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Billet de blog 13 octobre 2025

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Controverses scientifiques : ouvrir la Brèche où la presse indépendante manque encore

Journal indépendant né en 2023, La Brèche traite l’actualité avec un focus sur trois sujets interconnectés : environnement, santé publique et techno-critique. À l’occasion d'une campagne d’abonnements, l’équipe fait le bilan de son impact et lance un appel à un meilleur traitement des controverses scientifiques et scandales sanitaires dans la presse indépendante.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Financements occultes, chantage à la sex-tape, prises illégales d’intérêts… Les actualités politiques et judiciaires, souvent entremêlées, défraient régulièrement la chronique. Sur ces sujets, la presse indépendante joue pleinement son rôle de contre-pouvoir en mettant ses équipes au service d’un travail d’enquête fouillé, permettant de placer sur le devant de la scène les coulisses de jeux de pouvoir peu reluisants.

Pour autant, il est un terrain que celle-ci peine à investir : celui des controverses scientifiques. L’implantation de la 5G n’a ainsi suscité que peu de contestation. Cette technologie, dont l’utilité sociale est pourtant sujette à débat, soulève également des questions sanitaires. Or, en  l'absence d'une couverture approfondie de ces enjeux dans la presse indépendante, les oppositions restent l’apanage d’une frange minoritaire, aux tendances confusionnistes et parfois réactionnaires.

Augmentation des seuils d’ondes, le scandale qui vient

Prenons un exemple : L’Agence nationale des fréquences prépare une hausse de 50 % du seuil autorisé d’exposition aux ondes électromagnétiques, passant de 6 à 9 V/m. La raison ? Les opérateurs peinent à respecter les normes actuellement en vigueur. En clair, l’ambition est de privilégier la marge d’action des industriels aux préconisations sanitaires, sans consulter l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). La conséquence directe va être une surexposition aux ondes électromagnétiques pour une large part de la population, alors que plusieurs scientifiques (même s'il n'existe pour le moment aucun consensus) ont alerté sur de potentiels effets sur la santé à terme. Pourtant, pas grand monde ne semble s’en indigner.

Il faut reconnaître toute la difficulté de traiter de tels sujets, auxquels doit être accordée une extrême rigueur scientifique. Les voix des chercheurs et chercheuses sont pourtant nombreuses. Elles peuvent et doivent être amplifiées, pour donner à leurs concitoyen·nes les moyens de nourrir une critique éclairée. À l’heure d’un techno-solutionnisme aveugle, nocif pour l’environnement et, par ricochet, souvent délétère pour la santé, il semble essentiel de redonner toute sa place à la controverse scientifique. C’est pourquoi le tout premier numéro de La Brèche était consacré aux ondes, et son succès nous a convaincu·es de poursuivre sur cette lignée.

Il est en effet possible, c'est une certitude, de porter une techno-critique non réactionnaire, et de traiter des enjeux sanitaires et environnementaux de l’époque avec rigueur et honnêteté. Environnement, santé publique et impacts des nouvelles technologies. Tels sont ainsi les trois piliers de la ligne éditoriale de La Brèche. Journal trimestriel distribué en kiosques, nous avons choisi le papier non pas par nostalgie, mais par conviction. Un journal qu’on tient en main, ce n’est pas un flux parmi d’autres, à l’heure de l’hyperconnexion et des notifications tous azimuts. Il donne du tangible, invite à l'échange et à de l'humain, tout simplement.

Face à la désinformation et la stratégie du doute des lobbies, un travail journalistique rigoureux est indispensable sur ces sujets, comme l’explique Sophie Pelletier, présidente de Priartem (association Pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques) au moment où La Brèche lance sa campagne d’abonnement : « En ces temps troublés, où l’on distingue de moins en moins le vrai du faux, soutenir un journalisme d’investigation indépendant qui nous parle d’environnement, de santé et d’impact des technologies sur l’humain et le monde, c’est essentiel ! »

Installé·es en province (à Saint-Étienne exactement), si cela nous dessert parfois par manque de visibilité, nous souhaitons en faire une force. Nous sommes en effet au contact direct de nombreuses problématiques abordées dans nos pages (délitement des services publics, disparition de zones naturelles...) et constatons que le numérique n’est pas facilitateur pour toute la population.

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© Lasserpe

En région Rhône-Alpes, le scandale des bébés nés sans bras

Ce positionnement "provincial" n’empêche pas nos sujets d’avoir un impact : ce sont les premiers concernés qui en parlent le mieux, comme la lanceuse d’alerte Emmanuelle Amar, épidémiologiste et directrice du registre de malformations congénitales Remera : « Pendant la bourrasque de l’affaire dite des “bébés nés sans bras”, j’ai vite réalisé qu’alerter, ce n’était pas que faire son devoir et participer à une controverse scientifique nécessaire, c’était aussi grimper sur un siège éjectable et s’exposer aux attaques personnelles, au discrédit, aux informations mensongères, et aux représailles administratives. Ces dernières ne se sont pas fait attendre : menaces de licenciement, suppressions de postes, conventions de financement signées avec un an de retard… Par quel miracle l’équipe et le registre Remera ont-ils été sauvés ? Cela tient en peu de mots : la vérité sur les faits. Encore fallait-il la rendre intelligible et la diffuser, cette vérité ! Le sujet était d’une telle gravité que les sollicitations pleuvaient : radios, presse, télévisions françaises et étrangères. À l’instar de Groucho Marx qui ne voulait pas faire partie d’un club qui l’accepterait comme membre, je n’ai voulu accorder ma confiance qu’aux journalistes qui ne me croiraient pas sur parole. Qu’aux journalistes qui croiseraient les informations avec d’autres sources, qui questionneraient les faits, les analyses divergentes. Parmi eux, un journaliste de La Brèche s’est faufilé, et a fait le job. Jusqu’au bout. C’est ainsi que La Brèche a participé au sauvetage du registre : en bouclier contre les rumeurs et mensonges. »

La lanceuse d’alerte apprécie également notre démarche de suivre nos sujets, de numéro en numéro : « Une fois la tempête médiatique passée, c’est en rempart indispensable de la démocratie que La Brèche s’est imposée : en vérifiant si les engagements pris par les autorités de santé avaient été tenus. Ils ne l’ont pas été, mais c’est une autre histoire. »

Nous sommes fiers de l’impact de ce travail mais nous aimerions être rejoints par d’autres médias sur ces sujets. La presse indépendante a un rôle essentiel à jouer pour les placer au cœur du débat public ! Alors que la défiance grandit vis-à-vis de la science comme des institutions, réhabilitons la controverse (avec méthode).

En attendant, pour continuer notre travail, nous avons besoin de nous consolider : nous sommes financés uniquement par notre lectorat, nous avons donc lancé une grande campagne d’abonnements. Objectif + 600 abonnés pour se consolider et tenir bon quels que soient les aléas politiques. Rejoignez-nous. Ensemble, agrandissons La Brèche !

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