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Billet de blog 24 septembre 2017

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Prise de défense de l'école

Parce que je me sens de plus en plus ridicule quand je râle tout seul en voiture, quand j'écoute à la radio les égarements du medef ou des politiques... Parce que cette fois, je suis arrivé à écrire ce que je voulais dire... Parce que j'ai besoin de savoir que je ne suis pas seul à penser ainsi... Ma prise de défense de l'école :

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Prise de défense de l’école

A tous ses dames et sieurs du MEDEF, à tous ceux qui pensent que si les gens n'ont pas de travail c'est parce que l'école n'a pas correctement fait le sien. Même, à tous ceux qui se sont dit « ils y vont un peu fort ! Les profs font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'on leur donne... »

Je vais tenter de m'exprimer par de courtes phrases. Je vais tenter d'être clair. J'aimerais tant qu'enfin vous compreniez.

Il est certes navrant de voir ainsi dénigré le travail du corps enseignant, de l'école en général. Mais il est encore plus désolant de redécouvrir, encore et encore, que le sens et la vocation vous échappent à ce point. J'ai l'impression de voir quelqu'un râler après sa visseuse. Pas pour son incapacité à visser, mais parce que c’est un bien mauvais instrument pour planter des clous. En effet, peut-être que de loin, une vis peut légèrement ressembler à un clou, pourtant ce sont bien deux accessoires différents. Il en est un peu de même entre la formation professionnelle[1] et l'éducation[2].

Oui, rappelez-vous, l'éducation, comme dans éducation nationale, avant – je dirais bien : de votre temps, mais la bêtise n'a pas d’âge – on disait instruction publique …

L'école n'est pas un outil au service des entreprises, ce n'est pas une forge dans laquelle on façonne la main d'œuvre de demain. Je sais, cela vous déplait grandement. J'en connais même les raisons.

La première : rentabilité de l'impôt, j'entends ce sombre échos « les profs, les écoles, c'est nous qu'on les paye avec nos impôts, faut bien que ça nous serve ». Pas la peine de faire les gros yeux de celui qui ne maltraite jamais la langue française. Je sais bien que, malgré les bontés que vous a prodiguées l'école, vous rudoyez grammaire et conjugaison dès que les nerfs vous prennent. Nous en sommes tous là !

La deuxième : elle trouve ses fondements dans le rôle premier de l'école. Aider – par les moyens les plus égalitaires possibles – les générations futures à devenir des citoyens éclairés et attentifs au monde. Pour vous, j'imagine bien ce qu'il peut y avoir de désagréable dans ce propos. Imaginer que ce collaborateur/consommateur a en plus, non pire : dispose avant tout d'un regard sur l'univers, l’économie, la géographie, la politique, tout aussi légitime que le vôtre.

« Mais, les primitives à quoi ça sert ? » Je me souviens encore de la réponse apportée par mon professeur de mathématiques à la question posée par une camarade : « Ça ne sert à rien, rien ne sert à rien ma pauvre enfant ». Ainsi, oui l'école dispense des enseignements « inutiles » :

  • Souffler dans un bout de bois – ou de plastique –, une heure par semaine, pour qu'il en sorte des gémissements à faire saigner les oreilles,
  • Lire et réciter, parfois même savourer : Villon, Ronsard, Du Bellay, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Apollinaire, Aragon, Eluard, Prévert, Vian et tellement d'autres,
  • Savoir l'histoire et la géographie de pays dans lesquels on ne pourra jamais partir en vacances, parce que trop chers, pas beaux, toujours en guerre …
  • Connaître toute l'histoire et pas seulement les quelques passages de notre « glorieux roman national». Se rendre compte que seuls les vainqueurs écrivent l’histoire…
  • Comprendre que ce n'est pas nécessairement à maman de faire le gâteau, la vaisselle, le ménage, la lessive, les courses, pendant que papa répare la voiture ou lit le journal.
  • Découvrir que le clitoris est le seul organe du corps humain uniquement dédié au plaisir – je ne sais pas trop si c'est vraiment entrée dans les mœurs de l'enseigner mais nous y viendrons – et qu'à ce titre il mérite un peu d'attention.
  • Taper désespérément dans un ballon pour le pousser dans les buts adverses.
  • Savoir traduire « cogito ergo sum » « errare humanum est » ou bien encore « qui bene amat, bene castigat ».
  • Être capable de faire la différence entre l'inflexibilité des lois de la physique et l'arbitraire mollesse de celle de l'offre et de la demande !

Dans une vie quotidienne, faite de trajets en voiture, en tram, en train, de journées de travail et de soirées devant la télé, Il est bien vrai que l'utilité de tout ça manque d'évidence. Pourtant cet enseignement fait de nous des citoyens ouverts au monde capables de recul et dignes du libre arbitre que la république nous confie. C'est cette même république – faite de chacun d'entre nous – qui vous laisse vaquer à vos petites besognes. L’école n’a pas de service à rendre aux entreprises, elle sert le bien public. Il serait donc bienvenu de présenter un peu de déférence envers celle qui prodigue les premiers enseignements à vos maîtres.

Alors cesser de salir cette noble mission avec des performances, des rendements, une quelconque idée qu’elle devrait satisfaire l’un de vos besoins. L'école n'est définitivement pas une usine à manufacturer des outils sur mesure « et en même temps » interchangeables. Non c'est avant tout un verger, un verger bio même. Un lieu où l'on apporte juste ce qu'il faut, au moment où il le faut. Simplement pour que l'arbre puisse se développer, donner ces plus beaux fruits, sans se faire asphyxier par les autres. Voilà le seul travail que l'on peut, non, que l'on doit attendre de l'école.

Et là, je l'entends le petit ricanement. Celui qui dit « encore un bobo ou un fonctionnaire, un prof qui sait, peut-être même un chômeur ». Tout cela aurait pu, il est vrai. Mais non ! Un petit cadre d'un peu plus de trente ans, très fiers de payer des impôts depuis 10 ans. Pourquoi fier ? Parce que, j'ai appris à l'école, moi, qu'il s'agissait de ma contribution au bien commun ! Parce que l'école m'a appris tant de choses inutilement belles et atrocement nécessaires. Parce que je tiens par-dessus tout à payer ma juste part dans le fonctionnement de cette institution. Faites en autant et l'on daignera peut-être solliciter votre avis quand il s'agira de rendre plus efficient le fonctionnement de la formation professionnelle.

De la part d'un citoyen concerné, impliqué et un peu consterné... Cordialement.

Laurent R.

[1] Pour faire simple, on admettra que la formation professionnelle relève de l’enseignement supérieur (recherche mise à part), des lycées professionnels et de divers organismes de formation.

[2] Toujours pour faire simple, on ne cantonnera l’éducation qu’aux enseignements du primaire et du secondaire.

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