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Billet de blog 25 janvier 2012

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le pauvre les roule en bouche ces deux mots, trente-sept, trente et sept unis par un trait, appelé trait d’union, ainsi appelé car l’union fait la force. Si la vache est une bête à lait,  le cheval, lui, est une bête de  trait. Quand plusieurs chevaux font un trait, c’est aussi un trait de traits d’union. Si vous mangez des oignons, et que vous les recrachez avec force côte à côte sur le sol, vous faites un trait d’ognons. Trente-sept. Aujourd’hui c’est le trente septième jour du mois de janvier. Il a  écrit 37 billets, de plus ou moins bonne qualité. Souvent moins. Il a 37 contacts. Il a 37 raisons d’être inquiet. Le sait-il que ça le tente encore une fois d’aller à Sète ? Il a tenté trente fois d’aller à Sète. Et 7 fois d’aller à Trente.

Le pauvre est ennuyé pour aller à Trente à trente  car il est tout seul. Il demande à l’ami Thon s’il veut l’accompagner. Le chien flou , en entendant ces mots, retourne dans son panier.

Thon dit « oui » ,  puis :

«  Où ça que tu veux aller ?

- à Trente

- on n’est que deux , vieux.

- ou bien on va à Sète

- je te répète qu’on n’est que deux.  Pourquoi tu veux y aller à trente ou à sept ?

- je veux aller à Trente là où y a eu le concile « 

Thon le regarde, fronce ses sourcilles, et le fait répéter car il est un peu sourd , et scié.

- Le concile ? Quel concile ?

- le concile de Trente

- ah ils étaient trente au concile? Ca en fait des cons et ça en fait des cils « 

( silence) ( le chien approximatif  en profite pour lâcher des presque gouttes d‘urine sur la jambe du pantalon de Thon) ( Thon s’en va, fâché,  son ul sous le bras)

Le pauvre éponge l’urine invisible. Il essuie un endroit où le chien n’est jamais passé. Le pauvre se demande pourquoi on dit que les gens sont « ul serrés », il faudrait dire « ul serrant » ou « serrant leur ul » . Qui va l’accompagner ?  Le chien soulève une oreille, de sa patte gauche, il est vieux et il a de très lourdes oreilles, il lui faut mettre la patte droite pour soutenir ce poids, du coup il est en déséquilibre et s’affale comme foc sur voilier. C’est qu’il s’en passe des choses chez le pauvre. Il ne s’ennuie jamais. Le chien non plus. Le chien est déconfit, et il fait hi.  En un seul mot,  déconfit, si tu mets des imbéciles à cuire longtemps dans de la graisse de canard , ils sont des cons confits, un con confit peut être déconfit. Le con sait faire beaucoup il sait faire « hi«  aussi comme le chien. Là, dit comme ça, c’est archi pas drôle, faut conjuguer le verbe faire, et tu dis le con fait « t-i » et là tu te roules par terre. Comme quoi, tout est dans la nuance. Pourquoi les hommes appelés Hans aiment-ils  être nus ?

Le  pauvre déplante la pendule pentue qui lui tend ses aiguilles, comme sapin se tend vers boules de Noël. Il  la regarde pensivement. Si la petite aiguille est sur le trente, il ira à Sète. Tout seul. Il regarde la petite aiguille, elle indique trente. Il regarde de nouveau la pendule. Si la grande aiguille est sur le sept, il ira à Trente. Il jette un œil sur la pendule, la grande aiguille est sur le sept. Doit-il se rendre à Trente ? Seul aussi ?  Doit-il d’abord aller à Sète ou d’abord aller à Trente ? Le coucou sort si soudainement que le pauvre a failli lâcher la pendule des froids, car la température ce 37 janvier dans la cuisine est proche de zéro, en été il dit que c’est sa pendule d’écho, mais là comme peu lui en chaut, il met une petite laine supplémentaire pour ne pas attraper un chaud effroi. Ce con de coucou pas coi coucoute sept fois or il est trente heures et sept minutes !  Dans sa cuisine lointaine, on entend c’ con d’coucou, du haut du buffet en chêne, il coucoute et fait glouglou, glouglou glouglou

