Face à cette hécatombe de la pensée, face à cette captation du bien-commun qu’est une langue, j’ai voulu lutter avec les outils qui étaient les miens : l’humour et l’intelligence collective.
En 2019 j’ai créé un « entresort permaculturel » : une poétique métaphore entre la biodiversité qui nous entoure et une autre biodiversité qui serait celle du vocabulaire. Ne sont-elles pas toutes les deux menacées ?
« La graineterie de mots » est un spectacle où le public peut librement venir découvrir des sachets de « graines de mots », soit 450 espèces différentes, et il y en a pour tous les goûts : des semences de Cocasse, de l’Outrecuidance, de la Carabistouille, de la Logorrhée, de la Procrastination, de l’Alacrité, du Dégingandé, etc.
Sur un sachet, outre le mot, il y a sa définition, un exemple humoristique et des conseils de culture pour comprendre le meilleur contexte pour l’utiliser, et le semer.
Un petit teaser pour découvrir la « La graineterie de mots »
https://www.youtube.com/watch?v=O81zSFRfkF8
Le trait d’union entre France Culture et Rire et chanson
La « Graineterie de mots » se retrouve dans des « lieux non-dédiés », terme culturel pour dire qu’un spectacle se joue ailleurs que dans les théâtres : les médiathèques par exemple, et dans le cadre de la graineterie dans les festivals de rue, les manifestations autour du livre, à proximité d’un marché, dans un salon des plantes ou dans des espaces qui parlent de transition écologique…C'est donc le pari de naviguer entre érudition et bonne humeur, voire humour potache si nécessaire.
Chaque fois il s’agit d’aller à la rencontre de spectateurs qui sont dit « éloignés », de bonimenter, de convaincre, de nourrir la curiosité, de sortir de sa zone de confort. Car oui la violence symbolique d’une langue, ça existe. Qu’un spectateur entende le mot « Galimatias » ou « Nonobstant » et très vite il réagit « C’est les mots des politiques, ça ! C’est pas pour nous »… Ce genre de spectateur c’est un bon client à condition de l’accueillir avec humour. Parce qu’à la Graineterie de Mots on adore le terroir : Bouiner, Ravigoter, Folichon, Margoulette sont de magnifiques espèces en voie de disparition et qu’il connait ! Rassuré sur le fait que je suis un « allié », il osera peut-être aller fertiliser ses « écosystèmes langagiers » avec de nouvelles variétés.
Chacun « rentre » dans les mots en partant souvent de ce qui lui est familier : les ados vont fouiller dans « les mots des jeunes », les campagnards dans l’Argot, les enseignants iront chercher un peu d’érudition, et puis il y en a pour tout le monde : des assortiments pour les amoureux, les voyageurs, les gourmands… Il y a même un assortiment pour les futurs présidents de la République où on retrouve le fameux « Abracadabrantesque ».
Des spectateurs qui deviennent contributeurs… Et qui se politisent à l’insu de leur plein gré.
Sur la Charrette les spectateurs trouvent des carnets à disposition dans lesquels il est possible de proposer des mots qui formeront les futures semences. En 2019 il y avait 250 mots disponibles, aujourd’hui c’est plus de 450 ! A la fin des tournées avec les copain(e)s on prend toute cette matière et on sélectionne les espèces les plus prometteuses. L’enjeu est bien sûr de trouver des mots un peu truculent qui vont donner goût à l’exploration de la langue, mais aussi plus subtilement de mettre en avant des mots « à forte valeur ajoutée » : Résistance, Liberté, Désobéissance. Mais encore d’amener les spectateurs à (discrètement) rentrer en contact avec des questions politiques via de simples mots : Adelphité, Glottophobie, Cisgenre, Solastalgie…
Pour nous voir autrement que sur un écran vous pouvez retrouver les spectacles « Prends-en de la graine ! » et « La graineterie de Mot » un peu partout en France, en tournée 2025. Plus d’infos sur le site de la Cie les Miscellanées.
https://cielesmiscellanees.com
Johann Charvel, comédien et écrivain