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Billet de blog 7 décembre 2023

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CPGE Lettres du Lycée Chaptal - Lettre ouverte au recteur

Fin novembre, le rectorat de Paris a annoncé fermer l'année prochaine une des deux classes de Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE) Lettres du lycée Chaptal. En sa qualité de prépa peu élitiste, l'actuelle classe de khâgne juge cette décision injuste et discriminatoire. Lisez ici la lettre ouverte rédigée par les étudiants et adressée au recteur, M. Christophe Kerrero.

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Monsieur le Recteur,

Lorsque nous avons reçu la nouvelle de votre décision de fermer notre classe, nous, étudiants et étudiantes de classes préparatoires littéraires du lycée Chaptal, avons d’abord été abattus. Que ressentir d’autre face à des autorités qui encensent l’éducation et la culture le 13 octobre, et qui un mois plus tard ont oublié leurs promesses et les hommages rendus à ceux qui y enseignent ?

Nous, chaptaliens et chaptaliennes de tous niveaux, d'hier et d'aujourd'hui, unissons alors notre plus sincère volonté de faire revoir la décision suivante : la fermeture de notre khâgne B. Nous refusons le sacrifice de l’éducation face à un endettement dont nous ne sommes pas responsables et dont nous ne cessons de pâtir. 

Cette suppression est d’abord injuste, reposant sur des arguments fallacieux. Elle résulterait d’une attractivité insuffisante et de résultats insatisfaisants.

Ceci est faux : 1614 vœux d’accessibilité à l’hypokhâgne de Chaptal ont été formulés en 2022 et les résultats de cette classe préparatoire sont très satisfaisants. Chaque année, les étudiants de la khâgne langues de Chaptal sont nombreux à intégrer l’ENS, le CELSA, Sciences Po ou des écoles de commerce. Ces spécialités seront pourtant fortement fragilisées, alors même que la spécialité espagnol n’est déjà dispensée que dans de très rares khâgnes parisiennes. 

Le modèle de « pyramide inversée » est également remis en cause. Spécifique au lycée Chaptal, il permet de profiter d’une classe de première année pour deux classes de deuxième année. Chaque étudiant peut ainsi mener à terme cette formation exigeante, en souffrant moins du poids néfaste de la sélection et de la compétition. La pyramide inversée est une chance, et non une charge économique à supporter. 

L’éducation n'est pas soumise à rentabilité. L’éducation n’a pas à être pensée comme la gestion d’une entreprise. L’éducation est un investissement sur l’avenir que vous vous devez de soutenir en tant que recteur d’académie. L’éducation est un pari sur la jeunesse, une jeunesse qui se sent aujourd'hui profondément trahie. En effet, nombre des actuels chaptaliens ont choisi cet établissement pour, comme nous pouvons le lire sur la plateforme Parcoursup, son « souci d'excellence et de convivialité, (permettant) à chaque étudiant de réussir au mieux de ses capacités et de son travail. ». Oui, certains étudiants ont préféré Chaptal à d’autres classes préparatoires plus prestigieuses pour ce modèle à pyramide inversée que vous vous apprêtez à supprimer. Cela est une entrave à nos droits d’étudiants, à nos attentes, à vos promesses. 

Quand a-t-on décidé qu’il était acceptable de construire un enseignement en « pyramide » ?

Quand a-t-on décidé qu’il fallait absolument évincer des élèves à l’issue d’une première année ?

Priver Chaptal de sa deuxième khâgne, c'est s'attaquer à un modèle unique et novateur : une prépa bienveillante, une prépa accueillante. S’attaquer à Chaptal, c'est s’attaquer à une prépa géographiquement accessible à l’ensemble du bassin parisien, et donc ouverte à toutes les classes socio-économiques. En effet, grâce à sa large desserte et sa proximité avec la gare Saint Lazare, elle donne leur place aux étudiants et étudiantes de banlieue. On ne peut donc pas décemment fermer une classe de cette prépa au nom d’une plus grande mixité, comme vous le défendez pourtant. 

Monsieur le Recteur : nous ne voulons pas faire partie de votre élite, nous exigeons que chacun et chacune ait accès à l’enseignement de qualité, personnalisé et humain auquel nous avons droit dans notre prépa. Fermer la deuxième khâgne, ne nous voilons pas la face, accroîtra l’élitisme de ce système.

Aujourd’hui, l'abattement a donc laissé place à l’indignation.

L’indignation, car nous savons mieux que quiconque à quel point la classe préparatoire est une immense chance. Elle permet à celles et ceux qui l'intègrent d’étudier en étant bien plus qu’un numéro, mais en étant un nom, un visage. A Chaptal, chaque professeur connaît ses élèves et sait les accompagner et les soutenir personnellement, pour qu’ils progressent, peu importe leur origine géographique, sociale, leur parcours, leurs handicaps, leurs difficultés. Chacun et chacune a l’occasion et la chance de présenter les concours de l’Ecole Normale Supérieure.

Ainsi, Monsieur, si vous vouliez « élargir l’élite » comme vous le disiez si bien dans une interview en 2021, pourquoi ne pas plutôt engager plus de professeurs au lieu de fermer leurs classes ? Pourquoi ne pas faire en sorte que tout le monde puisse avoir accès, comme c’est le cas dans notre lycée, à un enseignement riche ? À l’heure où les universités franciliennes sont surchargées, où les étudiants sont globalement précaires, vous ne pouvez continuer à fermer les classes préparatoires. Ces formations corrèlent qualité, faibles coûts, enseignement public, et petits effectifs. 

Permettez nous alors de douter de votre argumentaire. Si vous vouliez, vous et vos collègues, démocratiser l’enseignement supérieur, les frais d’inscription à l’université cesseraient d’augmenter.

Si vous vouliez démocratiser l’enseignement supérieur, vous lutteriez pour que Parcoursup soit plus égalitaire. 

Si vous vouliez démocratiser l’enseignement supérieur, vous ne supprimeriez pas notre classe, ni celle de Lamartine. 

Enfin, si vous vouliez démocratiser l’enseignement supérieur, vous n'évinceriez pas des professeurs de leur poste et cesseriez de dégoûter les potentiels futurs professeurs que nous sommes d’un système éducatif en péril.

Jeunes mais loin d’être naïfs, nous vous demandons par la présente déclaration de ne pas fermer la deuxième classe de khâgne de Chaptal l’année prochaine, et d’arrêter de sacrifier notre éducation au profit de l’économie.


Les étudiants et étudiantes du Lycée Chaptal

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