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Billet de blog 24 février 2023

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Pourquoi les pères auteurs de violence conjugale peuvent aussi être de bons parents

Le texte critique le slogan "un homme violent n'est pas un bon père", soulignant que la violence conjugale ne signifie pas automatiquement que l'on ne peut pas être un bon parent. L'identité d'une personne ne peut être réduite à son comportement violent, et les auteurs de violence conjugale peuvent être de bons parents dans certaines situations.

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Déconstruire les préjugés :  Pourquoi les pères auteurs de violence conjugale peuvent aussi être de bons parents  

Dans le débat qui suit le vote du projet de loi « visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales » d’Isabelle Santiago (députée), le slogan « un Homme violent n’est pas un bon père » apparait dès l’article 1 en conséquence du principe selon lequel « lorsque le parent est condamné pour certains crimes et délits de violences intrafamiliales, l’autorité parentale n’a plus lieu d’être.  Ce slogan porté et repris dans un texte de loi pose à mon sens plus de difficulté qu’il n’apporte de solution aux difficultés potentielles des enfants ayant vécu dans un contexte de violence familiale.

 Il m’apparait essentiel de repréciser dans un premier temps l’importance de protéger les individus du comportement violent d’autrui. La violence, qu’elle soit passagère ou répétée, nécessite souvent une réorganisation psychique pour éviter le traumatisme. Elle peut, de plus, laisser malgré tout des traces traumatiques plus ou moins importantes chez les individus. Dès lors, on ne peut ignorer la dangerosité de l’exposition à la violence tant psychiquement que physiquement. En conséquence, il existe un devoir de protection des enfants et des femmes exposées à cette situation. 

Permettre à la femme, à l’enfant, de ne plus se trouver en situation de vivre cette violence est donc de grande importance. La loi présentée en ce sens est sans doute une avancé dans ce principe de protection.

En revanche, le présupposé selon lequel « un homme violent n’est pas un bon père » pose des difficultés de plusieurs ordres et il est utile de procéder à une analyse de ce qu’elle renferme, en analysant les blocs qui l’a compose.

« Un homme violent »:

En Programmation Neuro Linguistique, comme dans un champ de plus en plus important de la psychologie moderne, nous savons que le comportement et l’identité doivent être perçu comme étant d’ordre logique différent.

Souvent, les auteurs d’actes condamnables ne s’identifient pas eux-mêmes ces actes. Un jeune explique qu’alors même qu’il commettait un vol avec violence, il avait conscience que son comportement était en contradiction d’avec ses valeurs, son système moral. Il ajoute que c’était dur, pendant et après l’agression d’assumer cette contradiction. On retrouve d’ailleurs ce même mécanisme chez certains auteurs de violence familiales qui regrettent (parfois même sincèrement) et peuvent se sentir « mal » après leur passage à l’acte. L’un des mécanismes de défense courant est alors le rejet de la responsabilité sur autrui.

Il ne s’agit ni de plaindre le pauvre auteur, ni de le dédouaner mais de prendre un considération le point suivant : si une partie de l’auteur de violence est engagé dans l’agression qu’il met en œuvre, une autre partie sait que cela est mal et se sent coupable, tandis qu’une autre partie encore peut éprouver une vraie tendresse et une vraie compassion. La Gestalt thérapie, comme la PNL et de nombreuse autres thérapies, connait et conceptualise cette notion de « partie » dont nous sommes composés qui témoigne de nos ambiguïtés, de nos volontés d’agir d’une certaine façon mais en même temps d’agir d’une autre, qui n’est pas toujours compatible avec la première. Ces parties ne doivent en ce sens pas être comprises comme une dissociation pathologique mais comme le mode de fonctionnement normal de l’individu, nous sommes faits de désirs ambigus, complexes et parfois contradictoires. 

