Et si la peur d’une baisse du pouvoir d’achat était exagérée ?
Imaginez : vous avez 62 ans, vous rêvez de poser vos valises et de profiter de la retraite, mais on vous dit qu’il faut travailler deux ans de plus pour « sauver l’économie ».
Pourquoi ?
Parce que, selon le gouvernement, maintenir un âge de départ à 62 ans obligerait l'état à s'endetter ou à augmenter les impôts, freinant la consommation et l’économie. Cet argument semble solide au premier abord, mais, quand on creuse, il vacille. Alors, embarquons dans le débat brûlant sur l’âge de la retraite en France et découvrons pourquoi repousser à 64 ans n’est peut-être pas la panacée qu’on nous vend.
Un bras de fer autour de la retraite
En France, le sujet des retraites est un volcan toujours prêt à entrer en éruption. Avec un déficit prévu de 6,6 milliards d’euros dans les caisses de retraite d’ici 2025, le gouvernement a misé sur un recul de l’âge de départ de 62 à 64 ans, adopté en 2023. L’objectif : garder les salariés au travail plus longtemps pour renflouer les comptes et limiter les dépenses en pensions. Mais cette réforme a déclenché une tempête : manifestations, grèves et débats passionnés montrent que les Français ne sont pas d’accord pour partir plus tard en retraite. Pour le gouvernement, un argument central : repousser la retraite préserverait le pouvoir d’achat des salariés et des futurs retraités, évitant un ralentissement économique. Vraiment ?
Une autre voie : augmenter les cotisations
Des économistes, comme Michaël Zemmour de l’Université Lyon 2 et Antoine Bozio de l’Institut des Politiques Publiques, ont proposé une alternative : financer le déficit en augmentant les cotisations sociales, à la fois salariales et patronales. Selon Zemmour, une hausse de 0,8 point des cotisations totales – répartie entre salariés et employeurs – pourrait générer 12 milliards d’euros d’ici 2027, assez pour combler le déficit et maintenir l’âge de départ à 62 ans (Alternatives Économiques, 2024). Mais le gouvernement rejette cette piste pour deux raisons : d’abord, une hausse des cotisations patronales augmenterait le coût du travail, nuisant à la compétitivité des entreprises, surtout celles à faibles marges ; ensuite, une hausse des cotisations salariales réduirait le pouvoir d’achat, freinant la consommation et l’économie.
Si l’on peut concéder l’argument du coût du travail, le second argument, celui de la baisse du pouvoir d’achat, est plus discutable. Si l’augmentation de 0,8 point était supportée uniquement par les salariés, l’impact resterait modéré :
- Pour un salarié au SMIC (1 747 € brut par mois en 2025), cela représente environ 14 € par mois.
- Pour un salaire moyen (environ 3 000 € brut en 2027), cela équivaut à environ 24 à 28 € par mois, selon les estimations.
Ces montants, bien que perceptibles, sont loin d’être insurmontables. Ils pourraient être absorbés sans provoquer un effondrement de la consommation, surtout si l’on considère les bénéfices à long terme d’un départ à 62 ans.
Et si partir à 62 ans était plus profitable à l’économie ?
Plutôt que de repousser l’âge de départ en retraite, maintenir la retraite à 62 ans, en finançant le déficit par une hausse modérée des cotisations salariales, pourrait avoir des effets positifs sur l’économie. Voici pourquoi :
- Des emplois pour les jeunes
Si les seniors travaillent jusqu’à 64 ans, ils occupent des postes qui pourraient revenir à des jeunes. En France, le chômage des moins de 25 ans reste élevé, autour de 15 % en 2023 (INSEE). Un départ à 62 ans libérerait des emplois, permettant aux jeunes de gagner un salaire et de consommer. Plus de jeunes actifs, c’est plus de pouvoir d’achat injecté dans l’économie. - Les retraités, moteurs de la consommation
Les retraités ne rangent pas leur portefeuille en quittant le travail. Ils dépensent dans les loisirs, les voyages ou la santé, souvent à un niveau comparable à celui des actifs. Une étude de Brookings (2024) montre que les retraités soutiennent des secteurs clés, parfois même plus que les actifs. Leur départ à 62 ans avec une pension pleine ne freinerait pas l’économie, mais la stimulerait. Et un retraité jeune est un retraité qui profite de la vie. - Un système collectif plus solidaire
Contrairement à l’épargne individuelle – où un salarié au SMIC devrait mettre de côté environ 32 000 à 48 000 € sur 27 ans pour combler une pension réduite (soit 100 à 150 € par mois à 35 ans contre 14 € de cotisations) – augmenter les cotisations renforce un système collectif. Cela mutualise les risques et garantit des pensions stables, soutenant le pouvoir d’achat des futurs retraités.
Que disent les chiffres ?
Le recul de l’âge à 64 ans pourrait économiser 1,6 milliard d’euros en 2025, avec un pic à 7,1 milliards en 2032 (Gerep). Mais le déficit persisterait après 2030, selon Rexécode. À l’inverse, une hausse des cotisations salariales de 0,8 point, comme explorée ici, ou de 0,8 point des cotisations totales, comme proposée par Zemmour et Bozio, pourrait générer 12 milliards d’euros d’ici 2027, assez pour maintenir la retraite à 62 ans tout en sécurisant le système. Pourquoi écarter cette option au profit d’une réforme qui force les Français à travailler plus longtemps ?
Un coup d’œil ailleurs
L’Allemagne et les Pays-Bas offrent des pistes intéressantes. Ces pays maintiennent un fort taux d’emploi chez les seniors tout en affichant un faible chômage des jeunes. Reculer l’âge de la retraite à 64 ans nous conduira peut-être à la même situation que les Pays-Bas, mais cela risque de prendre de longues années. Vu le taux d’endettement de la France, la priorité doit être à la circulation de la monnaie pour élever le PIB. Maintenir les seniors au travail jusqu’à 64 ans priverait environ 120 000 à 200 000 jeunes d’emploi chaque année, soit 2 à 3,5 milliards d’euros de pouvoir d’achat en moins pour l’économie, limitant ainsi la consommation et la croissance.
Le vrai risque : un entêtement coûteux
Forcer les Français à travailler jusqu’à 64 ans pourrait avoir des conséquences inattendues : burn-out, hausse des dépenses de santé, et des jeunes bloqués hors du marché du travail. Ces effets pourraient coûter plus cher que prévu, sans résoudre pleinement le déficit. À l’inverse, une hausse modérée des cotisations – 14 € par mois pour un salarié au SMIC, 24 à 28 € pour un salaire moyen – pourrait financer un départ à 62 ans, créer un cercle vertueux d’emplois et de consommation, et dynamiser le PIB. On peut, bien sûr, ajuster les taux.
Repenser le débat
L’argument selon lequel repousser la retraite à 64 ans est indispensable pour protéger le pouvoir d’achat et l’économie ne tient pas la route. Il ignore les bénéfices d’un départ à 62 ans, financé par une hausse raisonnable des cotisations salariales, comme le proposent des économistes tels que Michaël Zemmour et Antoine Bozio. Cette solution pourrait libérer des emplois, soutenir la consommation des retraités et des jeunes, et offrir une alternative plus solidaire à une réforme impopulaire.
Alors, la prochaine fois qu’on vous dira que 64 ans est incontournable, posez la question : et si une petite hausse des cotisations aujourd’hui nous permettait de mieux vivre demain ?
Et vous, qu’en pensez-vous ?
La réforme des retraites nous concerne tous. Un effort collectif aujourd’hui pourrait-il garantir une économie plus dynamique et une retraite plus juste ?