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Billet de blog 25 mai 2025

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Justification marxiste d'une une cotisation sociale assise sur la VA

En 1945, le CNR a instauré les cotisations patronales pour financer la Sécurité sociale, s’inspirant d’une vision marxiste où la valeur ajoutée est principalement attribuée au travail vivant des salariés. Cependant, cette approche, concrétisée par des cotisations basées sur la masse salariale, crée des inégalités en 2025.

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Justification marxiste pour une cotisation sur la VA

Contexte historique

En 1945, le CNR a instauré les cotisations patronales pour financer la Sécurité sociale, s’inspirant d’une vision marxiste où la valeur ajoutée est principalement attribuée au travail vivant des salariés. Cependant, cette approche, concrétisée par des cotisations basées sur la masse salariale, crée des inégalités en 2025. Les entreprises intensives en main-d’œuvre, comme les boulangeries, supportent une charge proportionnellement plus lourde (20-30 % de leur VA) que les entreprises capital-intensives, comme les GAFAM, qui cotisent environ 1 % de leur VA en raison de leur faible masse salariale. Cette disparité appelle une réforme pour aligner les cotisations sur la réalité économique moderne.

Perspective marxiste sur la valeur ajoutée

Dans la théorie marxiste, la valeur d’une marchandise est déterminée par le temps de travail socialement nécessaire à sa production. La VA, en termes comptables, correspond approximativement à la somme des salaires (capital variable, V), des profits (plus-value, S) et de l’amortissement (partie du capital constant, C). Marx distingue :

  • Travail vivant : l’effort actuel des salariés, qui crée la nouvelle valeur (V + S).
  • Travail mort : le travail humain passé incorporé dans le capital fixe (machines, logiciels), qui transfère sa valeur au produit.

Ainsi, la VA totale reflète l’ensemble du travail humain, vivant et mort. Une cotisation basée sur la VA capture cette contribution globale, contrairement à une cotisation sur la masse salariale, qui ignore le travail mort.

Justification marxiste d’une cotisation sur la VA

  1. Capture de la plus-value : Selon Marx, la plus-value est la valeur excédentaire extraite du travail des salariés, appropriée par les capitalistes sous forme de profits. Une cotisation sur la VA, qui inclut les profits, prélève une partie de cette plus-value pour financer la Sécurité sociale, alignant ainsi le système sur une logique de redistribution sociale.
  2. Équité entre entreprises : Les entreprises capital-intensives, comme les GAFAM, génèrent une VA élevée grâce au travail mort (infrastructures technologiques, algorithmes), qui repose sur le travail humain passé (ingénieurs, développeurs). Une cotisation sur la masse salariale sous-taxe ces entreprises, car leur main-d’œuvre actuelle est réduite. Une cotisation sur la VA les fait contribuer proportionnellement à leur richesse.
  3. Adaptation à l’automatisation : Avec l’automatisation croissante, la part des salaires dans la VA diminue (49 % en France en 2021, selon l’Insee). Une cotisation sur la masse salariale menace le financement de la Sécurité sociale, tandis qu’une cotisation sur la VA maintient des recettes stables en taxant la valeur totale produite.
  4. Justice sociale et esprit du CNR : Le CNR visait à redistribuer la richesse pour le bien commun. Une cotisation sur la VA fait contribuer les entreprises à hauteur de leur capacité productive, réduisant la charge sur les PME et soutenant les protections sociales pour tous.

Exemples concrets

Pour illustrer, comparons deux entreprises fictives en 2025 :

  • Boulangerie : Avec une VA de 100 000 €, dont 70 % sont des salaires, la cotisation sur la masse salariale (30 %) représente 21 % de la VA, une charge lourde pour une petite entreprise.
  • GAFAM : Avec une VA de 1 milliard €, dont 5 % sont des salaires, la cotisation sur la masse salariale représente 1,5 % de la VA, malgré des profits massifs.
  • Cotisation sur la VA : À un taux de 10 %, les deux entreprises paient proportionnellement à leur VA, réduisant l’écart et allégeant la charge sur les PME.

Études et précédents

  • Banque de France (1996) : Une étude sur 113 000 entreprises non financières montre que les entreprises de 20 à 49 salariés bénéficieraient le plus d’une cotisation sur la VA, tandis que les entreprises très petites (< 5 salariés) ou fortement exportatrices seraient moins avantagées. Les secteurs comme l’équipement professionnel ou domestique gagneraient davantage, contrairement à l’énergie.
  • Autriche : Une proposition récurrente, étudiée par le WIFO , explore une "Wertschöpfungsabgabe" (cotisation basée sur la VA) incluant profits et amortissements. Les critères d’évaluation incluent le rendement à long terme, l’impact sur l’emploi et la répartition équitable des charges.
  • France (2025) : Bien qu’aucune réforme de ce type ne soit prévue pour 2025, la loi de financement de la Sécurité sociale ajuste les cotisations patronales sur les salaires, mais reste basée sur la masse salariale, avec des allègements pour encourager la progression salariale.

Objections et réponses

  • Objection 1 : La VA inclut des éléments non liés au travail vivant.
    Réponse : Dans la théorie marxiste, tout capital (travail mort) est le produit du travail humain passé. Taxer la VA revient à taxer l’ensemble du travail humain incorporé.
  • Objection 2 : Cela pourrait décourager l’investissement en capital.
    Réponse : Un taux calibré (par exemple, 10 %) minimise l’impact sur l’investissement tout en assurant un financement équitable. Cela peut aussi encourager l’emploi dans les secteurs intensifs en main-d’œuvre.
  • Objection 3 : Complexité administrative.
    Réponse : La VA est déjà calculée pour des taxes comme la CVAE , prouvant la faisabilité administrative.


Implications pour 2025

En 2025, l’automatisation croissante et la concentration des profits dans les secteurs technologiques accentuent les limites du système actuel. Une cotisation sur la VA répondrait à ces défis :

  • Réduction des inégalités : Les GAFAM contribueraient davantage, reflétant leur dépendance au travail mort.
  • Stabilité du financement : La baisse de la part des salaires dans la VA (49 % en 2021, selon l’Insee) menace le système actuel. Une cotisation sur la VA sécurise les recettes.
  • Soutien à l’emploi : En réduisant la charge sur les PME, cela pourrait encourager l’embauche, comme suggéré par l’étude de la Banque de France.

Conclusion

Une cotisation patronale basée sur la VA, justifiée par la théorie marxiste, capture l’ensemble du travail humain à l’origine de la richesse. Elle corrige les inégalités entre entreprises, s’adapte à l’économie moderne et honore l’esprit du CNR en redistribuant équitablement les fruits du travail. Bien que des discussions existent (par exemple, en Autriche), aucune réforme de ce type n’est prévue en France pour 2025, mais des études comme celle de la Banque de France montrent son potentiel.

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