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Billet de blog 8 avril 2025

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Boombox : du rock pour l’Ukraine

Le groupe de rock ukrainien Boombox était à Bucarest ce week-end dans le cadre de sa «tournée des drones». Une série de concerts visant à récolter des fonds destinés à acheter du matériel pour l’armée ukrainienne.

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Bucarest, samedi soir, avant-dernière date d’une tournée express pour Boombox, groupe de rock ukrainien fondé en 2004, au succès ininterrompu depuis. Troisième volet du “Dronotour”, après l’Amérique du Nord, et l’Europe, déjà, l’année dernière. Chaque fois, un mois, un marathon de villes et des dizaines de milliers d’euros récoltés pour l’armée ukrainienne.

Rassembler la diaspora ukrainienne

Dans le public des arènes romaines de Bucarest, une grande majorité d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes. Parmi eux, Victoria, originaire d’Odessa, venue avec son amie Katia. «Quand j’ai vu que Boombox passait ici, je n’ai pas hésité. Ils sont là pour l’Ukraine, pour nos soldats, dit-elle. On se devait de venir pour les soutenir.» Au début de l’invasion russe, Victoria aidait à l’évacuation des civils dans les gares, avant elle-même de devoir quitter l’Ukraine. Arrivée il y a près de trois ans dans la capitale roumaine, elle continue d’être bénévole auprès des réfugiés — près de 180 000 personnes en Roumanie, selon les Nations unies. «Ça fait chaud au cœur d’être ici, il y a une énergie particulière, ajoute Katia, c’est bon d’être ensemble».

Sur scène, le chanteur Andriy Khlyvniouk et ses cinq musiciens enchainent les morceaux qui les ont rendus célèbres. Comme dans tout bon concert, la foule danse, crie, reprend en chœur les refrains. Mais l’émotion est manifeste, les yeux sont embués, on se serre dans les bras. «Les entendre, c’est comme revenir en arrière. Ça m’a rappelé notre jeunesse, la joie et la vie d’avant», dit Katerina, encore émue. Dmytro, son mari, acquiesce. «La plupart de leurs chansons ont été écrites avant la guerre, ils parlent beaucoup d’amour, mais aujourd’hui, on les interprète différemment, explique-t-il. La distance qui sépare ce couple dans “Des fleurs dans les cheveux”, ou la référence aux millions d’Ukrainiens de par le monde, forcément, ça résonne autrement.»

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Concert du groupe Boombox à Bucarest, le 5 avril 2025 © Kristen Anger

Une tournée politique

Boombox est mobilisé de longue date dans l’opposition à l’agression russe. Dès l’annexion de la Crimée et le début de la guerre dans le Donbass en 2014, le groupe avait cessé ses tournées en Russie et largement participé à médiatiser la cause des prisonniers politiques ukrainiens, enchainant les levées de fonds et les concerts en soutien.

Au lendemain de l’invasion russe à grande échelle, en février 2022, comme nombre d’artistes, Andriy Khlyvniouk, a lui-même rejoint les forces de défense ukrainiennes. Depuis, il ne quitte que rarement l’uniforme militaire et quand il remonte sur scène, c’est pour lever des fonds qui alimentent un fonds caritatif que le chanteur a créé en juillet 2022. Il finance ainsi l’achat de matériel directement livré sur le front — drones, fournitures médicales, générateurs, véhicules, etc.

Une partie des places de concert et de la vente des produits dérivés est directement reversée à ce fonds. Cela fait désormais partie de la communication du groupe. Sur leur site, ils affichent : «Croyez-le, votre achat de billets fait la différence. Et non, il ne s’agit pas d’acheter une nouvelle voiture au producteur, mais bien d’aider les hommes et les femmes qui tiennent notre ennemi à distance.»

Et puis, dans chaque ville, façon d’ajouter quelques milliers de devises à la cagnotte, un drapeau dédicacé par le groupe est mis aux enchères. Ce soir-là, un homme, son petit garçon sur les épaules, l’emporte sous les applaudissements de la foule. +3500 euros pour les forces de défense ukrainiennes. 

S’il fallait une preuve de la singularité de ce concert, le public rappelle les musiciens en entonnant l’hymne de la résistance ukrainienne, «Dans la prairie, la viorne rouge» (Ой у лузі червона калина). Andriy Khlyvniouk les suit. En février 2022, la vidéo de sa reprise a cappella devant la cathédrale Sainte-Sophie de Kyiv avait fait le tour du monde. 

Encore une dernière date à Chypre et le groupe reprendra le chemin de l’Ukraine, où la guerre ne connaît pas de répit. 

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