Le film Escobar (ou Loving Pablo de son titre original) réalisé par Fernando Leon de Aranoa sortira le 18 avril 2018 et malgré un casting impressionnant et des scènes pleines d'action que l'on peut percevoir dans la bande d'annonce, je n'ai véritablement aucune envie de voir ce film.
"Oubliez tout ce que vous croyez savoir". Voici ce qui apparaît sur l'écran lors de la bande d'annonce, entre deux scènes où l'on voit une personne se faire tirer dessus et quelqu'un en train de tirer sur une autre personne. Certes, je n'ai pas vu le film, mais d'après les images de cette bande d'annonce, je ne vois pas ce qui change par rapport aux trois autres films, deux séries et deux documentaires* qui retrace déjà la vie de Pablo Escobar. On pourrait penser que puisque le titre original est Loving Pablo, que le film réécrit en quelque sorte l'histoire du narcotrafiquant avec sa maîtresse, la journaliste Virginia Vallejo, que cette dernière raconte elle même dans son œuvre Amando a Pablo, Odiar a Escobar (traduction : Aimer Pablo, détester Escobar). Cependant, d'après ce qu'on en voit dans la bande d'annonce, le film montre moins l'aspect de la vie privée et amoureuse d'Escobar et plus son penchant meurtrier, terroriste et trafiquant. Comme la plupart des œuvres qui lui sont consacrées. Est-ce seulement un moyen de convaincre le public de venir voir le film en salle ou est-ce que ça montre véritablement ce que traite le film parce que dans ce cas-là, le film est aussi banal que les autres.
Pouvons nous parler du fait que les personnes ayant réalisés des films, séries, ou documentaires sur ce personnage mythique de la Colombie sont des Européens ou des Étasuniens ? Ça me fera toujours sourire de voir des occidentaux reprendre des histoires qui n'appartiennent pas à leur culture et qui ne les affectent en aucune manière, et donne toujours la même perspective, toujours le même point de vue sur le sujet, sans réellement une interprétation. Cela ne me dérangerait pas, si on ne voyait pas toujours les mêmes images et les mêmes clichés. Peut-être que l'histoire m'attirerai plus s'il s'agissait d'une personne ayant réellement vécu dans cette période ou ayant été directement touché par ce qui s'était passé comme dans le documentaire Les péchés de mon père, réalisé avec le fils de Pablo Escobar, Juan.
Je reproche au casting et aux réalisateurs de se composer uniquement d'acteurs espagnols et étasuniens pour incarner ses personnages de l'histoire et de la vie 'del Patrón'; comme si les acteurs colombiens n'existaient pas. Certes, ce sont les telenovelas qui dominent en Amérique Latine et par conséquent les acteurs latins n'ont pas forcément la même expérience que Javier Bardem ou Penelope Cruz en ce qui concerne l'industrie d'Hollywood; mais je ne peux pas être la seule à me lasser de ce recyclage d'acteurs qui se retrouvent toujours à avoir les mêmes rôles ! Hollywood a une variété impressionnante d'acteurs blancs (qui au final se ressemblent tous dans leur physique et dans leur personnalité), seulement si je vous demande de citer des acteurs noirs, je suis pratiquement certaine qu'on retrouvera une même dizaine d'acteurs qui ont plus ou moins les mêmes rôles, et si je vous demandais de citer des acteurs asiatiques ou latinos, la liste serait encore plus courte. Une seule personne d'origine colombienne est véritablement connue à Hollywood (Sofia Vergara) et elle ne figure même pas dans un film qui reprend un chapitre plutôt important dans l'histoire de la Colombie et qui a beaucoup touché le pays entier sans forcément évoquer les grandes villes comme Medellín ou Cali, Cartagena, Bogota, etc... De plus qu'ils ne s'agit pas simplement de colombiens mais plus précisément de 'paísa', où les habitants de la région ont un accent différent des autres habitants de la Colombie. C'est aussi pour cela que ça aurait été plus logique de travailler avec des acteurs colombiens.
Ce qui me dérange aussi est le fait que lorsqu'on évoque la Colombie au cinéma, que ce soit dans un film ou dans une série, on rencontre toujours les mêmes sujets; c'est-à-dire la cocaïne, Pablo Escobar et les horreurs de la guerre civile. Seulement ce sont ce genre de représentations qui répandent une certaine image d'un pays, et qui dérive vers des stéréotypes, des clichés et des préjugés sur la culture et les habitants du pays. D'où le fait qu'à chaque fois que ma mère se présente d'origine colombienne, les personnes en face d'elle font une référence à la drogue, aux anciens conflits du pays ou se moque de son accent et sans vraiment prendre en compte le fait qu'elle soit aussi de nationalité française. Je comprends, l'attrait de vouloir reprendre et réécrire l'histoire 'del Chapo' parce que comme un Che ou un Castro colombien, il est vu comme un mythe, un héros et un martyr pour certains et un monstre, un criminel, un meurtrier pour d'autres. Cependant, il y a d'autres éléments de la culture colombienne qui peuvent être intéressants à adapter à l'écran. Par exemple, les films Los Hongos de Oscar Ruíz Navia, Las pequeñas voces de Jairo Eduardo Carillo et Oscar Andrade ou Los Nadie de Juan Sebastiàn Mesa sont des œuvres qui, je trouve, dépeignent une Colombie jeune et actuelle, dans un contexte réaliste, dans sa beauté mais évoquent aussi les aspects négatifs.
Le film Escobar, fera sûrement beaucoup d'entrées à sa sortie et il est sûrement très bien réalisé, avec des acteurs qui interprètent très bien leurs rôles mais je suis trop las de voir la même chose à chaque fois en attendant de découvrir une nouvelle interprétation. Alors, afin d'éviter de me décevoir et de m'énerver toute seule dans la salle de cinéma, je ne vais pas regarder ce film. Peut-être qu'il faudrait le voir pour véritablement en faire un avis dessus et ne pas juger le film seulement en voyant la bande d'annonce, comme je le fais.
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2001 : Blow de Ted Demme, interprété par Cliff Curtis
2014 : Paradise Lost d'Andrea Di Stefano, interprété par Benicio del Toro
2015 : Infiltrator de Brad Furman
2012 : Pablo Escobar, le patron du mal (Pablo Escobar: el patrón del mal) (Telenovela), interprété par Andrés Parra
2015 : Narcos (saisons 1 et 2), interprété par Wagner Moura
2009 : Les péchés de mon père (Los Pecados de mi Padre) de Nicolas Entel, avec Juan Escobar
2010 : The Two Escobars de Jeff Zimbalist et Michael Zimbalist