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Billet de blog 17 novembre 2020

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Certaines menaces de mort sont plus acceptables que d'autres, selon CNews

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C'est ce que pense tout du moins Julien Pasquet le 16 novembre à 23h30 sur CNews. Suite au nouvel emballement médiatique autour de Mila et les menaces de mort qu'elle subit, le porte-parole David Guiraud souligne le silence médiatique lorsque d'autres personnalités telles que le journaliste Taha Bouhafs reçoivent elles aussi quotidiennement des menaces de mort.

"Ce n'est pas l'objet de mon débat", dit Julien Pasquet. Quel est l'objet du débat ? "La liberté d'expression en danger ?", indique le bandeau. Pas seulement Mila. La liberté d'expression d'un reporter critiquant l'action du gouvernement et de ses représentants, la liberté d'expression d'un reporter jamais condamné par une instance de justice, ne rentre-t-elle donc pas dans le sujet "La liberté d'expression en danger" ? Bien sûr que si !

Et que dire de cette exagération visant à "prendre en otage le débat" ! Pour Julien Pasquet, élever le débat et y inclure l'intégralité des personnes recevant des menaces de mort pour l'expression de leur opinion, c'est une prise d'otage. J'ignorais que monsieur Guiraud avait la possibilité de rentrer armé dans les bureaux de CNews, que fait la sécurité ?

"Ne prenez pas cette émission en otage, parce que c'est pas le sujet", insiste-t-il, toujours au déni du bandeau exposant le sujet du débat et l'absence de violence de la part de David Guiraud.

"Vous prenez un parti de quelqu'un qui insulte la race...la race...euh...la représentation nationale également". A deux doigts de proclamer que monsieur Bouhafs insulte l'entièreté d'une race ! Sans la moindre preuve ! Une accusation prenant le relais de la spéculation liée au "racialisme", au fantasme d'extrême-droite selon laquelle toute remise en cause des facteurs sociaux diffusant des biais raciaux de manière plus ou moins involontaire constitue de facto un acte raciste, alors qu'il vise justement à mettre fin au racisme.

Pire encore : "Vous parlez de quelqu'un qui lui aussi invective avec des messages insultant la représentation nationale également", disait-il plus tôt. Quels messages insultants ? Pasquet n'en cite aucun. "Playmobil", peut-être ? Utilisé pour critiquer l'action uniforme du parti ?

Rappelons que l'article 10 du règlement des députés de LREM précise que "Les décisions prises par le Groupe s’imposent à l’ensemble des députés membres et, le cas échéant, apparentés du Groupe. Dans la vie parlementaire, les membres du Groupe se doivent de manifester, dans leurs paroles, leurs écrits et leurs votes, une solidarité avec la majorité du Groupe et s’engagent à appliquer une discipline de vote, hormis sur les questions d’éthique" ? Il est alors tout à fait pertinent de comparer des députés ayant l'obligation d'être en accord avec la majorité à des jouets produits en série et qui ne sont pas différenciables en l'absence d'accessoires.

La liberté d'expression en danger au sein de LREM, quel beau sujet cela ferait pour Pasquet !

Le "également" en toute fin de phrase est particulièrement révélateur. Pour qu'il y ait un "également", il aurait fallu qu'il y ait un autre argument que "l'insulte envers la représentation nationale". Quel est-il ? Hormis le tremblant et hésitant "insulte la race...la race...euh...", nul autre argument se dresse. Ce qui était un recul devient un clou, aussi raciste que diffamant.

En faisant tout pour limiter la liberté d'expression de David Guiraud alors qu'il était dans le thème du débat, en refusant de condamner les menaces de mort reçues par Taha Bouhafs, en les y opposant de prétendus "propos insultants" comme pour légitimer ces menaces de mort, Julien Pasquet fait montre à la fois d'un parti pris flagrant, d'une absence de traitement égalitaire, d'une volonté de censure, de comparaison grossière avec de prises d'otages qui, elles, sont réellement meurtrières. En aucun cas du travail compatible avec le journalisme.

Saisissons le CSA.

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