L’implacable balle a traversé la tête de part en part
le cerveau n’est plus que gelée
l’homme troué s’affaisse au milieu des siens, troués eux aussi
des serres lacèrent les chairs
dans l’écrin rouge le coeur de l’homme qui bat
les serres se resserrent
la foule énervée acclame trépigne
l’étripeur sourit il sera récompensé d’or, de mille vierges, de miel et de vivats
d’énormes gros oiseaux gris descendent en piqué picorer les miettes flamboyantes du coeur qui achève sa course
dans le caniveau, la lune, de honte et d’effroi, s’est cachée sous la crasse
dans l’écrin rouge le coeur de l’homme battait
dans l’écrin rouge le coeur de l’homme abattu le coeur de l’homme abattu ne bat plus
un coeur libre a cessé de battre
le sang frais le sang fraise le sombre sang framboise s’ambroise
la tache s’agrandit
un chaton assoiffé met sa serviette autour de son cou, s’attable, commence le festin dans le sang qui s’égoutte
flaque rouge, le sang, obstinément, ne veut pas coaguler
une femme s’efforce de nettoyer le sol
le sang refuse de partir, l’intacte flaque demeure, la femme maugrée et s’acharne avec sa serpillière
qui pourrait laver tout ce sang ?
le sang ne cède pas
ailleurs
sur le sol des cases, cascades sanguinolentes, entre les arbres aveugles de la jungle le sang coule soleil couchant, flammes rouges du sang , encore encore encore, la planète voudrait s’endormir dans la paix de la nuit, mais tout ce rouge l’attise
tant de sang dans un corps humain ? tant de sang dans le corps d’un nourrisson ?
« dis dieu, ou quelque chose d’approchant, pourquoi cette barbarie pourquoi ces massacres ?
- je n’y suis pour rien et donne-moi mon vrai nom de dieu je ne suis pas quelque chose d’approchant
- tu es approximatif comme dieu tu aurais dû aller plus longtemps à l’école des dieux je ne t’accorde aucune considération je croyais que tu étais un dieu de bonté or tu laisses les hommes tuer en ton nom,
- pas du tout l’homme est libre de faire ce qu’il veut
- libre de quoi quand son esprit embrumé colporte des racontars, des appels au meurtre distillés par leurs chefs religieux ? tu as fait l’homme à ton image si l’homme est cruel c’est que tu l’es, puisque ce serait c’est toi qui l’aurais créé, enfin c’est ce que vous racontez parce que Darwin lui il dit autre chose
- je lui ai donné le libre-arbitre
- le libre arbitre ? tu veux rire ? l’homme a la terreur de mourir depuis qu’il nait alors il t’a inventé il a un contrat avec toi il s’engage à te respecter te chanter et t’aimer et en échange tu lui donnerais la vie éternelle
- je n’ai pas rompu les termes du contrat il a la vie éternelle
- qui peut croire telles sornettes ?
- ce n’est pas parce que tu ne crois pas que tu dois détrousser les autres de leur foi et puis j’aimerais que tu mettes une majuscule à dieu s’il te plait
- tu peux te brosser pour la majuscule tu es petit laid mesquin intolérant aussi insignifiant qu’inutile
- je suis le dieu de miséricorde
- enlève le corde s’il te plait tu es un dieu de misère tu surfes sur la misère de tes croyants
- tu es en parfaite contradiction avec toi-même dis pourquoi me demandes-tu des comptes si tu crois que je n’existe pas ?
- c’est toi qui m‘envahis dans ma vie de tous les jours je veux vivre dans un état laïc , hors religion, c’est juste impossible, pourquoi es-tu si envahissant ? je ne peux pas faire un pas sans me cogner contre toi, en fait ce n’est pas exactement ça, je m’en fiche qu’il y ait des croyants et des pratiquants mais qu’ils prient en silence et dans leurs lieux de culte, je respecte leurs croyances même si je ne les pratique pas, je ne veux pas que mon quotidien soit pollué par toutes ces prières, ces lamentations, ces appels au meurtre quand la patine unitaire s’effrite, c’est quoi ces fatwas pour quelques dessins ?
- je te remercie de me dire que je suis partout tu me fais chaud au coeur, oui je suis incontournable et cette pensée te déprime ?
