A nouveau, on nous exhorte donc de voter le mal pour éviter le pire.
A nouveau, on brandit la menace d’un basculement dans un système autoritaire, violent et xénophobe, afin de nous faire soutenir le système en place. A nouveau, on martèle la différence radicale qui sépare, malgré toutes leurs affinités stratégiques et collusions tactiques, le néolibéralisme le plus brutal d’un néofascisme assumé. A nouveau, on nous adjure de ne pas prendre le risque d’un virage dont personne ne saura jusqu’à quel abîme il nous conduira.
Toutes ces conjurations, nous les avons entendues en 2017. Nous y avions répondu à l’époque que néolibéralisme et néofascisme étaient deux faces d’un même système, que leur antagonisme affiché était un leurre pour faire gagner les deux, que voter pour l’un c’était faire le lit de l’autre. Aujourd’hui, nous pouvons donner d’autres réponses. Cinq ans d’expérience concrète du système Macron nous les ont apprises.
Ne pas voter Macron, nous disait-on en 2017, c’est prendre le risque d’un système autoritaire qui sapera les institutions démocratiques, bafouera l’état de droit, détruira le contrôle de l’exécutif et nous mènera vers un état policier. Alors nous avons obtenu Macron, le président des états d’urgence, des législations d’exception, du gouvernement par décret, des cabinets présidentiels et des conseils de défense, du contournement des tribunaux et du mépris du parlement.
Ne pas voter Macron, nous disait-on en 2017, c’est prendre le risque d’un régime répressif qui matera brutalement toute opposition, restreindra la liberté d’expression, procédera à des arrestations arbitraires et n’hésitera pas à recourir à la violence armée. Alors nous avons obtenu Macron, le président des tirs de LBD et des grenades de désencerclement, des opposants préventivement arrêtés et assignés à résidence, des lycéens mis en garde à vue, des manifestants éborgnés et mutilés.
Ne pas voter Macron, nous disait-on en 2017, c’est prendre le risque d’un gouvernement xénophobe qui prônera la guerre culturelle contre l’Islam, pourchassera les sans-papiers, généralisera les discriminations et multipliera les violences racistes. Alors nous avons obtenu Macron, le président de la réduction continuelle du droit d’asile, des exilés harcelés et rejetés, des enfants migrants en détention, des lois contre le « séparatisme » et des appels à épurer les universités des « islamo-gauchistes ».
Oui, il faut faire barrage au danger autoritaire, violent et xénophobe. Mais on ne le fera pas en votant Macron, celui qui a franchi les barrages démocratiques l’un après l’autre, méthodiquement et cyniquement, et qui en franchira d’autres encore, avec d’autant plus d’aise qu’on légitimera sa politique par le vote.
Certes, ne pas voter Macron, c’est prendre le risque que l’avenir soit encore pire, qu’il soit imprévisible, qu’il nous conduise vers un changement de régime. Mais ce risque, on le prend aussi en votant Macron – l’expérience des cinq années passées, inimaginable encore en 2017, nous en a avertis, et l’euphémisme du « libéralisme autoritaire » ne cachera plus combien le régime Macron s’est rapproché de celui dont il agite aujourd’hui l’épouvantail.
Pour y faire barrage par la voie du vote, il n’y a qu’un seul moyen, le plus normal et le plus sain dans une démocratie, et que seuls la perversité du système électoral français et les sophismes de la rhétorique politicienne ont pu nous faire oublier : dire Non. Pas une voix pour Marine Le Pen. Pas une voix pour Emmanuel Macron.