Pour inaugurer ce blog, un billet en deux volets autour d'une affaire qui a empoisonné les relations entre la France et la Nouvelle-Zélande. Le nouveau Rainbow Warrior a fait escale début mars à Auckland. Un retour sur les traces de son prédécesseur, coulé par les services secrets français en 1985.
7 mars 2008. Le Rainbow Warrior (1), deuxième du nom, stoppe quelques jours ses machines à Auckland. Le bateau de l'association écologiste Greenpeace effectue une tournée des ports du pays dans le but de sensibiliser les citoyens à la question du réchauffement climatique. Immatriculé en 1987 à Amsterdam, le navire mesure 55 mètres de long.

Le soleil brille dans le ciel d'Auckland en cette veille de week-end, la visite guidée du bateau remporte un franc succès et les militants de Greenpeace sont aux anges. Et pourtant, le port d'Auckland est un lieu de sinistre mémoire pour l'association. C'est dans ces mêmes eaux que, quelques 20 années plus tôt, le Rainbow Warrior, premier du nom, a été coulé par les services secrets français. Retour en arrière...
10 juillet 1985. L'équipage du Rainbow Warrior a jeté l'ancre à Auckland avant de mettre le cap sur Moruroa pour protester contre les essais nucléaires français. Il est près de minuit lorsqu'une explosion secoue le bateau. Les membres d'équipage se mettent rapidement à l'abri. Le photographe néerlandais Fernando Pereira décide néanmoins de retourner à bord pour récupérer son matériel photographique. Ses camarades ne le reverront pas vivant. Une deuxième charge explosive éventre la coque du bateau.

Crédit photo : Greenpeace
L'attentat du Rainbow Warrior devient une affaire d'Etat. L'enquête met rapidement en évidence la responsabilité des services secrets français. Deux agents de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure), Dominique Prieur (2) et Alain Mafart (3), qui se faisaient passer pour mari et femme (les faux époux Turenge), sont arrêtés par la police néo-zélandaise et inculpés de meurtre.
Le 22 septembre, le Premier ministre Laurent Fabius reconnaît publiquement sa responsabilité et celle des services secrets français. Deux mois plus tard, Dominique Prieur et Alain Mafart sont condamnés à 10 ans de prison. Ils ne passeront au bout du compte que trois ans derrière les barreaux. En 1987, le gouvernement français est contraint de verser 8, 15 millions de dollars à Greenpeace.
En 2005, la polémique rebondit. Des extraits d'un rapport de l'amiral Pierre Lacoste (4), ancien chef de la DGSE, sont publiés par le journal Le Monde. Le document met directement en cause le président de l'époque, François Miterrand. "J'ai demandé au président s'il m'autorisait à mettre en oeuvre le projet de neutralisation que j'avais étudié à la demande de M. Hernu (alors ministre de la défense). Il m'a donné son accord en manifestant l'importance qu'il attachait aux essais nucléaires", écrit Pierre Lacoste. Plus de vingt ans après les faits, l'affaire n'en finit pas de remuer les eaux troubles de la Vème République. (accéder au deuxième volet du billet).
Notes :
(1) Le nom du bateau (guerrier de l'arc-en-ciel) est tiré d'une prophétie indienne (Iore) "Viendra le temps où la terre sera malade et où les animaux et les plantes commenceront à périr. Alors les Indiens retrouveront leur force spirituelle et inviteront les hommes de toutes les nations, couleurs et croyances à s'unir dans un combat pour sauver la terre : ce seront les guerriers de l'arc-en-ciel".
(2) Alain Mafart, Carnets secrets d'un nageur de combat : du Rainbow Warrior aux glaces de l'Arctique, Albin Michel
(3) Dominique Prieur, Agent Secrète, Fayard
(4) Pierre Lacoste, Un Amiral au secret, Flammarion