Un ministre totalement décomplexé
Le ministre de la Défense, Jean Yves le Drian, s’émeut à juste titre de la réduction des dépenses qui risque de lui être imposée et des coupes franches qu’il risque de devoir faire dans les programmes si d’aventure il n’arrive pas à faire fléchir Manuel Valls d’abord et Bercy dans la foulée…. Le Président, manifestement, il s’en charge. Et il ne manque pas d’arguments : ceux des autres et les siens propres. Premier avertissement la mise en garde accompagnée d’une menace de démission éventuelle des Chefs d’Etat Major des trois armes, du jamais vu, de l’impensable, ensuite celle que fait planer le ministre lui même. Et une menace de démission de Jean Yves le Drian est un élément crédible à mettre dans les plateaux de la balance : il garde, chevillée au corps, l’envie de retourner à la présidence de sa région bretonne (si tant est qu’il l’eut jamais quittée, Pierrick Massiot fait toujours figure d’intérimaire) surtout à l’heure où le « remembrement régional » se dessine à grand traits avec un accroissement territorial actuellement à géométrie variable selon les jours et les rumeurs et surtout un accroissement plus que certain des compétences.
Equipement et entrainement piétinent mais pas la demande d’intervention
Alors peut lui chaut de taper du poing sur la table : «les «efforts seront difficiles à réaliser, dans un contexte social proche de l'exaspération». Trois cent cinquante millions en moins cette année soit sept cent vingt millions cumulés avec ce qui avait été sabré à la fin de l’an dernier. Tout cela sur les crédits d’équipement, mais comme cela ne suffit pas le Ministre s’inquiète du maintien de ses crédits des fonctionnement comme de masse salariale : incompressibles.
L’armement est en panne, les industries qui vont avec également. La répercussion sur l’emploi se fait bien entendu sentir : les commandes significatives ont été reportées aux calendes grecques, au minimum en 2016. Mais le pire n’est pas là. La capacité opérationnelle de nos forces risque d’en subir les conséquences, si elle ne les subit pas déjà : moins de temps passé à l’entrainement, heures de vol en baisse constante, munitions distillées au compte gouttes. Si l’on prend pour exemple la Marine Nationale le nombre de jours de mer pour un navire est passé aux alentours de 78 à 80 jours par an, ce qui est notoirement insuffisant quant une moyenne de plus de cent jours (idéalement 110) est le minimum minimorum. Comment donc dans ces conditions répondre aux responsabilités croissantes auxquelles les armées doivent faire face.
La demande du politique en matière d’intervention, quant à elle, ne subit pas une quelconque, restriction, de même que nos partenaires européens ne prennent toujours que fort peu en considération les efforts que nous consentons au nom de tous. L’Europe de la défense reste à faire, quand pour notre part nous connaissons surtout dans ce domaine l’Europe de la dépense.
Où aller chercher les économies : la dissuasion en question
Comment dans un tel contexte faire des économies ? La sanctuarisation du budget est une chose, mais c’est la réduction au strict minimum, c’est d’ailleurs la signification première d’une loi de programmation : sabrer. Mais là nous en sommes apparemment rendus à la violation du sanctuaire. Reste donc à savoir quel responsable on pourra excommunier. On peut également se poser des questions sur la réflexion stratégique qui est la nôtre depuis plus d’un demi siècle. Refuser aujourd’hui le débat sur le nucléaire militaire n’est pas faire preuve de sérieux. Le contexte international évolue, nous n’en sommes plus à l’équilibre de la terreur même si certains impérialismes se restructurent, même si des conflits larvés éclatent à proximité.
L’option soulevée par notre ancien ministre de la défense Paul Quilès (http://www.arretezlabombe.fr/2014/05/avant-la-conference-dexamen-de-2015-du-tnp/) relayé par cinquante personnalités européennes d’origines diverses : politiques, militaires, diplomates, vise à préparer la conférence d’examen 2015 du TNP (traité de no prolifération). Cela conduit Paul Quilès à considérer comme obsolète l’option française de défense stratégique. Dans ces conditions il est vrai que ce serait la FOST (force Océanique Stratégique) qui pourrait faire office de « variable d’ajustement ». Mais l’option reste très dangereuse politiquement, ce serait pour certain l’abandon pur et simple de notre souveraineté nationale (faut-il croire que les Etats ne possédant pas d’armement nucléaire ne soient pas souverains, ou bien qu’il y ait des souverainetés à géométrie variable ?). La force dite de dissuasion dissuade-t-elle encore, là est la question. Ce qui est certain c’est que si d’aventure on venait à se séparer de nos forces nucléaires ce serait un drame que les syndicats de l’armement nous reprocheraient ad vitam aeternam, et cela couronnerait une fois de plus François Hollande comme le Président de tous les renoncements, le voudrait-il vraiment ?
Un parapluie nucléaire européen à financement solidaire ?
Nous pourrions toutefois éviter ce sacrifice car, seule réelle puissance nucléaire à l’échelon européen, ce serait à ce niveau que l’on devrait pousser à rechercher un financement commun, une sorte de solidarité financière à défaut d’une véritable Europe de la Défense. Il est quand même curieux que ce que nous consentons comme efforts financiers pour finalement assurer la tranquillité de tous, ne soit aucunement reconnu dans les fameux critères budgétaires communautaires. Mais c’est là un autre débat, un débat que seul un acteur volontaire s’affichant en véritable leader, suffisamment habile pour montrer force et puissance, pourrait mener avec nos partenaires. On peut effectivement douter que ce soit réellement le cas actuellement.
Le dossier reste à suivre, on en saura plus dans les jours à venir. Il est certain que Jean Yves le Drian ne lâchera pas le morceau comme cela. Il est pugnace, il a l’oreille de François Hollande, également de solides liens avec Bernard Poignant sans oublier cette conjonction géographique ( et microcosmique) bretonne qui le rend également proche de Jean Jacques Urvoas, le bras armé de Manuel Valls à l’Assemblée, surtout que l’on sait que la Bretagne est a une perception épidermique du sujet avec notamment ses bases navales historiques de Brest et Lorient, sans oublier la base des SNLE (sous marins nucléaires lanceurs d’engins) de l’Ile Longue… D’ici là à ce que des bretons en viennent à coiffer des bonnets bleus il n’y a pas loin.
Roland Greuzat