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Billet de blog 2 mars 2025

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Roumanie : À Bucarest, les soutiens de Călin Georgescu se mobilisent

Les soutiens de Călin Georgescu ont répondu présents à l’appel de l’extrême-droite ce samedi à Bucarest, lors d’une manifestation qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes, après une semaine ponctuée de rebondissements.

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En ce samedi 1ᵉʳ mars, jour marquant l’arrivée du printemps en Roumanie, les partis d’extrême-droite avaient appelé à «nettoyer la classe politique de ses traîtres» et à soutenir Călin Georgescu, candidat anti-système arrivé en tête aux présidentielles de novembre 2024. Loin du million de manifestants annoncé en début de semaine par Alianța pentru Unirea Românilor (AUR), principal parti d’extrême-droite roumain et deuxième force au Parlement, ils étaient tout de même plusieurs milliers à battre le pavé sous la pluie à Bucarest. 

Près de trois mois après l’annulation des résultats du premier tour de l’élection présidentielle par la Cour constitutionnelle, suite à la déclassification de documents révélant une ingérence étrangère dans la campagne, pour de nombreux Roumains, la pilule ne passe toujours pas.

"Les corrompus et le vieux système, c'est fini"

Sous un parapluie, enroulé dans un drapeau bleu, jaune, rouge, Marius, habitant du Maramureș, un département du nord-ouest, frontalier de l’Ukraine, témoigne. Il a parcouru 700 kilomètres dans un des bus affrétés par l’AUR, dont il est membre, pour participer à la manifestation. «Tout le monde ici est pour Georgescu. Pour nous, aucun autre candidat n’existe.» Ioan, qui l’accompagne, vit dans la même région. «C’est la sixième fois que je viens manifester à Bucarest. C’est vraiment important pour moi d’être ici, je veux faire partie de ce changement. Les corrompus et le vieux système, c'est fini, ce n’est pas ce que, nous, les plus jeunes, voulons», élabore-t-il. 

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Des manifestants sur la place de l'Université, à Bucarest, samedi 1er mars 2025 © Kristen Anger

Place de l’Université, puis devant le siège du gouvernement, place de la Victoire, les manifestants ont martelé le slogan «À bas le gouvernement» et multiplié les appels à la démission de Marcel Ciolacu, premier ministre social-démocrate, lequel avait la veille échappé à une motion de censure déposée par les partis d’extrême droite AUR, POT et SOS, et rejetée au Parlement.

Andreea, venue seule de Galați, ville portuaire qui borde le Danube, dit n’être affiliée «à aucun parti politique», elle «n’y croi(t) plus». «En Roumanie, tout ce qui est lié à la politique est sale. Je suis ici pour protester contre le gouvernement et contre tout ce qui est contre nous. Je soutiens notre liberté et notre démocratie. Georgescu se bat pour notre nation.» 

Non loin d’elle, drapeau en main, Ion est du même avis. Il est venu d’Huneadora, en Transylvanie, à quelque 400 kilomètres au nord-ouest de Bucarest, «par ses propres moyens», insiste-t-il. «Ici, je vois rien, pas de route, pas d’hôpital. J’ai travaillé huit ans à l'étranger, j’ai vu comment fonctionne la démocratie. Ici, il n’y a rien qui va, le vote, la politique, la corruption. Tout le monde ment et personne ne dit la vérité.» Il répète, «je veux la vérité, la vérité, la vérité». Lui aussi soutient Călin Georgescu, qu’il trouve «très intelligent» et, Ion en est convaincu, «dit la vérité». À sa droite, sa femme acquiesce, «c’est un patriote»

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Devant une croix de pierre en hommage aux "héros de la révolution de 1989", un manifestant brandit un portrait de Călin Georgescu, boulevard Nicolae Bălcescu, à Bucarest, samedi 1er mars © Kristen Anger

De nouveaux éléments au dossier Georgescu

Pourtant, cette semaine, l’enquête sur le financement de la campagne électorale de Călin Georgescu a connu de nouveaux rebondissements et nombre d’éléments sont venus s’ajouter au dossier. La véracité de ses propos est désormais légalement remise en cause par son inculpation, mercredi 26 février, par le Parquet général roumain, au titre de six infractions, dont celles de «fausses déclarations», et de «communication de fausses informations», aux côtés d’accusations d’incitation à des actions contre l'ordre constitutionnel, d’organisation de groupes racistes et antisémites, et d’apologie de crimes de guerre. En conséquence, Călin Georgescu a été placé sous contrôle judiciaire pendant 60 jours et interdit de sortie du territoire.

Des perquisitions menées le même jour dans 47 localisations de Roumanie ont également conduit à la détention préventive d’une vingtaine de personnes, liées au mercenaire franco-roumain Horațiu Potra, responsable de la sécurité de M. Georgescu. Celui-là avait déjà été interpellé au mois de décembre, accusé de préparer des actes de déstabilisation à Bucarest. Il est désormais recherché par la police.

Mais ces développements judiciaires sont jugés tardifs et ne convainquent guère les soutiens du candidat d’extrême-droite, qui maintiennent que l’élection leur «a été volée». Ioan parle d’une «fausse enquête», de «preuves fabriquées par le gouvernement», Andreea de «coup monté».

Alexandra, interrogée sur le boulevard Magheru, va plus loin et mobilise une rhétorique complotiste. «Tout ce que fait le gouvernement contre Georgescu nous prouve qu’il est le bon. Ce n’est pas possible que dans un pays, dans un gouvernement, tout le monde soit contre un seul homme.» Elle feint l’interrogation : «Quelque chose est étrange, non ?» Avant de poursuivre, «sur cette planète, les globalistes ont un plan, ils sont supportés par Soros [financier américain d’origine hongroise et juive]. Tout n’est que matériel, argent, argent, argent, business.» À ses yeux, ce «mouvement global (…) empoisonne» les Roumains. 

Des éléments de langage aux relents antisémites auxquels recourt régulièrement Călin Georgescu, qui s’est entouré de figures notoires de l’antisémitisme en Roumanie, comme détaillé dans une enquête du média Le Grand Continent.

Illustration 3
Des manifestants portent une pancarte où il est écrit "Merci J.D. Vance pour le soutien", sur la place de la Victoire, à Bucarest, samedi 1er mars © Kristen Anger

Sur l’estrade installée place de la Victoire ce samedi, celui que tous et toutes étaient venus soutenir a prononcé un discours déjà maintes fois répété, teinté de références religieuses, dénonçant un «système qui essaie de diviser» et «bloquer sa candidature», de s’opposer à la volonté du peuple. À ses côtés, George Simion, président de l’AUR — qui a annoncé renoncer à sa candidature à la présidentielle pour soutenir Călin Georgescu — et Anamaria Gavrilă, fondatrice du parti d’extrême-droite POT et députée roumaine. Dans le mégaphone, celle-ci a affirmé que son parti était «prêt à aligner l’administration de Bucarest sur la nouvelle administration à Washington de Donald Trump», suscitant alors l'agitation des drapeaux et les acclamations de la foule. 

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