Nous agissons en donnant ou en laissant le pouvoir exécutif à certaines de nos parties. Chez les individus violents, certaines de ces parties sont « responsables » d’un comportement violent. L’individu est et reste pleinement responsable de son acte mais ne peut être défini par lui. Ce qui définit et détermine un individu est ce que nous nommons « identité ». L’identité est en définitive la résultante de nos valeurs, de nos comportements, de nos compétences, de notre histoire et du regard que nous portons sur cet ensemble, de l’opinion que nous avons construite à partir de notre propre regard et du regard des autres.

Dès lors, parler d’un homme violent est un non-sens. Comme nous avons appris à ne plus attribuer le handicap à la personne, il faut dans un mécanisme similaire cessé de définir un homme par son comportement. Il existe des personnes en situation de handicap, et non des handicapés ; Il n’existe pas de femme victime, il existe de femme qui ont été victimes de violences ; il existe des personnes ayant ou ayant eu un comportement délinquant, et non des délinquants, il existe des hommes ayant ou ayant eu un comportement violent et non des hommes violent.

Cette distinction est de première importance, ce n’est pas un ergotage sémantique. Définir une personne à travers un comportement ou une caractéristique revient à réduire le champ même de l’existence cette personne. Un homme qui est violent, l’est dans un ou plusieurs contextes, mais peut ne pas l’être dans un certain nombre d’autres. Il existe des hommes dont le comportement violent s’étend dans de nombreux champs. Ils peuvent faire preuve de ce comportement dans le domaine familial avec tous les membres ou seulement certains, dans le domaine amical ou professionnel, ou seulement dans l’un de ces champs. Ils peuvent être violents dans un nombre très limité de situations ou dans un nombre de situation très variées. Ils peuvent avoir de degrés de violence différents dans leur comportement. Il existe en revanche assez peu d’hommes qui soient violent tout le temps, en toutes situation.

On le voit, le terme « Homme violent » recouvre des réalités différentes, réduire le champ de l’identité à un comportement, nie à la fois la possibilité d’être autre chose et la liberté de changer: Vous êtes un homme violent (pour toujours et à jamais). Toutes ces réalités différentes sont condamnables. Encore une fois, il ne s’agit aucunement de légitimer la violence qui est nocive et inacceptable.

Rappelons une autre distinction importante : vivre une violence et être témoin d’une violence ne sont pas deux choses égales. Bien évidemment, lorsqu’une personne est témoin d’une violence exercée sur un proche la violence ricoche et touche, blesse. Elle peut laisser apparaître, de la colère des peurs et des craintes chez l’enfant témoins de violence entre ses parents. Banaliser, ignorer, ne pas entendre le vécu serait une faute en terme d’accompagnement. Ceci doit être entendu, mais pas confondu. Amalgamer les souffrances ne revient pas à les entendre. Un enfant témoin de violence vit une expérience différente de celui qui a subi cette violence. Chaque problème est mieux traité lorsqu’il est justement nommé.

La notion de « bon père » demanderait elle aussi un traitement et une discussion approfondie, tant nous avons tous dans nos représentations une définition de ce qu’est un bon père. Certains affirmeraient que le bon père est celui qui joue le rôle de tiers séparateur dans la relation de fusion qui caractériserait à l’origine la relation du nourrisson à la mère (vision que je ne partage pas), d’autres que le bon père est celui qui accompagne l’enfant dans son développement, etc.. Les comportements de « bon père » sont ainsi liés à la définition que nous choisissons, qui est subjective, tout comme sont subjectifs les actes que nous associons à une bonne paternité.

Ce qui m’intéresse en tant que spécialiste de la PNL est la qualité de la relation entre l’enfant et son père ; Y a-t-il du plaisir et de la joie dans cette relation ? L’abime t’elle ou l’accompagne t-elle dans son développement ?

