Il est une fois un homme, Fred, qui vit dans un mobile home. Il n’est plus très mobile son mobile home puisqu’il est posé dans un terrain depuis près de trois ans. Nous pouvons affirmer donc que cet homme vit dans un immobile home. Mais, tiens, si on dit qu’un homme mobile vit dans un mobil home, on ne dit pas qu’une femme vit dans un mobile femme… Bref. Cet homme a connu une rapide descente aux enfers. Il était électro-mécanicien, le voilà licencié. Divorce, sa femme obtient la garde des enfants. Puis elle quitte leur département de l’Oise et va s’installer en Vendée ave les doudous. Pour se rapprocher de ses enfants, il les suit, achète un terrain à St Martin des Fontaines, pose sa maison mobile immobile et cherche du travail. Rien et pas grand chose. Waterloo morne plaine. C’est que ça licencie sec en Vendée aussi. Quelques CDD. Quelques boulots de maçon. Il achète des poules et deux moutons pour sa consommation personnelle. Chaque fin de semaine, il reçoit ses trois enfants. Il se chauffe avec un poêle à bois, certains matins la température est négative à l’intérieur de l’immobile home quand le feu s’est éteint pendant la nuit. Il faut chauffer avec un sèche-cheveux la serrure du logement pour réussir à tourner la poignée s’il l’on veut sortir. Pas terribles comme conditions de vie. Mais il s’installe dans le village, se fait des potes, papote.
Il avait choisi de bons potes, Bernard céréalier à la retraite et Pierre-Alain, un salarié de l’usine à briques à l’autre bout du hameau. Le premier préside une association composée essentiellement de cultivateurs et le deuxième tient également un bistrot appelé La Coussotte, où siège une autre association qui organise la brocante annuelle du village.
Et puis, un drame a lieu dans le nord du département, un homme et son fils meurent brûlés dans leur mobil home.
Cet événement dramatique est le déclencheur et fait tilt dans les consciences de ses voisins qui se disent : « Ca pourrait arriver dans le village, le mobil home là de notre pote pourrait cramer et les enfants mourraient « . L’idée nait, s’insinue, fait son chemin. Et si on lui construisait une maison ? Une vraie maison, en dur, en vrai ? D’abord il faut convaincre Fred. Il est très gêné que ses copains lui proposent ça. Il pleure puis il accepte. Ils font les plans.
Puis il faut réunir les fonds. Les deux associations raclent leurs fonds de tiroir. Sur le compte de l’une d’elles, dorment quelques 20 000 euros, ce n’est pas assez. Ils contactent TF1, l’émission « les maçons du cœur », aucune suite ne sera donnée. Chacun et chacune de ces villageois fait le tour des popotes, va voir des entrepreneurs locaux, des artisans et sollicite une aide en nature pour aider à la construction.
Et ça marche.
Qui offre la structure en béton, des briques, des planches d’épicéa, les fournitures et l’installation du réseau électrique, qui supervisera les travaux, qui viendra peindre le week-end, qui enverra 250 bulbes à planter. La chaine de solidarité est lancée, relayée par le quotidien Ouest France. Au total, une cinquantaine de partenaires financent en dons et services 80% de l’opération dont le coût avoisine 100 000 €.
« Curieusement, ce sont surtout de jeunes entrepreneurs qui ont mis la main au portefeuille. Leur geste est très beau en période de crise. C’est à se demander si la solidarité n’est pas plus importante quand les temps sont difficiles » , dit Bernard.
Tout n’a pas été facile dans le village. Certains habitants ne savaient comment se comporter, d’autres ne comprenaient pas pourquoi on aidait cet homme qui n’était même pas du village. Comme Fred vivait dans un immobile home, il était considéré comme quelqu’un du voyage. « Fred, c’est un peu le Rom du village. Les Roms, soit on les expulse, soit on les garde. Nous on a décidé de le garder. Et ce que nous aimerions beaucoup, maintenant, c’est que d’autres personnes montent des projets similaires ailleurs. Car des gens en difficulté, ce n’est pas ce qui manque. »
La maison devrait être prête fin décembre. Un magnifique cadeau de Noël pour Fred et ses enfants, et pour tous ces qui lui ont fait ce cadeau. L’immobile home sera démonté, Fred en gardera la structure métallique pour en faire un barbecue. Elle sera belle la fête, sous les étoiles, au coin du feu à faire cuire des grillades dans ce petit village, fin décembre.
Il faudrait pouvoir envoyer cette histoire ubuntu aux Marseillais qui ont fichu le feu à un campement de Roms, après les avoir poussés vers la sortie de leur terrain vague…
Liens :
un.toit.pour.une.famille@gmail.com