Bucarest, 19h. L’espace laissé aux manifestants, une moitié du large trottoir qui borde le boulevard Bălcescu, est délimité par des barrières métalliques. Des policiers surveillent l’accès, le contenu des sacs est contrôlé.
Une bannière portant l’inscription “Stop the genocide” est tendue par les organisateurs. À leurs pieds, une série de photos, et les noms de celles et ceux qu’elles représentent, victimes de la politique génocidaire d’Israël : des journalistes tués dans l’exercice de leur métier, des enfants souffrant de la famine, d’autres morts sous les bombes. Un peu plus loin, une banderole rappelle le sort des prisonniers et prisonnières maintenus en détention administrative, sans inculpation, dans les geôles de l’État hébreu.

Agrandissement : Illustration 1

Pendant près d’une heure, les manifestants de tous âges écoutent attentivement les prises de parole et scandent en chœur les slogans appelant à la libération de la Palestine, l’arrêt des exportations d’armes vers Israël, ou encore le jugement de Benyamin Netanyahou.
Elena, 21 ans, est venue avec une amie. “Avant je me disais que la Roumanie n’avait pas vraiment de poids à l’international, donc que les manifestations ici ne changeraient rien, raconte-t-elle. Mais en juin, on s’est abstenu de voter une résolution à l’Assemblée générale de l’ONU pour un cessez-le-feu à Gaza(1), ça m’a indignée”. La jeune femme boycotte aussi les entreprises qui soutiennent la colonisation israélienne, “une question de bon sens”, selon elle.
À quelques mètres, Yagmur porte un keffieh en bandana, un grand drapeau palestinien flotte au-dessus d’elle. Elle est turque mais a grandi à Bucarest. “C’est difficile car on continue de mener notre vie, on va travailler, on rentre chez nous, on peut se doucher et manger normalement. Alors qu’en même temps, à Gaza…, s’interrompt-elle, ça me donne des frissons quand j’y pense”. Pour elle, participer à ces rassemblements “est un devoir moral, le minimum que l’on puisse faire”.
Elle ne s’en contente pas. Il y a quelques mois, alors que la Roumanie avait accueilli une quarantaine de familles réfugiées de Gaza, elle a créé une cagnotte pour leur apporter de l’aide. “Tu sais, je ne suis pas influenceuse mais j’ai quand même réussi à récolter 500€ ! Je ne m’y attendais pas,” raconte-t-elle, enjouée. Une somme utilisée pour acheter des produits de première nécessité et des appareils électroménagers, ensuite distribués aux familles.

Agrandissement : Illustration 2

La nuit est déjà tombée quand la longue banderole aux couleurs du drapeau palestinien s’élance en direction de la Piața Victoriei. En cette dernière soirée d’août, il y a du monde dans les rues de la capitale et si certains s’empressent de détourner le regard des manifestants, d’autres se joignent à leurs cris le temps d'un instant.
(1) Ce n’était en réalité pas la première résolution à laquelle l’État roumain s’abstenait de voter. Sur les six résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies depuis le 7 octobre 2023, la Roumanie n’a voté en faveur que deux d’entre elles, le 11 décembre 2024. La première demandait un cessez-le-feu et une libération des otages, la seconde renouvelait le soutien de l'Assemblée générale à l’action de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA. Pour les quatre autres résolutions, Bucarest s’est abstenue.
- 27 octobre 2023 : résolution sur la protection des civils et le respect des obligations juridiques et humanitaires à Gaza
- 12 décembre 2023 : résolution demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza et la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages
- 18 septembre 2024 : résolution demandant la fin de l’occupation illégale des territoires palestiniens
- 11 décembre 2024 : deux résolutions votées et adoptées ce jour-là : 1) cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent et libération des otages inconditionnelle et permanente ; 2) soutien au mandat de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA)
- 12 juin 2025 : résolution pour un cessez-le-feu immédiat