S’il est évident qu’un enfant doit être protégé des relations « toxiques » d’un parent, il est essentiel de poser dans la balance le besoin d’un enfant de le connaitre. Etre coupé de l’un de ses parents est être coupé d’une filiation L’enfant a besoin de protection, de connexion, de reconnaissance. Ne pas voir l’un de ses parents reste une coupure violente d’avec une personne importante émotionnellement. Ne plus se voir, ne plus se parler, être sans mot et sans contact est souvent ressenti comme une forme d’abandon de la part de l’enfant et de manque et ce quel que soit la qualité du parent manquant. Il peut être inévitable d’imposer cette coupure à des fins de protection de l’enfant. En revanche, on ne peut ignorer le prix de cette coupure.

Si le parent est et reste violent à son encontre, l’enfant perd plus qu’il ne gagne dans cette relation (et il est alors essentiel de l’en protéger). Mais tous les pères (et plus largement tous les parents) qui ont fait preuve de violence sur un conjoint ne sont pas limités à ce comportement. Ils peuvent l’avoir été contre la mère et pas contre l’enfant et avoir construit des relations fortes, structurantes.  D’autre part, , ils peuvent ne plus présenter de comportement violent dans le cadre de leur relation présente à cet enfant.

Priver l’enfant de relation avec un père qui a été l’auteur de violence contre la mère, est une forme de double condamnation de l’enfant : peine d’avoir assisté à cette violence et peine d’être coupé d’une figure parentale. Parfois cette double peine se justifie au nom du danger réel et concret et intense que représente ce parent. Pour autant, cette séparation a, même dans ce cas précis, un cout psychique plus ou moins élevé.  Si le parent ne représente plus un danger concret et réel, le cout psychique de la séparation est disproportionné et nuit directement à l’épanouissement de l’enfant.

Dès lors, il est essentiel de considérer qu’un homme violent n’est ni un bon père, ni un mauvais père. Il est un père et donc une figure de la vie de l’enfant. Avant de couper l’enfant de cette figure, il est essentiel de bien prendre en compte les besoins de l’enfant : besoin de sécurité et besoin d’affection, besoin de protection et besoin de lien, besoin de permanence dans ses attachements. Chez chaque enfant l’équilibre entre ces besoins est différent. Il ne faut pas systématiser ou juger les capacités parentales d’un homme auteur de violence conjugale ; il est de notre devoir, au contraire, de mettre en avant l’intérêt de l’enfant, d’accepter un monde de nuances, de différentes teintes de gris. Il faut accepter qu’un homme puisse avoir été mauvais dans un environnement et une temporalité donné et être positif dans un autre environnement et dans une autre temporalité. Il ne s’agit en aucun cas de défendre le droit d’un parent d’être en contact avec son enfant, chose qui ne m’intéresse en aucun cas, mais de défendre le droit de l’enfant à bénéficier de l’affection et de la présence de ses deux parents, si c’est bon pour lui.

Notons enfin toute la difficulté d’évaluer si la présence est positive pour l’enfant ou néfaste. Si un enfant montre des signes de mal être du fait du comportement inadapté d’un parent, je peux faire le pari qu’il ira mieux en étant séparé, mais je ne peux en être sûr. Autre hypothèse, je peux faire la pari qu’il ira mieux avec une relation médiatisée, de cela non plus je ne peux être certain. Entendre l’enfant exige de notre part d’accepter de nous décaler de nos représentations préalables concernant ce qui est bon pour lui. Cela demande de comprendre comment il fonctionne dans son propre cadre de référence, et de discuter avec lui pour entendre ses besoins propres, individuels, spécifiques. Stigmatiser les pères peut être médiatiquement valorisant ; mais cela ne profite pas réellement aux enfants. En revanche, l’élément essentiel est de placer l’intérêt de l’enfant en première priorité, de s’interroger sur leur besoin et leur vécu, bref se décentrer de notre expériences d’adulte et de nos présupposés pour remettre l’enfant au centre de nos préoccupations.

 
Sébastien CHINSKY
Maitre praticien en Programation Neuro Linguistique
Praticien en Sophrologie 
 

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