Manuel Valls nous l’assure 2015 c’est l’année de la reconquête… Alors on reconquiert parce que pendant trois ans on aurait « déconquis » ? L’aveu est cruel… Sur le plan social c’est un fait, c’est une belle reculade: oubliés les engagements, oublié le rejet du précédent régime. On a laissé la porte ouverte, du coup pour l’électorat de gauche et socialiste en particulier cela fut rapidement la débandade. Comment alors conserver et regagner des électeurs de gauche égarés, retrouver un vote ouvrier qui, quoiqu’on dise, reste et restera un vote de gauche. Ce vote qui sera toujours un cri de révolte contre une injustice sociale,
Plaintes et gémissements : les deux mamelles de la société française
Il est certain que l’abandon social, une société qui se recroqueville égoïstement sur elle même en voyant disparaître peu à peu ce qui constituait des éléments de son bien être, comptent parmi les éléments de ce qui constitue notre paysage actuel. Solidaires mais pas trop, juste pour ne pas se sentir coupables. Qu’on le veuille ou non notre société manque cruellement de dynamisme, si ce n’est pour se plaindre. D’éminents experts nous parleront d’une société en manque de repères, certes mais ce n’est pas tout : trop peu nombreux ceux qui cherchent l’amer salvateur. Ces plaintes et gémissements ne sont pas hiérarchisés, sauf dans les listes que les sondeurs proposent à leurs échantillons représentatifs, bien obligés de faire un choix pour faire plaisir à l’enquêteur. Bien entendu il y a le chômage, première préoccupation car elle l’a toujours été mais après, c’est en vrac, les impôts, les prix, la queue à la poste, la qualité de l’air etc… jusqu’à la qualité de l’air du voisin qui ne revient pas !
Dans ce paysage de désolation dressé, avouons-le, avec une certaine complaisance on essaye tant bien que mal de déterminer les comportements face au politique. La classique tendance des « tous pourris » fait de plus en plus de ravages, les abus de bien sociaux, le train de vie des élus (pris dans leur ensemble, sans la moindre volonté de discrimination) tout cela entraine une réaction, soit s’enfoncer dans une abstention durable, soit se reconnaître dans une démarche de type populiste. On sait bien entendu quels en sont les représentants : le Front National et éventuellement certains espaces qui se sont libérés à la gauche de la gauche.
Ce qui est intéressant c’est de constater que ce glissement vers les extrêmes étant désormais non transgressif il n’y a plus d’hésitation à s’affirmer non pas FN mais zélateur de Marine Le Pen.
Le Parti Socialiste a perdu ses électeurs de gauche, il ne lui reste donc plus rien ou si peu ! On a raillé par certains côtés la victoire de Syriza en Grèce en disant que c’était la victoire du populisme. On peut s’inscrire en faux, car il serait difficile de qualifier de populiste un vote qui a rassemblé les électeurs de gauche, toutes tendances confondues et surtout tout un ensemble de personnes qui s’était éloigné petit à petit des urnes pour soudainement croire à nouveau en l’exercice démocratique.
C’est ce rassemblement raisonné qui a fonctionné en Grèce, raisonnement basé sur l’urgence d’une réaction face à l’inacceptable, raisonnement basé sur un consensus quant aux mesures à prendre et aux politiques à oublier, les irréductibles ont manqué : les derniers fidèles du Pasok et de la droite libérale classique… et … ceux qui sont allés se perdre avec Aube Dorée.
Un exercice d’exorcisme collectif
Alors se baser sur ce que d’aucuns ont appelé le « sursaut républicain » du 11 Janvier pourrait être une bonne idée. Mais en fait si l’on y regarde de plus près il s’agirait bien plus de ce que l’on a coutume d’appeler « la fausse bonne idée ». Si on regarde de plus près ce qui s’est passé ce jour là, mis à part un noyau de personnes éminemment sincères qui ont levé haut l’étendard de la Nation (souvent d’ailleurs plus au simple motif de la laïcité), le mouvement avait bien plus l’air d’un exercice d’exorcisme collectif. Il fallait que ce peuple conjure ses peurs, ses craintes et ses manquements. C'était avant tout la prise de conscience d'une faute collective qu'il fallait conjurer d'urgence sous peine de se sentir plus mal encore.
Les derniers développements avec ces actions visant la communauté musulmane, cette croisade contre l’islamisation menée par des mouvements inspirés par le Pegida allemand et que l’on retrouve ici en une déclinaison non seulement nationale mais également avec des extensions régionales, sont inquiétantes car toutes ces personnes se sont pour la plupart fondues dans ce grand mouvement du 11 Janvier. Dans ces déclinaisons régionales on retrouve pêlemêle des identitaires à l’ancienne (c’est tout dire du background pétaino-revanchard qui les anime) et régionalistes bon teint parfois même coiffés de bonnets rouges. L’amalgame se fait naturellement avec tous ceux qui sont tentés par l’aventure d’un front National dé diabolisé dont l’adhésion aux idées et proposition a perdu de son caractère transgressif (qui jusqu’alors faisait naturellement barrage).
Plus que jamais donc, ce grand moment d’exaltation collective passé, notre société court un grave danger à moins que le choc de l’élection grecque ne montre une voie vers laquelle nos dirigeants politiques devraient avoir le bon goût de s’engager. Pour cela il en va de la survie du Parti Socialiste qui pourrait, s’il ne réagit pas, suivre la pente descendante du Pasok. Sursaut National, non pas vraiment, mais sursaut obligatoire de la gauche, il y a là l’occasion de rassembler, de retrouver l’électorat naturel perdu, de remotiver ses abstentionnistes pour peu que l’on ait le courage de marcher sur les traces de la Grèce, contester les politiques d’austérité, ne pas se laisser aller au libéralisme macronien, enfin pratiquer une véritable politique de gauche et de relance en abandonnant la calamiteuse politique de l’offre qui nous plombe depuis des années maintenant.
En conclusion il ne faut pas se tromper sur ce qui s’est passé dernièrement, du 11 Janvier à l’élection grecque: la signification en est bien différente que celle que l’on veut lui donner. Il faut dissocier le phénomène d’exorcisme post Charlie. Bien au delà l’élection de Syriza nous appelle au rassemblement des gauches et au delà (en laissant de côté toutes tentatives de récupération indivituelle): elle nous donne les clés de la reconquête, bien plus qu’une loi Macron ne pourra jamais le faire. Manuel Valls et surtout François Hollande devraient s’en inspirer, en France comme face à nos partenaires européens.