J’ai marché à la fraîche dans les prés au petit matin. J’ai collecté des merveilles de toiles d’araignée scintillantes du rose givré de l’aurore, que des rouge-gorges ont transportées jusqu’à ma tanière. De ces arachnéennes dentelles, sous l’œil attentif des oiseaux et dans leurs pépiements, j’ai façonné un pot translucide. Dedans, j’y ai déposé avec le plus grand respect et la plus délicate douceur, pétales de constance et sépales d’amour. Des abeilles ont apporté leur miel. J’ai remué gentiment, cuit à peine, juste perlé.
Sur une étiquette que j’ai patiemment peinte en bleu orange et collée sur le pot, j’ai écrit « BONHEUR « . Un nuage d’enfance s’est baissé sur le sol. Je lui ai confié mon précieux trésor qui va t’arriver, au plus vite, zigzaguant entre les nuages et les rêves. A peine arrivé, il se lovera dans ton cœur.
Ce nectar est inépuisable, et, ainsi, tu pourras t’en nourrir autant que tu le voudras, car ses vertus sont intemporelles et infinies. Tu le dégusteras et le partageras car, tu le sais, le bonheur se donne et s’offre sans compter ni s’économiser.
De temps en temps, tu peux ajouter, dans le pot, pensées bénéfiques et chants joyeux, tu le verras se colorer de nacre et d’or, se parfumer d’encens inconnus. Ce nectar est un onguent. Enduis et assouplis tes mains de son onctueux manteau que tu puises de ton pot argenté, et caresse l’indigent, le malade, le souffrant, l’enfant qui gémit et qui pleure, le vieillard qui s’en va.
Pleurs et douleurs s’estomperont, s’éloigneront, s’effaceront et n’enfanteront plus de nouvelles souffrances. Elles se transformeront, pas à pas, peu à peu, en bébés bonheurs. Tu auras brisé l’infernal cycle. Tu auras cessé d’alimenter la roue de la haine et du ressentiment. Mets de l’or, mets de l’or et des sourires.
Mais, pour cela, il faut y croire très fort. Regarde la voûte céleste de ton cœur, ta nef immobile et secrète. Immerge-toi en silence en elle, ne bouge plus, observe, médite, contemple, attends.
Ta nef est ton socle, ton ciel est ta terre. Appuie-toi sur eux, sur l’air et sur le feu. Sur leurs danses croisées, sur leurs pas qui tapent la cadence et sur leurs bras qui font valser les étoiles.
Ne vois-tu pas frémir une ébauche de promesse de début de larme nacrée ? Ne ressens-tu pas les premières reptations à l’intérieur de ce cocon soyeux qui se tisse presque à ton insu ? La première inspiration d’une vie qui commence ? Sais-tu que tu accouches d’un début de bébé bonheur durable que tu pourras retrouver quand tu le désireras et quand tu en auras besoin, pour toi et pour les tiens ?
Nourris ce minuscule ruisseau, écarte avec soin les plantes et les branchages qui pourraient entraver sa course ténue. Entends son murmure obstiné. C’est que l’eau a vocation de couler et il est tant de soifs à étancher !
Belle et heureuse année à toi, Terrien ami et ami de la Terre. L’an passé fut bien rude, que l’an nouveau nous soit plus doux !
Et n’oublie pas de prendre dans tes bras, chaque jour, un ami pour fêter la vie !