Selon l’Eurobaromètre de la Commission Européenne de 2017, 71% des français jugent les institutions politiques françaises corrompues. Le baromètre de la confiance en politique diffusé par Opinionway en janvier 2022 révèle que 63% de la population ne fait pas confiance au gouvernement; 59% ne fait pas confiance à l'Assemblée Nationale et 57% au Sénat. Cette crise de la représentativité, qui s’inscrit plus largement dans un contexte de crise démocratique amplifiée depuis le mouvement des gilets jaunes, se traduit par une forte abstention lors des échéances électorales et une multiplication et même intensification des mobilisations citoyennes. En cause, l'inefficacité des politiques publiques face aux enjeux écologiques, économiques, sanitaires et sociaux; le manque d’exemplarité, d’intégrité et d’éthique dans l’exercice du pouvoir et l’absence ou la faiblesse des sanctions infligées aux élus et hauts fonctionnaires en cas d’abus, délits et crimes (Affaires Macron-Benalla, Sarkozy-Kadhafi, Balkany, Fillon, Sarkozy-Bygmalion, Macron-McKinsey…). Là où les citoyens sont sanctionnés, amendés, condamnés parfois lourdement pour leurs délits, d’autres, échappent aux sanctions où bénéficient d’une indulgence ou d’une clémence pour leurs méfaits du fait de leur statut. Aussi, nombre des privilèges financiers associés à ce type de fonctions viennent renforcer défiance et sentiment d’injustice à l’heure où la population, de plus en plus précaire, est contrainte aux sacrifices et survit au quotidien pour subvenir à ses besoins vitaux (se nourrir, se loger, se soigner, se déplacer,...).Inégalités sociales et justice à deux vitesses s’imposent au mépris d’une classe populaire, pourtant motrice de la société, qui se prive toujours plus sans jamais bénéficier du fruit de son labeur, lorsque d’autres vivent dans l’opulence et l’aisance.
Pour faire émerger ces questions dans le débat public et sensibiliser les décideurs, la Ligue Citoyenne décrétait une Journée Mondiale de la Probité le 24 octobre 2022. Définie par le Larousse comme étant la qualité d’une personne à observer parfaitement les règles morales et respectant scrupuleusement ses devoirs et règlements, la notion de probité, introduite pendant la Révolution, intègre le champ normatif par décret en 1972 et le code pénal en 1992. L’association, fondée en 2019 dans le sillage du mouvement des gilets jaunes, relève les dérives et abus constatés en matière de privilèges disproportionnés, financiers ou non, associés à certaines fonctions d’élus et hauts fonctionnaires et plaide pour l’inscription officielle, dans la Constitution, du respect du devoir de probité en son article 2.
Avec nos soutiens et partenaires, nous pensons qu’il est primordial d’agir sur 3 volets si nous voulons traverser cette crise de la confiance :
- veiller au respect du devoir de probité, obligation à laquelle les fonctionnaires doivent se plier au regard du chapitre IV de la loi du 13 juillet 1983 (dite loi Le Pors) portant droits et obligations des fonctionnaires. ; de l’ ’article L.121-1 du Code Général de la Fonction Publique qui dispose que « L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. » et de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires;
- repenser le fonctionnement des institutions en y associant les citoyennes et citoyens qui ne veulent plus rester en dehors de la construction des politiques publiques. C’est une volonté exprimée par 82% d’entre eux selon le sondage réalisé en 2023 par Opinionway pour Mieux Voter, Agoralab et Démocratie Ouverte. Le niveau de défiance actuelle appelle à une écoute active devant nécessairement mener à une implication plus forte, méthodologiquement fiable, efficace, inclusive de la population.