- elle m’insupporte
- c’est toi alors qui es intolérante très intolérante même
- ne retourne pas la situation à ton avantage je te prie, dieu est en chacun de nous, dieu c’est quand on est charitable attentif bienveillant envers l’autre moi aussi je peux être dieu
- ah bien sûr si tu penses que le mot dieu c’est un fatras d’idées imparfaites et vaguement charitables et que tu peux utiliser ce mot de dieu pour tout et n’importe quoi
- je te signale que ce sont tes fidèles qui utilisent ce mot de dieu pour tout et n’importe quoi et surtout pour n’importe quoi
- tu es jaloux de ma puissance et de mon immanence voilà tout, jaloux de mon immortalité
- jaloux d’un mégalomane ? jaloux de tes mains tachées de ces sangs qui ne veulent pas coaguler ? tu veux rire
- ris tant que tu peux mais n’oublie jamais tu entends jamais que je suis le seul et unique dieu
- tous les uniques dieux disent qu’ils sont uniques , dieu n’aime pas les autres dieux, dieu est intransigeant si tu étais un dieu bienveillant si tu avais la puissance que tu revendiques ne pourrais-tu pas souffler dans chaque homme la nuit dans son sommeil bienveillance et respect de son prochain ? et convaincre le 1% de la population qu’ils devraient partager leurs richesses avec les 99% autres restants car c’est dans la misère économique politique et sociétale qu’émergent les extrêmismes ? dans la liste des péchés dans chaque religion n’est-il pas écrit « tu ne tueras point » ? pourquoi laisses-tu s’entredépecer au sein même de tes groupes religieux les croyants eux-mêmes ? et puis en parlant de rire, tes défenseurs les plus extrêmes dans la religion musulmane n’ont pas vraiment le sens de l’humour
- ils protestent contre la représentation du prophète qui est interdite
- ah oui ? faudra me faire lire le morceau du coran qui l’interdit
- dieu se mérite les hommes doivent tester et exercer leur libre arbitre je te répète que ce sont eux qui décident, s’ils acceptent les injustices, pourquoi ne se donnent)-ils pas les moyens de les combattre pacifiquement et démocratiquement ? tu reproches à dieu sa violence , tu n’as jamais lu la bible ?
- bien sûr que j’ai lu la bible certains passages sont terrifiants de barbarie il y est question de tuer, violer brûler ensanglanter tous les mécréants qui ne pensent pas comme les croyants
- il faut un peu de haine pour apprécier l’amour, tu imagines un monde calme et gnangnan où tout le monde s’embrasserait et se saluerait chaque matin ? mais vous vous ennuieriez à .. ah ah mourir
- j’aimerais bien l’essayer ce monde-là, depuis que je suis née ai-je eu le choix ? autour de moi je ne vois que guerres attentats prises d’otages pogroms extermination, ça reposerait l’humanité toute entière, de l’amour à chaque étage !
- l’amour doit venir des hommes ils doivent choisir l’amour et pas la haine, dis-leur à ces hommes et à ces femmes que ce n’est pas moi qui décide à leur place je suis un dieu de paix
- stop l’approchant ! ne t’approche pas de moi ne murmure aucun chant enjôleur à mes oreilles ! tu es un dieu de pets oui tu es un dieu de vents un dieu d'indigestion un dieu de rien du tout une chimère malodorante, je te coupe la parole tiens tu n’es plus qu’un mot vide de sens, il parait que tu es le premier mot, le premier verbe ? eh bien c’est fini aujourd’hui tu es officiellement mort repose en paix «
dieu ou quelque chose d’approchant est absent des salles de rédaction de journaux et des épiceries kasher, de villages africains, de taudis en tôle, de banlieues abandonnées, des bureuax de pôle emploi
dieu ou quelque chose d’approchant est définitivement devenu sourd et aveugle
dieu ou quelque chose d’approchant est définitivement devenu muet
dieu ou quelque chose d’approchant est muet car les hommes, par leur folie choisie, par leur folie subie, l’ont tué
dieu ou quelque chose d’approchant n’a plus la parole elle lui a été reprise
dieu ou quelque chose d’approchant est vide de sens
dieu ou quelque chose d’approchant est mort car des hommes tuent égorgent pendent trucident d’autres hommes en son nom et la chair devient charogne
c’est tant mieux qu’il soit mort
la femme lave et relave le sol engorgé de sang
le sang ne veut toujours pas sécher
le sang un jour pourra-t-il sécher ?