Le feu t'a avalée
de larmes qui ont séché
avant même d'être pleurées
Ne te retourne pas
Tes traces sitôt posées
ont disparu déjà
dans le petit matin bleu
Que veux-tu ?
Tu as tout
Tu n'as rien
Il t'en faut plus ?
Plus que tout
et plus que rien ?
Tu avais l'amour
il t'a filé entre les doigts
Tu avais la santé
elle t'a filé entre les doigts
Tu avais l'arbre, la vie
les animaux, l'eau
Tu avais
Tu n'as plus
Tu avais Dieu
il t'a filé entre les doigts
Tu avais les autres
ils t'ont échappé
Regarde dans la grotte obscurcie par les fumées
Affronte l'oeil qui te regarde
Ne détourne pas les yeux
De quoi te plains-tu ?
D'être si peu ?
Au moins tu es, même un tout petit peu
Certains existent à peine
et se traînent, aveugles et sourds
Contente-toi d'être, même un peu
Accepte, oui, accepte d'être si peu
Et remercie
Offre ta gratitude aux nuées et au vent
Epuisée, vidée, hébétée,
allonge-toi sur l'ocre de la terre
Tes sœurs nouent inlassablement des guirlandes de fleurs
et te recouvrent de leurs trésors légers et parfumés
Leurs longs cheveux te frôlent
Elles t'éventent, te veillent, t'apaisent
Elles ne te demandent rien
elles te donnent simplement
Prends tout simplement
et offre à ton tour
L'infinie chaîne de la beauté et de la bonté ne saurait être brisée