Je suis la terre, ta terre, ta planète unique
Le plus beau de tes cadeaux
Le sol de tes ancêtres, je suis la course de leurs rêves, de versant en ponant
Ton port, ton havre, ton amour
Ta mère nourricière, l’eau qui te baigne
Le feu de tes volcans, le feu qui enflamme
Et craque les plus solides graines pour les faire fructifier
Le cuir qui te réchauffe quand tu t’en vas mourir
Je m’enherbe à l’infini , si tu m’en laisses le répit
La foudre gicle de mes nuages les plus noirs
Le déluge qui te noie est le déluge qui me sauve
Je suis profusion et fusion
Le creuset de tous les essais
Quand les espèces se marient sans discontinuer
Pissenlit sans entraves, je traverse les océans
Chenille processionnaire, je parcours tes cimes et tes vallons
Je suis baobab et roseau, océan et ruisseau
Orchidée luxuriante je t’éclabousse de ma beauté
Danseuse bombyx, je te dévoile mes yeux, tu ne sais plus me voir
Colibri infatigable dans son vol vibrant
Je suis libellule nacrée sucrée sacrée
Dans mes terres les plus craquelées, la plus modeste plante sait se donner
Sous les larmes des nuages
Et grâce aux gestes doux de l’homme qui sait me labourer
Je suis ta mémoire et tes grimoires
Tes outrages, tes ratages, je les sais, je les connais
Comme une mère reconnait ses enfants
Je suis ton projet et je suis tes regrets
Je suis tes remords quand tu me donnes la mort
Je sanglote dans mes plus secrets recoins quand tu me meurtris
Et je te plains encore
Tu ne sais plus comment me réparer tant tu m’as suppliciée
Tu n’as plus de temps pour moi, tu ne sais que courir, faire la guerre, détruire
Je peux compter toutes tes injures, tes parjures, tes traîtrises
Les cicatrices des blessures que tu m’as infligées
Ne tarde pas, l’Homme
Je ne pourrai pas tenir dans mes mains usées
Plus longtemps
Les lauriers de la paix