Keedz

Abonné·e de Mediapart

2 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 avril 2023

Keedz

Abonné·e de Mediapart

Le mariage pour tous : 10 ans de douleur et d’amnésie

Il y a 10 ans maintenant que le mariage pour tous existe. 10 années d’amnésie sur la violence qu’a provoqué les débats entourant la loi. Aujourd’hui je ne vais pas vous faire la chronique d’une célébration, je n’ai pas envie de me réjouir de cet anniversaire, surtout quand j’entends des politiques de premier ordre qui se sont opposés violemment envers cette loi venir geindre leurs erreurs passées.

Keedz

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a 10 ans maintenant que le mariage pour tous existe. 10 ans que deux personnes du même sexe qui s’aiment peuvent se marier et 10 années d’amnésie sur la violence qu’a provoqué les débats entourant la loi, des violences aux répercussions parfois dramatique, des violences qui malgré les 10 années passées reste comme une plaie sur laquelle les propos des uns et des autres viennent rajouter du sel pour que jamais la souffrance ne disparaisse. 

Aujourd’hui, je ne vais pas vous faire la chronique d’une célébration, je n’ai pas envie de me réjouir de cet anniversaire surtout quand j’entends des politiques de premier ordre qui se sont opposés violemment envers cette loi, venir aujourd’hui geindre leurs regrets de leurs erreurs passées.

Je n’ai pour eux ni oubli ni pardon, comme je n’ai ni admiration pour Hollande qui s’enorgueillit d’être celui par qui la loi a existé. Les louanges qu'il s’envoie à lui-même ne sont que la continuation du déni dans lequel il se vautre dès qu’il s’agit de faire le bilan de sa présidence. 

Il y a 10 ans, j’avais 22 ans, je me souviens des manif auquel je participais pour soutenir cette loi, je me souviens de toutes ces personnes croisées dans lesquels ont lisaient l’espoir, l’espoir d’enfin obtenir une égalité de droit. Je me souviens de la naïveté qui nous habitait pensant que cette loi ne serait qu’une formalité. Une naïveté qui s’est peu à peu effacée pour laisser place à une colère. 

Les premiers à avoir vu le déchaînement de haine et de violences qui allait s’abattre sur la communauté lgbt sont ceux qui durant toutes leurs vies l’avaient subit, ceux qui ont traversé la dépénalisation de l’homosexualité, ceux qui ont vécu l’hécatombe du sida et la stigmatisation, ceux qui ont vu les débats pour le pacs.

Cette génération savait que la loi pour le mariage pour tous allait entraîner une nouvelle vague de haine envers nous personnes lgbt. Leurs témoignages, les discussions que j’ai pu avoir avec eux, moi jeune homo ont été les premiers prémices de ce qui allait s’abattre sur toute une génération qui avait échappé jusqu’alors à cette homophobie rance à visage découvert à l’échelle nationale.

Encore aujourd’hui, j’ai dû mal à me rendre compte comment un pays dit laïc, de surcroît gouverner par un gouvernement dit de gauche ait pu laisser défiler toutes cette haine dans les rues, composées de bigot et d’homophobes ? comment-est il possible qu’on ait autorisé des personnes à cracher leurs homophobie en toute légalité ? Je ne l’explique toujours pas, seul me reste la douleur de voir des personnes par milliers défiler contre ce que j’étais, des personnes qui battaient le pavé non pas pour obtenir de nouveaux droits mais qui se battaient pour que d’autres n’en obtiennent pas. Pour eux, nous devions rester des sous-citoyens, des citoyens qui devaient rester cachés, noyés dans leurs hontes . 

Je n’ai jamais autant reçu d’insultes homophobes, de crachats que durant cette période. Évidemment comme de nombreux lgbt j’avais connus tôt les insultes homophobes bien avant d’ailleurs mon premier baiser. Mais l’ampleur de la Manif pour tous et leurs manifestations ont libéré une parole homophobe décomplexée, les chaînes d’info en continu diffusant ces cortèges de haine donnaient aux téléspectateurs une autorisation à lyncher du pd. Toute cette médiatisation gargarisait les homophobes derrière leurs écrans à cracher leurs haine en public. En autorisant ces défilés le gouvernement légitimait les paroles, les insultes, les agressions homophobes. 

Voilà pourquoi aujourd’hui ce n’est pas une célébration et encore moins un jour heureux, cette journée est le symbole que peu importe les droits qu’on nous octroie, cela se fera toujours accompagné de haine. Rien de nous sera donné, il nous faudra l’arracher dans la douleur et se battre encore plus ardemment pour les garder car rien n’est plus friable que les droits accordés aux minorités.

Les coups, les bleus ont disparus mais la douleur persiste.

Il y a 10 ans, il n’y a eu ni gagnant ni vainqueur.

Il y a 10 an, l’État a laissé déferler l’homophobie.

Il y a 10 ans, j’ai compris, nous ne serons jamais protégés.

Il y a 10 ans, j’ai compris que pd n’était pas seulement une insulte mais une identité qui nous lie les uns aux autres par cette même douleur tenace.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.