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Billet de blog 6 août 2025

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Edito KRISIS 06/08/2025

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cher Mediapart : Pourquoi entretenez-vous sciemment la fiction du pouvoir rationnel ?

Vous qui écrivez chaque jour sur le pouvoir. Vous qui analysez les "stratégies", les "doctrines", les "visions" de nos dirigeants.

Je sais que vous avez fait Sciences Po, l'ESJ, le CFJ. Que vous avez lu Kahneman sur les biais cognitifs. Que vous connaissez les bases de la psychologie sociale. Certains d'entre vous ont même une formation scientifique.

Alors ma question est simple : Pourquoi continuez-vous à entretenir la fiction ?

Première fiction : Le pouvoir rendrait lucide

Les études sont publiques depuis 20 ans. Le pouvoir :

  • Détruit littéralement les neurones miroirs (Keltner, 2003)
  • Amplifie les biais cognitifs de façon exponentielle (Anderson & Galinsky, 2006)
  • Réduit la capacité d'empathie de manière mesurable (Guinote, 2017)
  • Augmente la prise de risque irrationnelle jusqu'à la sociopathie

Vous SAVEZ que plus quelqu'un reste au pouvoir, plus son cerveau dysfonctionne. C'est documenté, peer-reviewed, reproduit dans toutes les cultures.

Pourtant, ce matin encore, j'ai lu dans vos colonnes : "La vision stratégique de Netanyahu..."

Netanyahu ? Un homme de 75 ans au pouvoir depuis des décennies, dont le cerveau est neurologiquement incapable de stratégie rationnelle. Les scans montreraient une atrophie de l'empathie, une hyperactivation de l'amygdale, des patterns de sociopathie acquise.

Mais vous écrivez "stratégie". Pourquoi ?

Deuxième fiction : Les décisions seraient réfléchies

Vous avez tous lu des articles sur le cortisol, la sérotonine, la dopamine. Vous savez que :

  • Un taux de cortisol élevé = décisions agressives et court-termistes
  • Un manque de sommeil = jugement altéré de 40%
  • Une hypoglycémie = augmentation de 60% des décisions punitives

Quand Poutine a lancé son "opération spéciale" après des mois d'isolement COVID (documenté : tables de 6 mètres), son cerveau baignait dans un cocktail toxique : isolation sociale = dérégulation de la sérotonine, paranoïa = surproduction de cortisol, âge avancé = déclin de la régulation préfrontale.

Vous SAVEZ tout ça. Les neurosciences politiques existent. Les études sont là.

Mais vous écrivez : "Le calcul géopolitique de Moscou..."

Un calcul ? Par un cerveau de 72 ans en détresse neurochimique documentée ?

Troisième fiction : L'objectivité des dirigeants

Votre formation vous a appris :

  • Le biais de confirmation (on ne voit que ce qui confirme nos croyances)
  • L'illusion de contrôle (on surestime notre influence sur les événements)
  • L'erreur fondamentale d'attribution (on attribue à la personnalité ce qui relève du contexte)

Vous savez que ces biais sont MULTIPLIÉS chez les dirigeants. Que Macron, enfermé dans son bunker mental depuis 2017, est physiologiquement incapable de voir la réalité. Son cerveau filtre, déforme, réinterprète tout pour maintenir son ego.

La dissolution de l'Assemblée ? Un classique : illusion de contrôle + biais d'optimisme + isolation cognitive = décision catastrophique prévisible.

Mais vous avez écrit : "Le pari calculé du président..."

Calculé ? Avec un cerveau en plein biais de surconfiance narcissique ?

La fiction ultime : Le libre arbitre au pouvoir

Et maintenant, le clou du cercueil. L'expérience de Benjamin Libet (1983), confirmée mille fois depuis. La décision est prise par le cerveau 350 à 500 millisecondes AVANT que la conscience n'en soit informée.

Traduction : Quand un dirigeant "décide", c'est DÉJÀ décidé. Par quoi ? Par des processus inconscients, des patterns neuronaux, des réflexes conditionnés par des décennies de dysfonction.

Le "décideur" n'est qu'un narrateur après-coup. Il CROIT décider, mais il ne fait que raconter une histoire sur un processus neuronal déjà accompli.

Macron n'a pas "décidé" de dissoudre. Son cerveau a déchargé selon des patterns préétablis, et 500ms plus tard, "Emmanuel" s'est raconté que c'était stratégique.

Vous le savez. C'est de la neuroscience basique. Mais vous écrivez quand même : "La décision mûrement réfléchie..."

La question qui  brûle

Pourquoi ?

Pourquoi, SACHANT que :

  • Le pouvoir détruit le cerveau
  • Les décisions sont neurochimiques
  • Les biais gouvernent tout
  • Le libre arbitre est une illusion narrative

Pourquoi continuez-vous à écrire comme si de vrais stratèges prenaient de vraies décisions ?

La réponse qui fait mal

Parce que sinon, que deviennent :

  • Vos 5000 mots d'analyse géopolitique ?
  • Vos chroniques sur la "pensée" des dirigeants ?
  • Votre rôle d'experts décodeurs ?
  • Votre statut d'intermédiaires indispensables ?

Si vous écriviez : "Un septuagénaire insomniaque avec un taux de cortisol pathologique a eu un spasme amygdalien qui va tuer des milliers de gens", qui vous lirait ?

Alors vous maintenez la fiction. Vous habillez les spasmes neuronaux en "doctrines". Les crises de panique en "visions". Les cerveaux malades en "stratèges".

Vous êtes complices de cette fiction.

La parabole finale

Un homme tombe du 50ème étage. À chaque étage, il se répète : "Jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien..."

Vous êtes les journalistes qui, fenêtre après fenêtre, écrivez sur sa "stratégie de vol", analysez sa "trajectoire calculée", décryptez sa "vision aérienne".

Le sol arrive. La physique est inexorable. Les cerveaux au pouvoir sont en chute libre neurochimique.

Continuerez-vous à commenter la chute comme si c'était un vol ?

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