- mettre en place des mesures au service de l’éthique, de la transparence et de l'exemplarité à travers 6 mesures :
- un casier vierge pour les élus et hauts fonctionnaires pour les crimes et délits constituant des atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne, les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel, les atteintes aux libertés de la personne, la traite des êtres humains , le proxénétisme, le recours à la prostitution, l’exploitation de la mendicité, ou les abus de faiblesse;les manquements au devoir de probité réprimés par les articles 432-10 à 432-16 du code pénal ;les infractions de corruption active et passive, trafic d’influence commis par des particuliers ou entrave à l’exercice de la justice ;les infractions de recel ou de blanchiment des choses, des produits ou des revenus;les violations du droit électoral que constituent l’achat de votes et le fait de violenter ou menacer des électeurs pour s’assurer leurs suffrages;les infractions fiscales
- la révocation des élus et hauts fonctionnaires, un dispositif qui existe déjà dans plusieurs pays comme le Vénézuela, la Roumanie, les Etats-Unis ou encore le Royaume-Uni.
- le non cumul des mandats. Depuis 2012, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique préconise d’interdire le cumul d’une fonction ministérielle avec l’exercice de tout mandat local, exécutif ou non.
- la réduction des privilèges de la fonction de Parlementaire, Président, Premier Ministre et conjoint/es avec notamment pour la fonction présidentielle, la fin du versement à vie d'une pension de retraite (6000 euros brut mensuel); la fin de l'attribution automatique et à vie d'un siège au conseil constitutionnel (11 500 euros net par mois) et la révision du “Décret n° 2016-1302 du 4 octobre 2016 relatif au soutien matériel et en personnel apporté aux anciens Présidents de la République”. Pour la fonction parlementaire, nous réclamons de la transparence sur les frais de mandat et de réels contrôles pendant la durée du mandat et non uniquement a posteriori.
- La fin du financement des obsèques des députés et sénateurs par les contribuables. Selon un rapport des comptes de l'Assemblée nationale, en 2017, pour financer les obsèques de 77 députés, ex-députés et conjoints, les “allocations pour frais funéraires” ont représenté un total de 573.000 euros et 538.693 euros en 2016, soit 7000 euros par obsèques en moyenne. Côté Sénat, selon le dernier rapport d'information sur les comptes du Sénat, 53 anciens sénateurs, conjoints de sénateurs et quatre élus en exercice sont décédés en 2016, et les frais funéraires correspondant ont représenté 967.000 euros, soit environ 17.000 euros par obsèques en moyenne. Les français eux en sont à souscrire des assurances ou ouvrir des cagnottes pour espérer des funérailles décentes.
- La création d'un organe citoyen de contrôle des comptes publics. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 évoque, dans ses articles 14 et 15, le droit des citoyens et de la société de contrôler les finances publiques. Les données publiques doivent être plus accessibles, lisibles, compréhensibles. Les alertes de la société civile doivent être prises au sérieux et des contrôles par les citoyens doivent être rendus possibles en complément des signalements permis par la nouvelle plateforme ouverte par la Cour des comptes.
Rappelons que dans les cahiers de doléances mis à disposition dans le cadre du Grand Débat National organisé par le Président de la République, Emmanuel Macron, durant le mouvement des Gilets Jaunes, la dénonciation des privilèges accordés aux responsables politiques nationaux revient presque systématiquement.
Cette revendication étant restée lettre morte, nous souhaitons relancer le débat et questionner le sens moral et plus largement la dimension éthique et déontologique entourant certaines pratiques qui devraient faire l’objet de contrôles réguliers et entraîner la réforme ou la suppression de plusieurs d’entre elles.
Signataires :
Nathanaël Ramphft, Co-fondateur et Président de la Ligue Citoyenne (LLC)
Thierry Thumson, co-fondateur LLC et antenne des Ardennes
Faouzi Lellouche, co-fondateur LLC, dirigeant associations Génération Sport & ACCES'CIBLE
Priscillia Ludosky, co-fondatrice LLC
Patrick Porée, co-fondateur LLC et antenne de la Creuse
Sandrine Desamber co-fondatrice LLC et antenne de la Martinique
Taoufik Vallipuram, ex-Président de Ouishare, militant associatif au sein des quartiers populaires franciliens
Mahaut Chaudouet-Delmas, Militante feministe
Samuel Grzybowski, DG Oasis 21 Coopérative de Tiers-lieux
Ritchy Thibault, cofondateur de Peuple Révolté
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