« Et v’là encore une grève ! Et des manif ! Quand on est en dans la m…, on bosse … on prend pas des vacances…ils nous font ch… Nous, on n’a rien… pas d’boulot… pas d’paye… le RMI, c’est tout … et on s’plaint pas…alors…».Tels sont les propos qui, en tout début de matinée, ornaient les conversations du comptoir du « Bar-PMU-Presse » où, quotidiennement avant ma journée de travail, je prends mon café. Mais aujourd’hui, bien que certainement moins dans la m… qu’eux, j’ai un boulot, j’ai une paye, je prends des vacances, je vais manifester, désolé si cela les fait ch… ! J’avoue avoir été surpris du surgissement de cette journée de revendication que les médias avaient omis de mentionner dans leurs journaux les jours précédents. Ils n’avaient pourtant pas été avares de reportages, de témoignages,… lors de la précédente, celle du mardi 11 octobre 2011. Il est vrai qu’aujourd’hui, les écoles privées catholiques n’ont rien de nouveau à vendre. Juste une parenthèse pendant que lentement je mélange mon café. Ces écoles privées catholiques ne sont-elles pas, depuis le mois de juin 2011, toutes décorées de bannières dénonçant les mesures gouvernementales les privant d’enseignants ? Imaginons ces mêmes bannières apposées sur des écoles publiques. Qui ne crierait à une manipulation politique des enfants et des parents, à une mainmise des « gauchistes » sur notre système d’éducation ? Et aussi à une utilisation partisane d’un domaine public, à un dévoiement du concept de laïcité ? Mais, il est vrai, ces deux reproches ne peuvent s’adresser aux écoles privées catholiques. Vous connaissez comme moi l’inventivité de ces « amis défenseurs ( ?) de l’école de la République » pour imaginer d’autres objurgations. Sans compter les mesures de rétorsion à l’égard des chefs d’établissement qui auraient ainsi failli à leur devoir de neutralité. Les écoles privées ne seraient pas donc neutres ? Il leur est alors pardonné de manipuler les enfants et les parents.Dégustant par petite lampée mon expresso, ces propos de comptoirs m’interrogent. Est-il besoin d’avoir un travail pour montrer son mécontentement par une manifestation de rue ? Le bon sens ne voudrait-il pas que tous ceux qui n’en ont pas devraient se retrouver autant pour défendre leur dignité d’homme que par solidarité avec ceux qui ont perdu une journée de salaire et avec ceux qui n’ont plus les moyens de perdre cette journée de salaire ?S’ils peuvent, pour certains, illustrer la déliquescence des valeurs qui font la citoyenneté, peut-on leur en faire reproche ? Ces êtres ne sont-ils pas des victimes d’un système qui broie tous ceux considérés comme « improductifs », « non rentables ». Un système qui sait parfaitement qu’il suffit de quelques jours ou quelques semaines de « chômage forcé » pour casser une conscience, annihiler en lui tout sentiment de révolte. Ils sont considérés et se considèrent comme des « assistés », « à la charge de ceux qui travaillent », de ceux « qui se lèvent tôt le matin »,…. Les âmes charitables, celles qui gouvernent, les désignent insidieusement comme étant la honte de la société, ces parias ne peuvent qu’avoir honte d’eux-mêmes.Ils sont le négatif que les tenants du libéralisme agitent pour anéantir toute velléité revendicative chez ceux qui ont « la chance » d’avoir un travail, toujours présenté comme « provisoire » dans un monde économique en pleine mutation libéralement désorganisée.La seule possibilité pour les travailleurs pour marquer leur insatisfaction est donc ce jour de grève qu’il utilise avec parcimonie. Les partisans du libéralisme savent qu’un travailleur ne peut faire grève plus de 10 jours par an. N’étant pas payé, chaque jour de grève diminue d’autant le montant du salaire mensuel. Et les paiements des remboursements emprunts, des loyers, des factures EDF-GDF-EAU-TELEPHONE, des impôts, des assurances,… (environ 60% d’un revenu) seront, sous peine de sanctions, assurés au détriment souvent de la nourriture et d’autres petits bonheurs