Algy, une jeune tunisienne qui vit les émeutes en Tunisietémoigne de l'importance que prend le contexte, elle a été choquée par ladéclaration de Frédéric Mitterrand, de la légèreté de son propos concernant ceque subissent les tunisiens depuis 23 ans... Une lettre bouleversante...
Monsieur Le Ministre,
Le dimanche 9 janvier 2011 sur Canal +, vous avez déclaré concernantles actuels « troubles en Tunisie » : « En Tunisie, la condition des femmes esttout à fait remarquable. Il y a une opposition politique mais qui ne s'exprimepas comme elle pourrait s'exprimer en Europe. Mais dire que la Tunisie est unedictature univoque, comme on le fait si souvent, me semble toutà faitexagéré".
Personne ne peut nier aujourd’hui quel est le véritable visagedu régime tunisien, oppresseur, tortionnaire, corrompu, népotique, accapareurdes richesses nationales.
L’argument des avancées concernant les droits de la femme n’estqu’un rideau de fumée derrière lequel se cache cette dictature pour vendre uneimage un temps soit peu acceptable auprès des chancelleries occidentales. Cethéritage de Bourguiba ne saurait être indéfiniment invoqué pour dédouaner legouvernement de Zine A. Ben Ali de toutes les ignominies dont il s’est rendu etse rend coupable au quotidien depuis 23 ans.
Il est de même lorsque le despote de Carthage, ses sbires et sessoutiens internationaux prétendent qu’il est le seul rempart contre les Islamistes.C’est ignorer qu’en envoyant de nombreuses classes d’âge de Tunisiens sur lesbancs des universités, la Tunisie a elle-même produit des générations d’hommeset de femmes qui ne sont ni dupes, ni stupides et qui finalement sont plusmatures politiquement qu’on ne veut bien le faire croire aux opinions du mondeet à leurs dirigeants.
Vous estimez que « l’opposition tunisienne ne peut s’exprimercomme elle le ferait en France ou en Europe » et c’est juste. Mais sauf àconsidérer que Le Ministère de la Culture en France considère que l’universalismedes droits de l’homme ne serait qu’un vain concept, vous ne pouvez retirez ledroit des Tunisiens de faire émerger une opposition digne de ce nom, en lieu etplace de ces partis d’opposition fantoches que le régime feint de tolérer.
Votre déclaration est d’autant plus indigne et indécente à l’égarddu peuple tunisien que nous apprenions le jour même, que dans la nuit du 8 au 9janvier, près de 20 personnes sont mortes sous les balles du gouvernementtunisien sous l’odieux prétexte de la « légitime défense ».
Vos intérêts personnels vous égarent-ils, vous faisant perdrela mesure de vos propos ? Faut-il considérer qu’il s’agit d’un nouveau dérapagede votre part ?
Face au black-out médiatique et à la censure, les Tunisiens sesont emparés des médias sociaux pour diffuser l’information et organiser la résistance.Je ne saurai que trop vous conseiller de consulter Facebook et Twitter où vous en apprendrez sans doutebeaucoup sur ce qui se passe actuellement dans ce petit paradis méditerranéenoù vous aimez tant passer de bonnes vacances.
Les aspirations du peuple Tunisien sont légitimes et il est del’intérêt de la France de ne pas soutenir indéfiniment les autocrates. Carleprix de cette soit-disant realpolitik pourrait être chèrement payé si l’exaspérationet la colère des Tunisiens sont telles que l’islamisme radical devient la seuleporte de sortie. A continuer de fermer les yeux et de se taire, c’est ce genred’opposition qui risque d’émerger.
C’est en tant que citoyenne française jouissant pleinement dema liberté d’expression que je m’indigne devant vos propos. Je vous demande Monsieur,de bien vouloir présenter vos excuses au peuple tunisien, aujourd’hui, plusqu’hier, endeuillé par le sang de ses fils, versé pour mettre fin à cettedictature ignoble qui piétine la démocratie, insulte l’État de droit, etmassacre toute tentative de rébellion.