Les états généraux du parti socialiste se sont clôturés samedi 6 décembre derrière le parc de la Villette avec le vote de « la charte éthique », dans une rare indifférence militante. Et ce malgré les efforts du premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis pour en faire le grand rassemblement socialiste avant le congrès de juin.
« Quarante-cinq minutes que cela devrait avoir commencé et toujours rien... » souligne d'un air entendu Henri Redier, secrétaire de section dans l'Ain et délégué appelé à voter l'adoption de la charte. Effectivement, les rangs et les gradins peinent à se remplir et la clôture des états généraux du PS ennuie avant même que la cérémonie ne commence. La suite ne démentira pas cet état de fait : rangs parsemés, applaudissements mollassons, militants endormis ou sur leurs téléphones ; ils sont peu à suivre attentivement les discours, à défauts de débats. Les tables rondes se succèdent dans une relative indifférence ponctuée par quelques brefs applaudissements : la grand messe socialiste n'est pas pour aujourd'hui. La faute à un parti qui « n'a jamais su trancher entre sa composante anarcho-marxiste et ceux qui penchent plutôt pour un fonctionnement social-démocrate » analyse Henri Redier, passionné par l'histoire de la gauche. Et ce n'est pas la charte, censée « redéfinir la carte d'identité socialiste », et sur laquelle ont planché les militants durant trois mois en envoyant 5 600 contributions, qui mettra fin à cette division intrinsèque au parti socialiste.
« La synthèse a peut-être été trop faite... » lâche un peu gênée Bérangère Givanovitch, secrétaire national au MJS, lorsqu'il est question du reste des contributions des Jeunes socialistes dans la version définitive. En voulant contenter tout le monde, la charte ne dit plus grand chose. Ainsi, les expressions qui font débat au sein du parti socialiste ont été supprimées pour préserver l'unité : pas question d'évoquer les termes de « progressisme », de « nationalisation », ou de « réduction du temps de travail ». Une critique aussi partagée par les élus de l'aile gauche comme Marie-Noëlle Lienemann qui évoque un texte « lénifiant » dont « les silences en disent beaucoup ». Marie-Noëlle Lienemann qui plaide pour un changement de cap.
Là car il faut y être
Les associations et groupes politiques sont là parce qu'il faut y être. Le MJS y voit surtout l'occasion de se montrer et de communiquer sur ses actions. Même chose pour l'association « socialistes pour les quartiers populaires ». Une élue de l'Essonne qui ne souhaite pas être nommée ne parvient pas à retenir ses mots contre le parti socialiste, un parti où « il y a plus d'élus et de gens qui veulent y être que de militants ». Elle n'attend d'ailleurs rien de ces états généraux « très parisiano-centrés » et regrette qu'ils ne soient pas ouverts à toute la gauche comme le furent les premiers (et seuls jusqu'à aujourd'hui) de 1993.
Pourtant, si aucun ne qualifie la journée d'historique, certains préfèrent voir la coupe à moitié pleine. Henri Redier, qui pense qu' « à terme tout le monde reconnaîtra que Hollande a fait le job », y voit un moment plutôt formel et faisant partie du folklore socialiste, mais tout de même important : « l'essentiel c'est de se retrouver, tous, même s'il y a des cassures qui ne disparaîtront pas » assure-t-il. Même si la charte est symbolique « c'est déjà intéressant qu'elle ait été votée et que les militants aient envoyé plus de 5 600 contributions. Qu'importe la participation du vote en lui même, autour de 30%, l'intérêt de la démarche vient du nombre de militants qui ont joué le jeu des contributions. »
Préparer le congrès
Même discours chez Celia Abdédaïm, Nesrine Menhaoura et Laeticia Hivert, trois conseillères municipales de Bezons, qui considèrent la démarche comme un succès et minorent les dissensions internes : « les médias ne parle que de la minorité frondeuse mais la grande majorité préfère le dialogue, le rassemblement et la critique constructive quand elle est nécessaire. » Pour elles, il y a aujourd'hui un accord de fond sur ce que signifie être socialiste et il reste des éléments à repréciser, comme la ligne politique à suivre. « Mais nous verrons cela au congrès, aujourd'hui ce n'est que le début ! »
Le congrès se tiendra à l'été 2015 et choisira de renouveler, ou non, Jean-Christophe Cambadélis à la tête du parti socialiste. Aucune des personne présente n'est dupe, la journée de clôture est davantage l'occasion de se mettre en avant en vu de l'échéance de l'été. Autant pour Jean-Christophe Cambadélis qui cherche à incarner sa position de chef de parti que pour les mécontents : à l'heure du déjeuner Marie-Noëlle Lienemann était sur toute les chaînes d'info pour fustiger cette « charte inutile » et rappeler que « l'enjeu reste le congrès ».