qui font oublier les conditions de travail et de vie quotidiennes. Force est de constater que ces journées « pécuniairement » perdues depuis quelques décennies ont surtout joué le rôle d’une « soupape de sécurité » actionnée par les divers syndicats afin que les pouvoirs politiques et patronaux ne soient pas mis en difficultés. Quand un mouvement est lancé, dirigeants syndicaux, patrons et responsables politiques ont conscience de ses limites temporelles. Il suffira de surévaluer les quelques miettes obtenues, les présenter comme des « avancées significatives » pour convaincre qu’elles sont le résultat de la forte mobilisation de la base. Il existe pourtant un système qui octroierait aux divers syndicats une volonté de défendre honnêtement les intérêts des travailleurs : la création d’une «Caisse de Solidarité » ouverte à tous les travailleurs du public et du privé qui permettrait de surseoir en partie aux pertes de salaires lors des mouvements sociaux supérieurs à 5 jours. Verser 1% du salaire mensuel sur 10 mois de chaque année permettrait la constitution d’un pactole utilisable pour indemniser à hauteur de 75% du salaire net journalier toute journée de grève :M : Salaire net mensuelC = Cotisation annuelle C= (10% x M) x 10 = 10%M équivalant à 3 jours de salaires nets soit 4 jours indemnisés à 75%. è chaque année de versements permet l’indemnisation de 4 jours de grève. è chaque année sans mouvement social augmenterait d’autant les capacités de grève soit 8 jours (2 semaines) pour 2 ans, 12 jours (3 semaines) pour 3 ans et 16 jours (4 semaines) pour 4 ans sans mouvement. Les intérêts générés par ces sommes serviraient à payer en partie le service comptable. La conséquence connexe de la création de cette caisse se résume en un seul mot : responsabilisation - des organisations syndicales face aux travailleurs et dans leurs relations inter-syndicales, - des travailleurs qui pourront « gérer » leurs revendications c’est-à-dire œuvrer dans une osmose entre leurs intérêts et celui de l’entreprise. - des organismes patronaux qui devront travailler de conserves avec tous les interlocuteurs pour éviter les conflits durables, - des politiques qui devront mettre en œuvre de véritables concertations, - ... En fin de carrière, chaque travailleur aurait la possibilité soit de récupérer le reliquat des sommes non-versées (hors intérêts et frais de gestion éventuels) soit d’en faire don à la Caisse de Solidarité ou à une œuvre caritative de son choix. En cas de décès, ces mêmes reliquats seraient versés à ses ayants droits. Naturellement, chaque Caisse de Solidarité se devra d’ouvrir son compte bancaire dans une « banque coopérative ». La gestion et la surveillance de chaque Caisse de Solidarité seraient effectuées au niveau local (bassin de pays ou circonscription ou... secteur géographique à définir en fonction de la concentration d’entreprise publiques et privées) par des membres bénévoles désignés par chaque centrale syndicale et par des membres bénévoles élus des Comités d’entreprises. Utopie, certes !Mais les chantres du changement, du renouveau, d’un monde meilleur pour le « Tiers Etat », ne doivent-ils pas se donner les moyens de réussir. Quelle entreprise, quel gouvernement pourraient résister à une grève de 2 ou 3 semaines ? Cette « Caisse de Solidarité » serait le seul moyen donné aux salariés de se battre sur le même terrain que celui des patrons et des actionnaires: celui de l’argent !Ces nouvelles responsabilités devraient aussi reposer sur un socle : celui d’une Ecole de la République formant des Citoyens responsables, conscients de leur responsabilité. Qu’ils soient employés ou patrons : ils travaillent tous pour des entreprises qui participent toutes à la cohésion sociale et économique de la Nation.Mais là, aussi, c’est encore une autre utopie.J’en parlerai peut-être au comptoir demain matin.
Billet de blog 11 octobre 2011
Encore une grève... fait ch...!!!
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