Le pauvre remonte l’échelle du  temps, 73 barreaux, de haut en bas, puis il descend les 37 marches vers l’étang, de bas en haut. Arrivera-t-il à temps à l’étang pour remonter le temps ? Des tortues d’étang nageottent près du rivage. Un oiseau collectionne des petits cailloux et des ossements qu’il emmène, vol après vol,  délicatement près d’une sorte de tunnel en branches, fabriquant une architecture invraisemblable. Le pauvre le suit des yeux, fasciné par son ingéniosité. Une oiselle s’approche, les oiseaux se regardent longuement, l’oiselle marche vers le tunnel et se pose là, au milieu de la construction en branches, regardant le mâle dans ses audaces d’architecte. Une tortue intrépide et sûrement affamée soudain surgit derrière l’oiselle, l’attrape par l’aile, se hâte lentement vers l’eau, l’oiselle se débat sous la prise implacable, l’oiseau qui a arrêté son ballet vient à la rescousse de sa belle. En vain. L’oiselle a disparu, engloutie. De rage, de désespoir, l’oiseau amoureux se jette sur les plus lourds cailloux , sur les plus denses ossements, sur les plus aigus bouts de bois et les jette de toute sa force sur l’eau. Un livre-poisson, broché et dégoulinant d’eau surgit soudain, dents étincelantes en avant. Il tient serrée entre ses  dents acérées comme une noix noire. Dans les rais du soleil naissant, une raie glisse. Sans bruit. Cette raie se raie facilement aussi les vagues s’écartent pour la laisser se frayer un chemin vers de possibles rêves. Le poisson-broché voudrait se relier à d’autres brochés comme lui. Le pauvre sort de sa poche des oignons et lui explique comment faire un trait d’ognons. Les brochés seront ainsi reliés par leurs traits. Le broché remercie le pauvre en lui donnant l’accolade, et une noire noix de cola.

«  Combien as-tu de dents ? » interroge le poisson-broché. «  Moi j’en ai neuf cent.

 - Trente dedans et deux dehors »  répond le pauvre.

- Non aujourd’hui tu en as trente dedans et sept dehors » répond le poisson .

" Comment le 37-t-il ? «  se demande le pauvre. Puis le poisson-livre, ivre de livres d’oignons,  fend les flots de ses biscottos puissants, mâchonnant des oignons. Mais dans son sillage, tous ses fils se défilent, dans quelques secondes il ne sera plus broché !

«  Attends ! «  dit le pauvre «  tu vas trop vite à te débrocher ! »  Trop tard. A la surface de l’étang, flottent déjà  des pages du livre; le broché s’effeuille, page après page, les rectos et les versos se séparent dans un murmure douloureux, les phrases sont happées par l’eau, les mots résistent, s’accrochent avec toutes leurs forces de mots, mais ne peuvent plus lutter contre ce délitement accéléré. Le broché disparaît dans un coucou étranglé. Etant insondable, l’étang se referme.

Le pauvre va vers l’oiseau sidéré et le prend au creux de ses bras, l’oiseau  se laisse faire et s’endort, épuisé de malheur. Le pauvre s’étend près de l’étang, il est nu, mais il ne s’appelle pas Hans. Il ne sait plus comment il s’appelle, il s’appelle le pauvre. Il semble moins fiévreux. Il prend sa température. 37.  Il est temps de dormir, il se détend comme l’étang qui s’allonge imperceptiblement dans la nuit. Dans son dos le chat et ses ronrons, sur son ventre le souffle apaisé de l’oiseau mouillé, à ses pieds le chien flou qui jusque lui a rampé.  Une grenouille saute de son nénuphar et surfe sur la dernière page qui flottait sous les nues, elle se marre. La lune veille sur ses loqueteux, les enveloppe de rêves et de ris. 

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