est ainsi que Mirjam se retrouve à bord de Fleur de passion, mais la réalisatrice va bien au delà de quelques images qui pourraient servir à la divulgation du projet, elle se lance indépendamment dans un projet personnel de long-métrage. Ses quelques mots décrivent parfaitement le projet:
“Pour moi, un voyage de la sorte est façonné par des milliers de questionnements et beaucoup de doutes, mais aussi par de grands moments de bonheur. Comme le déroulement de toute une vie, condensée en un seul voyage. En pleine mer, on se retrouve face à soi-même, tout en prenant une certaine distance avec sa propre vie. En même temps, on est très proche de quelque chose de plus universel, qui touche à l’essence même de l’humain et du vivant.
Un voyage comme celui-ci est un huit clos dans lequel on ne peut pas s’éviter. On est confronté à l’humain avec toutes ses facettes, les lumineuses comme les sombres.
Chaque personne amène à bord ses problèmes, qu’elle le veuille ou non. Chacun est donc accompagné par ses limites et ses beautés. Je propose une approche d'observation de très près. [...] Chacune des personnes a embarquée sur ce bateau pour une raison bien particulière, mais j’ai souhaité que le spectateur ignore en grande partie ces raisons. Ce qui m’importe, c’est la contemplation de l'être humain – quelle que soit son histoire”.

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Une expérience pour laquelle chacun d’entre nous devrait embarquer une fois dans sa vie, quelque soit son parcours. Ces associations font un travail considérable avec une simplicité déconcertante. Ce film est une première approche que je vous conseille de regarder, dès qu’il sera de nouveau disponible, dans un festival, un cinéma, sur une plateforme en ligne, ou sur tout autre support.
Dans le cadre de cet article, les références aux différents bateaux - Mahayana, Rara Avis, Bel espoir, Fleur de passion - feront l’objets de nouveaux articles, très prochainement.La réalisatrice : Mirjam Landolt
POUR APPROFONDIR:
La réalisatrice: Mirjam Landolt